P^^^lliiJ|pi!dft';î;^^^ =m i(0 no ;C0 Mï ŒUVRES DE MONSIEUR DE FONTENELLE. TOME ONZIÈME. i_(aiiHi| WMIHIHHIIWHIf LIBRAIRES ASSOCIÉS. FissoT, Père & Fils, Quai des Auguftins. iVeuve D E s A I N T, rue du Foin. Delalain l'aîné , rue des FofTés Saint- Germaln-des-Prés. Nyon l'aîné, rue Saint- Jean-de-Beauvais, Moutard, Imprimeur de la Reine , rue des Mathurins. Démon VILLE, Imprimeur de T Acadé- mie Françoife y rue Saint-Severin, ŒUVRES DE MONSIEUR DE FONTENELLE, Des Académies , Françoife , des Sciences l des Belles-Lettres , de Londres , de Nancy , de Berlin &: de Rome» NOUVELLE ÉDITION. TOME ONZIÈME. A PARIS, CHEZ LES LIBRAIRES ASSOCIÉS. M. DCC. LXVL pu F.7 I7éé> ■*«. Avertissement. Ix montagne une pierre d'un poids énorme qui retomboit toujours. Mais ce qui doit le plus coûter à un bon citoyen , il faut que par les maux particuliers il prévienne ou foulage les maux publics; qu'il s'attende que ce foin même paroîtra barbare à tout un Royau- me , qui fent les coups qu'on lui porte, & ne voit pas ceux qu'on lui épargne ; qu'il exeice des rigueurs, dont l'utilité éloignée & peu fenfîble ne le juftiHe pas auprès de ceux qui les foufFrent; qu'il fe refufe d'écouter des gémifle- mens légitimes , du moins par la dou- leur préfente; que pour prix de fes tra- vaux & de fes veilles , il foit l'objet de toutes les plaintes de ce même peuple dont il aflure le repos ; qu'il s'entende reprocher jufqu'à la ftérilité des cam- pagnes , & devienne refponfable des ri- gueurs du Ciel. Enfin C & quel fuppîice pour un cœur (încere ! ) c'eft un de Tes principaux de- voirs de rafTurer , par fon extérieur , ceux qui tremblent pour la fortune de l'Etat. Il faut qu'aux préfages les plus menaçans il oppofe un vifage ferein ; qu'il (e donne un air tranquille au mi- xi) Avertissement. prefque plus rien à faire aux réflexions, il fallut cependant qu'une extrême ap- plication lui tînt lieu d'une longue ha- bitude , de que la force du travail ap- planît les difticultés qu'il n'appartient ordinairement qu'à l'ufage de furmon- ter, &c. PIECES ... .1î¥X*XîffXîJi^ -^il'- 5*X^Xî^X''^ . PIECES RELATIVES A MONSIEUR DE FONTENELLE. L O G DE M. DE FONTENELLE, Par ai. le Beau^ Secrctaîre perpétuel de, l^ Académie des Infcripùons & Belles- Lettres , lu dans L'Ajfemblée publique d"" après Pâques l'jSl- BERNARD LE BoVYER de Fon^ tmelU naquit , le j i Février 16^7 , de François le Bo\y:r , Ecuyer , Sieur do Fûniemlle, & de Marthe Corneill:, Lorf- qa'il vint au monde, on le crut près de mourir ; on n'ofa le porter à TEglife: il ne fut baptifé que trois jours après fa naiflance. Tout devoit être furprenant dans Tome Xlt a I) Pièces relatives M. de FonundU ; on fut d'abord éton- îié de le voir vivre. Cet enfant, qui ne fembloit pas aflez fort pour refpirer une heure, a vu fa centième année: il dut cette longue vie à Theureufe har- monie de fon ame & de fon corps, qui ont vécu enfemble dans une parfaite intelligence. Son corps évita toutes les fatigues; M. de FonundU ne fut pas mên:ie tenté d'efTayer fes forces; il s'abftint, dès fa première jeunefie , de tous divertiiïe- mens pénibles, de tous les jeux qui de- mandent quelque effort ; il fe fit une habitude d'épargner à fes fens tout ce qui peut les ufer ou les afïbiblir. Sa vie fut unie, renfermée dans un cercle d*é-i tudes & de plaifîrs également tranquil- les: c'étoit un vafe d'une matière fine &: d'un ouvrage délicat, que la nature a voit placé au milieu de la France, pour l'ornem.ent de fon fiècle, & qui fub- fifta long-temps fans aucun dommage, parce qu'il ne changeoit pas de place , ou qu'il n'étoit remué qu'avec pré- caution, A des organes fî bien confervés, nulle ame ne pouvoit être mieux afTortie que la fienne; elle fe maintint dans une afliette toujours paifible : les pafTions A M. DE FONTENELLE. Hf avoient perdu pour lui tout ce qu'elles ont de pénétrant & de nuifiblc. Il ne s'efi: jamais donné la peine de haïr ni de s'irriter. Sourd aux critiques , il n'y répondoit pas : il ne parut fenfible qu'à la louange, mais il n'en étoit point eni- vré;il la goûtoit avec plai'ir, de quel- que main qu'elle lui fut préfentée. Af- fligé (ans trouble , habituellement gai , fans connoître les éclats de la joie, ja- mais il n'a pleuré, jamais il n'a ri: en un lîîQt, jamais une ame r.'a mieux ména- gé fa demeure, & n a manié avec plus de circonfpedion les reflbrts dont elle faifoit ufage. J'ai cru devoir tracer cette légère ébauche de fa perfonne, avsntque d'entrer dans l'Kiftoire de fa vie. Son père mourut en i6p^ , à l'âge de quatre-vingt-deux ans, Sous-Doyen des Avocats au Parlement de Rouen, C'étoit un homme eflimable, que fon fils a rendu célèbre. Sa mère l'étoit déjà , par la qualité de fœur des deux Corneil/es ; elle joi- gnoit beaucoup d'efprit à une piété exemplaire ; elle forma fon fils , dans lequel la douceur des mœurs S: l'élégance du flyle retinrent toujours l'empreinte d.e l'éducation maternelle. a ij îv Pièces RELATIVES De quatre frères , Bernard fut le fé- cond; l'aîné, nommé Jofeph, mourut fort jeune: des deux derniers, l'un , ap- pelé Pierre , ne vécut que trente-trois ans; il étoit Prêtre habitué à S. Laurent de Rouen ; l'autre, Jofiph-AUxis , mou- rut Chanoine de la Cathédrale de cette même Ville, à l'âge de foixante dix- huit ans, en réputation de fcience 6c ds vertu. ^î. de FontenelU étudia che2 les Jèfukes de Roiun ; fon cours d'humanités fit naî- tre les plus belles efpérances. En 1670 , il remporta le prix des Pa!mods,pnv une pièce de vers latins fur l'immaculée Con- ception. L'allégorie n'en eft pas heu- reufe, mais l'Auteur n'avoit que treize ans; & l'on fait que'dans ces lujets pé- riodiques , où l'on s'obftine à tirer (ans cefie du même fol de nouvelles richef- fes , les idées nobles & naturelles lont d'abord failles, la mine s'épuife, &laifle aux derniers venus plus de recherches & moins de fuccès *, La philofophie encore au berceau; * En 1^71 , le jeune Fontenellc remporta en- core quatre prix des Pa'inods. On trouve tou- tes ces pièces, dont trois font en vers François, à la fuite de fon Elo^e par Al. /c C'jt , lu en .17 j 8, dans une afTcmblée publicjite de l'Aca- A M. DE FONTENELLE. V quoiqu'elle fût âgée de plus de deux mille ans, le rebuta d'abord; bientôt il fcntit qu'il étoit né pour percer fes ténèbres , & pour prononcer fes oracles; il prit goût pour tlle , & s'y diftingua : il avoit fini (es clafTes avant l'âge de quinz* ans. Son pcre le deflinoit au Barreau , où il avoit lui-même pafle fa vie. Le jeune FontcnelU plaida une Caufe au Parlement de Rouen ; mais cette Pro- feilion lui parut trop férieufe, trop au(- tère, &, pour ainfi dire, trop mono- tone, pour s'aflbrtir avec ces grâces légères qu'il fentoit éclore. Un voyage qu'il fit à Paris avec Thomas Cur.iciilc ^ ion oncle & fon parrain , lui préfenta une fcène plus vive, plus gaie & plus conforme à la diverfîté de fes talens. Les conquêtes de Louis XIV ^ couron- nées par la paix de Nlmegut , répan- doient alors dans toute la France la joie & l'éclat des plus beaux jours ; tout le Parnade étoit en mouvement; il retentilibit des concerts de Mufes. M. àz Fontcndle efîaya fa voix, elle fut reçue dans les chaurs des Poëtes ; il ilémie de Rouen , & imprimé l'année fuivante dans la même Viils. Noie ds L'Editeur* aiij v| Pièces RELATIVES eut part à l'Opéra de Pfyché & à celui de BdUrophon. La converfation des Dames à qui il fut plaira par le ton d'une ga- lanterie fine & fpirituelle, acheva de le brouiller avec Papinicn & la Coutu- me ; il ne retourna à Rouen que pour obtenir de Ton père la permiffion de fui- vre Ton attrait. Revenu à Paris ,\\ demeura chez Tho» mas Corneille, qui travailloit alors au Mercure avec le fieur de Vifè. Le ne- veu féconda la fécondité de l'oncle ; il fema dans cet Ouvrage beaucoup de petites nouvelles galantes ; en même temps il aidoit Mademoifelle Bernard dcHs la compontion de fes pièces , & il compofa en fon propre nomi une Tm- ^èdie. Un fuccès équivoque auroit peut- ctre enchaîné le jeune Auteur fur la fcène , pour y traîner triftement une réputation languiflante. M. de FontenelU fut plus heureux , la Pièce tomba tout "à- fait ; il écouta fans chagrin, & comprit fans peine la leçon que lui faifoit le Public, leçon toujours claire & intelligible à tout autre qu'à l'Auteur : il en profita , & il eut le courage de re- çonnoître que le neveu du grand Cor- neille n'étoit pas né pour la Iccne tra- gique. A M. DE FoNTENELLE. vlj En eifet , jamais deux génies rares ôc fînguliers n'eurent des talens plus op- pofés. Piern Corneille , grand & fubli- me, s'élevoit trop haut pour apperce- voir les petits objets ; négligé avec magnificence , il étonnoit la critique même. M. de FonunelU étoit tendre , fin , plein d'enjoûmsnt & d'élégance, mais étudié dans fa parure jufqu'à une efpèce de coquetterie. Le premier ar- rêtant des regards fixes & hardis fur les Dieux & fur les Héros au milieu de leur éclat & de leur gloire ; habile à les peindre par des traits auiîi forts & aufli immortels qu'eux-mêmes; por- tant le trouble dans l'ame, dont il ne remuoit que les grands refibrts ; Tau-. tre , fe jouant autour du cœur humain , dont il ne touchoit que les cordes les plus délicates, ne (ono^eant qu'à réveil- ler des fentimens agréables , copiant tous {q% portraits d'après \t^ grâces, qu'il ne perdoit jamais de vue. L'un , femblable à un aigle, avoit befoin de beaucoup d'air pour foutenir fon vol qui perçoit la nue , tout prêt à tomber , pour peu qu'il fe rabattît vers la terre: l'autre , tel qu'une abeille , voltigeoit fur l'émail des prairies, autour des bo- a iv vilj Pièces relatives cages, autour des ruiiTeaux, fe nour- riflant de l'extrait des fleurs les plus jeu- nes, dont il épuiîoit le fuc; ne s'expo- fant jamais dans la re'gion des vents 8i des orages. Pierre Corneille fembloit né pour yOlympe : M. lù FontenelU pour les riantes campagnes de VElyféc. Ce fut dans \ Elyjce qu'il plaça îa fcènedu premier.Ouvrage qui commença fa réputation. Il fit parler les Morts : on trouva leurs entretiens trop fubtils & trop recherchés ; on eût déîiré dans la variété des caraftères une teinture générale de cette (implicite & de ce na- turel , qui réuûit toujours aux Habi- tant de l'autre monde. On vit enfuite , d'année ea année, pa* roître quatre Ouvrages , qui fixèrent pour toujours le rang qu'il devoit te- nir dans la fphère du bel-eTprlt. Ses Ltttrts galantes ne furent pourtant jet- îées dans le Public , que comme un eflai H un titre de prétention : il les donna lous un nom emprunté , & ja- inais il n'a avoué , jamais il n'a nié qu'elles fufl'ent de lui. Mais fa Plurallù des Mondes emporta tous hs fuffrages. La fccne en eft char- mante j l'exécution préfente autant de fleurs qu'il brille de feux dans la voûta A M. DE FONTENELLE. iX célefle : ces fleurs feront immortelles ^ du moins leur fraîcheur fubliftera-t-elle autant que notre langue. Le goût de l'e'rudition n'étoit pas ce qu'il y avoit en lui de plus dominant. Cependant le Traité de FandaU fur les Oracles , lui plut par (a hardiefle & par fa nouveauté. Lucrèce avoit rendu en beaux vers la philofophie à'Epicure. M, de FonundU fit pafler dans le ftyle des grâces , un livre hérifle de citations & de favantes parenthèfes. Le Père Bal^ tus ^ Jéfuite, fondit tout à la fois fur l'Auteur & fur le Tradudeur , avec des armes pareilles à celles de Faniale , mais avec plus de force. M. de FontenelU ne répondit pas ; fes raifcnp.c.T.^îns ton>, bèrer.t, il ne refta que les agrémens ; &:pour parler le langage de h PîuraiiU des Mondes , ne pourroit on pas compa- rer ce Traité placé entre les Ouvrages de AL de Fonrenelle ,kunQcomètQ échap- pée d'un autre tourbillon, qui, fans d'iC-» paroître tout -à- fait , refta presque éclipfée par l'interpoCtion d'un corps opaque? Ses Pafforales eurent des partifans. Ceux qui ne connoiflent Theocriu que par oui-dire, & Virgile que par une lec-? % Pièces rel ati ve§ ture légère , crurent de bonne foi qcô les Bergers de Sicile & de Mantoue n'é- toient pas des gens fupportables ; ils furent gré à M. de Fonttmlle d'avoir donné aux (lens le ton de la bonne com- pagnie , Se de leur avoir appris à fou- pirer avec fînefle. L'Opéra de Thctïs & Pelée, qu'il don- na en i6%<^ , fut reçu avec appiau- difîement. L'année fuivante , le fuccès médiocre d'Encc & LavirAe confola fes envieux. Il n'en pouvoit manquer avec des talens aufTi éclatans. Mais il avoit encore une autre forte d'adverfaires : des Puiffances redoutables dans l'em- pire des Lettres, étoient armées con- tre lui ; la guerre était alors très- animée entre les Partifans ^qs anciens & ceux des modernes. Les plus capables de for- tifier la caufe des modernes, héritiers eux-mêmes des talens & de la gloire des anciens, & deftinés à vivre avec eux dans les ficelés à venir, s'étoient jetés dans le parti de l'antiquité ; & les Dé- fenfeurs du dix-feptième fiècle avoient un grand déî'avantage : la plupart r/e connoifToient les anciens qu'ils atta- quoient, que fur des rapports toujours aitére's, fouvent très intidèles : on s'é^ A M. EE FONTENELLE. Xj cliaufFoit , on difputGit quelquefois fans s'entendre ; & comme il arrive tou- jours dans les querelles opiniâtres, les deux partis fe refufoient juftice, & le zèle pour la caufe s'embrafoit d'une el- pèce de fanatifme. M. de Fonundk , jeune encore, fc déclara contre les an- ciens : il en fut puni; quatre fois il demanda une place à l'Académie Fran- çoife; quatre [ois Homlvc , Platon , Théo- ciice follicitèrent contre lui, & furent vengés des traits de fa bel!e humeur. Enfin , l'année i6(ji , en ne put tenir le neveu du grand CorncilU plus long- temps éloigné d'une Académie que l'oncle avoit tant honorée. Il fuccéda à M. de Fillaycr ^ 6j fou tint pendant près de foixante-fîx ans l'honneur de cette illuflre Compagnie , par la décence de fes mœurs , par l'éclat de fes Ouvra- ges , & par les Difcours toujours ap- plaudis qu*il prononça en qualité de Direâeur. Ce fut une fête brillante que celle où M. de FontenelU , âgé de quatre-vingt- cinq ans . renouvella dans l'Afiemblée publique du 25 Août 1741 , la mé- moire du jour auquel cinquante ans auparavant il avoit été reçu dans TA- xi] Pièces relatives cadémle. Tout Paris accourut pouf l'entendre. On fut touché de cette élo- quence , dont le temps avoit adouci le coloris , comme celui des tableaux , qui n'en deviennent que plus parfaits. On croyoit voir Nejîor dans le Confeil des Princes de la Grèce ; il avoit vu , comme ce Héros , deux générations ; il préfidoit à la troifième: il ne reftoit plus que quatre Académiciens reçus avant qu'il fut Doyen. Chacun rem- porta les idées les plus agréables d'une fi riante & fi aimable vieillelTe. Huit ans après , dans fa quatre-vingt- treizième année , il prononça encore deux Difcours. Il rellembloit à ces ar- bres rares & précieux , qui ne connoit fent pas les hivers, & dont la fécott- iïié inépuifable enrichit toutes les fair fons. Je ne parlerai point de tant d'autres Ouvrages de profe & de vers , tantôt enjoués , tantôt férieux & réfléchis, mais toujours délicats , dans lefquels l'Auteur ne s'eft guère écarté du natu- rel, qu'il n'en ait, s'il eft pofîible , dé- don^magé par quelque trait ingénieux. Qu'on me permette de jjflifier ici M. de FonundU fur un reproche fou- A M. DE FONTENELLE. xîîj vent répété par des cenfciirs févères. Ils l'accufcnt d'avoir altéré parmi nous îe goût de la vraie éloquence; ils met- tent fur fon "compte les déf:iuts de fes imitateurs. J'avoue qu'il y a dans pîufieurs de fes écrits trop de jeux d'efprit , trop de recherche , & , fi je l'ofe dire , trop d'afféterie ; mais ne peut-on pas pardonner ces imperfec- tions à la beauté de l'ordre , à la net- teté de l'élégance , à tant de traits heu- reux, à cette variété d'images pleines d'agrément & de juftefTe, qui naifloient de la grande diverfité de fes connoif- fances ? Si des Auteurs dépourvus de toutes ces reffources, n'ont emprunté de lui que des défauts, c'efl; à eux feuls qu'il faut s'en prendre. Ce ne font que les tableaux de prix qui produifent de mauvaifes copies. Les modèles de la plus haute éloquence , Dc/nojlhem de Bojfuct , ont pu faire naître des imita- tions vicieufes. Toute la différence, c'eft que les défauts de M. Je FonundU font plus féduifans: ceux de ces grands Orateurs font cachés dans les ombres , & couverts par des beautés fublimes ; les fiens ont plus de faillie , ils font eux-mêmes éclatans. vîy Pièces relatives Tandis que l'Académie Françoife^ qui, comme par droit d'aînefle, s'étoit faifie la première des talens de M. (h Fonténdlc , en recevoit un nou- veau luftre, elle voyoit encore réflé- chir fur elle une partie de la gloire qu'il acquéroit dans l'Académie des Sciences. Il y étoit entré en 1697, & l'on peut à jufte titre lui appliquer ce qu'il a dit lui-même de M. de la Hire : On croyoit avoir choifi un Académi- C'.en , on fut étonné de ti'ouver en lui une Académie toute entière. La nature a coutume départager fes faveurs; & ces métaux fi recherchés, qu'elle en- ferme dans les entrailles de la terre , n'enrichiflent pas les campagnes dont la furface eft la plus embellie; c'eft au pied des montagnes , dans des ter- rains ftériles & fauvages , qu'elle fe plaît à cacher fes tréfor3. Elle fe prodigua à M. de FontenclU. Les Sciences les plus épineufes & les plus auftères vinrent fe placer chez lui fans confufion , à côté d'une imagination fleurie. On le fentit, lorfque deux ans après , l'Aca- démie des Sciences ayant pris une nou- velle face, il fut revêtu du titre de Secrétaire perpétuel. Ce choix contri-; A M. DE FOKTENELLE. xvi bua autant que le nouveau Règlement à relever l'éclat, de la Compagnie. Ce fiit fur ce théâtre Ci élevé , li étendu , qu'il fe montra vraiment admirable. Un génie univerfel l'avoit initié à tous les myfleres de la nature , à tous les f ecrets des arts. Nouveau Protée , tantôt Chymifte, tantôt Botanifte, tantôt Ana- tomifte , Géomètre a Aftronome , Mé- chanicien, & fous tant de formes di- verfes , toujours lumineux , toujours élégant , il fut parler le langage de toutes les Sciences , & leur prêter la parure du ftyle, fans leur rien ôter de leur force & de leur profondeur. Elles avoient paru jufqu'alors fous une for- me étrangère; elles ne s'étoient encore exprimées qu'en Latin. Le nouvel in- terprète leur apprit toutes les fineffes de la Langue Françoife ; il les rendit plus fociables , plus gaies, plus fami- lières ; & l'on peut dire que , dans THiftoire de l'Académie , il efl: ea quelque façon parvenu au grand œuvre. Ponner du corps aux matières les plus abflraites , portet la lumière dans les plus obfcures, rendre intéreOTant ce qu'il y a de plus fec , & vivant ce qui f^mble inanimé , c'ert; une opération svj Pièces RELATIVES ^e refprit pareille à celle qui réuflîroït à changer en or tous les métaux. Les tréfors rerjfermés dans ce bel Ouvrage ont ajouté à la langue Fran- çoife un nouveau prix chez les Na- tions étrangères ; c'a été un nouvel attrait pour s'en inftruire. M. de Fonte^ ndle ne doit rien à notre Langue, quoi- qu'elle l'ait fi bien fervi: il en a étendu le commerce ; il lui a rendu autant de gloire qu'il en a reçu d'elle. Il n'appartient qu'à ceux qui lui ref- femblent , de le fuivre dans des détails fi profonds , (i variés , (î iupérieurs à mes lumières, & d'apprécier encore Tes Ouvrages particuliers, tels que la Géo' fnétric de C Infini , & la Théorie des tour- billons. Car 5 au milieu de la révolution furvenue dans le monde philofophique, toujours fidèle à Defcartcs , il eft de- meuré ferme fur les ruines du fyftéme de ce grand Phi'ofophe; & reflé pref- que feul au centre des tourbillons en- foncés de toutes parts , il s'eft laiflc entraîner avec eux. La Préface de ce dernier Ouvrage efl: fortie de notre Académie : elle a occupé quelques momens d'un de nos plus iavans Con- frères, A M. DE FoNTENELLE. Xvîj frères , qui réunit les connoiOances physiques à l'e'tude la plus approfon- die de l'antiquité (a). Je ne puis m'empêcher de dire un mot de ces Eloges, où l'Auteur diftri- buant l'immortalité à tant d'hommes qui l'ont méritée , fe l'aiïure à lui-mê- me: peut-être aucun Ouvrage n'a-t-il fait autant de conquêtes à l'Académie Ôqs Sciences. On ne peut lire l'hiftoire de ces illuftres Morts , fans être tm- brafé du defir de marcher fur leurs tra- ces. M. ds Fonten&Ue , en leur ren- dant les derniers hommages , réparoit avantageufement leur perte; en déplo- rant ces talens éteints , il en faifoit éclore de pareils. Le portrait d'un feul Géomètre, d'un feuî Physicien , peine d'une main (i habile, reproduifoit p!u- fieurs Physiciens, pluiieurs Géomè:;res; & ces éloges funèbres portent en eux- mêmes un germe de vie de un principe de fécondité. Quelle raifon a rendu M. de Fonte- neile h (upéntur à lui-même, dans lesî Ouvrages qu'il a produits pour TAca- démie des Sciences? La voici, fi je ne {a) M. Fa/cona, Tome XL h xvî'j Pièces relatives me trompe. Il ne pécboit ailleurs que par une certaine Tubtilité de penfe'es, & par le choix & l'abondance des or- nemens ; les fujets fe plioient à fon in- clination. Ici la dureté, i?c, pour ainfî parler , ] inflexibilité des choies qu'il rraitoit, a maitri(é fon génie. Des fu- jets pleins de difficulté & de fécherelTe ne lui ont permis que des peniées fer- mes & foîides , & de fages ornemens dont on ne pouvoit abufer; & le con- trafte des qualités oppofées entre la matière & le génie de l'Ouvrier, qui fe balançoient Tun l'autre, a produit dans l'Ouvrasse cette jufle proportion de beautés qu'on y admire. En 1701 , lorfque notre Académie prit une forme j lus régulière, le Roi le nomma dU non'kbre des dtx AfTociés; mais le peu de goût qu'il fentoit pour les recherches littéraires , 8c plus en- core les occupations des deux autres Académies où il étoit déjà engagé , ne lui permettoient pas de venir cueillir les fruits qui croiffent parmi nous. Ac- coutumé à remplir les places qu'il oc- cupoitj il ne put lui-même fouffrir fon inutilité. Quatre ans après fon entrée, il obtint la vétérance, & emporta avec A M. DE FONTENELLE. XÎX )ui notre eftime. Une preuve bien fin- cère de la Tienne à notre égard , & ea même temps de la droiture de Ton ef- prit & de fon coeur, c'efl: que, malgré îes follicitations des Candidats les plus emprellés, il ne voulut jamais ufer de fon droit pour prendre part à nos élec- tions. Il n'étoit pas , difoit-il , aflez au fait de nos occupations, & ne les fui- voit pas d'affez près pour hafarder un fuffrage , qui, même en faveur d'un Sujet d'ailleurs eftimable, pourroit n'ê- tre pas conforme à l'efprit & aux be- foins aduels de la Compagnie. La fociété de M. de FontendU don- noit de lui une idée encore plus avanta-» geufe que Tes Ouvrages. Elle avoit tou- tes les douceurs que peut fournir une heureufe nature , jointe à l'ufage du monde le plus poli. Perfonne n'enten- doit^ieux la bonne plaifanterie. Il con- toit avec agrément , & finifToit tou- jours par untra-t. Né vertueux, il Té- toit fans contrainte & prefque fans ré- flexion ; il ne connoiflbit point les vices. On faccufe d'avoir aulfi ignoré les vertus qui portent avec elles quel- que grain d'amertume ; peut-être n'i~ gnoroit-il que cette amertume , don^ bij xjc Pièces relatives i! favoit les dépouiller. On lui demaiT-' doit un jour s'il n'avoit jamais rencon- tré perfonne avec qui il cur voulu chan- ger d'efprit; il répondit qu'il en avoit trouvé plufieurs avec lefquek il auroit volontiers accepté l'échange , mai-s qu'il auroit cependant voulu conlerver une partie du (ien ^ pour la commodité du. poflefieur. On s^empreffoit de îe connoître; il y entroit de la vanité : l'avoir entre- tenu , c'étok avoir fait Tes preuves de bel efprit ; il avoit de quoi en prêter aux autres , fans s'appauvrir , & fans- qu'ils s'apperçuffent que c'étoit le fien qui pafl'oit chez eux. On fe mettoit à la mode , en fe difant de (es amis : pour lui il s'en eonnoiflbit fort peu, mais iî' fe livroit à eux fans rélerve. M. Bru- /zc/. Procureur du Roi au Bailliage de Jiouen , avoit été lié avec lui dès fa première jeunefle. Tous deux fe ref- iêmbloient parfaitement ; & M. d'e Fon- tintllc difoit en badinant , que fon ami ne lui étoit bon à rien , parce qu'ils fe rencontroient toujours. Peu de temps après qu'il fut venu à Paris , il avoit raffemblé mille écus; c'étoit alors tou- Jte fa fortune. Son ami lui écrivit eii A M. DE Font EN ELLE. x?îî deux mots: Envoye:^-moi vos mille ccus^ M. de FontcnclU répondit qu'il avoit deftiné cette fomme à un certain em- ploi. L'ami récrivit (impîement : fen ai bifoin ; & celte fois les mille écus fervirent de réponfe. Ce peu de paro- les fuffiloient entr'eux; c'étoit Te parler à foi même. M. Briind mourut trop tôt , & M. di Fonundk en fut toujours in- confoiable. Il a décrit lui-même (a) les momens agréables qu'il avoit pafles dans fa jeu- nèfle avec fes trois compatriotes , l'Ab- bé de S. Pierre , M. Varimon & l'Abbé de Fcnot. On lentque plusde trente-cinq ans après, il foupire encore après les plaifirs innocens de ces entretiens , oui quatre amis deftinés à Jouer des rôles différens , mais illuftres, dans le monde littéraire , fe communiquoient deux fois par femaine le fruit de leurs ré- flexions & de leurs études. Le P. Maie- branche vouloit bien fe rendre quelque- fois dans cette petite fociété choilieg & porter de l'aliment à ces jeunes ef- prits , qui alloienî être bientôt capables de voler de leurs propres aîles. {a) Dans l'Eloge de M. yuri^nea^ 5(xi) PtECES HELÂTIVES Après la mort de Thomaj Corneille , M. de FontenelU alla loger chez M. U Haguais , avec lequel la conformité de mœurs & de mérite l'avoit uni d'une étroite amitié. C'étoit un Magiftrat du premier ordre , Avocat Général à la Gourdes Aides , fameux par les Dif- cours qu'il a prononcés dans fa Com- pagnie , & qui font des modèles de cette éloquence qui fait réunir les grâces du ftyle avec la dignité des Tribu- naux (a). Ayant perdu M. le Hnguaïs , il fut logé par M. le Duc d'Orléans au Palais Royal. Ce grand Prince , dès long- temps avant la Régence , l'honoroit de fa confiance. Il le confultoit fur cette vafte étendue de connoiflances (a) M. Je FontenelLe eut beaucoup cîe parr à cesDifcours, entr'autres à celui pour la pvelen- tation des Lettres de M. le Chancelier d& Pont^ chartruin à la Cour des Aides. On en trouve un morceau dans les Alémoircs de AI. l' Abhc Trublet ///A y?/, de Fontenclle, ■p.igc 141. U s'y agit de l'emploi de Contrôleur Général des Fi- nances , que M. de Pontchartrain avoit exercé avant que d'être Chancelier. Ce beau morceau peur faire pendant avec celui fur la Police dans l'éloge de M.. d' Argcnfon. Or\\ç. trouve dans ce yolume. Noie de L'Editeur, A M. DE F ONT EN ELLE. Xxii; qu'il avoit lui-même embrafiée ; & il le trouvoit toujours en état d'inftruire ou d'être inftruit en un mot, ce qui eft prefque la même chofe dans les Sciences e'ievées à un certain degré. Le Prince lui aillgna une peniion de mille écus. M. le Duc d'Orléans , fils de M. le Régent , ne lui en conferva que la moitié'; & M. de FontenclU , quoiqu'il fût alors devenu riche pour un homme d'efprit, n'en murmura pas. Il approuva la pieufe économie du Prince, qui fe ïbuvenant qu'il étoit homme , prenoit lur les dépenfes de la grandeur de quoi (ubvenir aux befoins de Thuma- nité. Cette vertu même n'étoit pas étran- gère à M. de FonumlU. Il eft vrai qu'il falloit l'éclairer de bien près pour en découvrir les effets. Ilétoittrop intel- ligent pour ne "pas laiiTer aux vertus tout ce qu'elles peuvent avoir de prix ; & la main qui donnoit , fe cachoit avec plus de précaution que celle qui rece- voit. Cependant fes amis les plus inti- mes rendent témoignage qu*il a fe- couru plufieurs perfonnes dont il n« connoifToit que l'indigence; ti l'on a trouvé dans fes papiers , après la mojrtj xxîv Pièces relatives des billets pour des fommes qu'il avoit prêtées à des gens dès -lors infolvables , & dont il n'a jamais ni pourfuivi ni ef- péré le paement. Sa vieillefle toujours gaie, toujours? galante , ne fut marquée que par le nombre des années ; elle devint même pour lui une nouvelle fource de gaieté & de galanterie. Il comptoit quatre- vingt-(eize ans, & les Dames les plus fpirituelîes s'en difputoient encore la conquête. Ce ne fut qu'à l'âge de qua- tre-vingt-dix ans qu'il commença à de- venir fourd, & fa furdité s'accrut par degrés. Ceux qui l'entretenoient , y gagnoient fouvent; il devinoit mieux qu'on ne lui di(oit. Quatre ou cinq ans après, fa vue s'aflFoiblit tout-à-coup, ôc refta dans l'état où elle s'efl: confervée jufqu'àla fin. Neuf jours avant fa mort, il reçut les Sacremens, qu'il avoir de- mandés de lui-même. Il s'éteignit fans maladie & fans eifort le neuf Janvier mil fcpt cent cinquante- fept , après avoir été pendant près d'un fîècle en- tier un miracle de fanté , d'efprit, d'é- galité d'ame, 2>c de connoillances (a)., {a} On pourroit appliquer à M. de tomencll^ A M. DE Fonte N EL LE. xxv ïl avoit infiitué exécutrice de Ton teftament iMadame Gcofn/j. Il comp- toit avec raifon fur la probité de cette Dame , dont il avoit éprouvé la bien- veillance dans un commerce plein d'ef- prit & d'agrément. Quatre autres Da- mes furent Tes héritières ; Madame de ForgevilU , cette amie généreufe qui avoit contribué à foutenir fa vieillelfe par des foins tendres &: adidus ; Ma- ciam.e de Moniîgny , fœur de M. d'Aube^ fon coufin iflii de germain , chez qui il avoit demeuré depuis fa fortie du Palais Royal 5 & qui étoit mort avant lui ; & les deux Demoifeîles de Mar- filly , petites- filles du Marquis d& Mar- tinville di MarJïHy , qui fut tué au com- bat de L&uic , où il commandoit les Gardes du Corps , & arrière -petites- fillts de Thomas Corneille, Meilleurs d& Latoiirdup'm étoient parens de M. de. FontcnelU au même degré que les De- moifeîles de Marjilly. Feu Madame la Comtelïe de Latourdup'in étoit fille uni- ce que Cicéion die de Simonidcs , c^\iiî n'ctoic pas feulement un Poé'tc délicut , mais unfavant 6* un Jjgc. Non Poeta folùm fuavis , verùm etiam carreioque doftus , fapienfque. De nat. Deor. I. 21. Note Je TEdiceur. Tome XL G xx'\j Pièces iielatives que de François ^ fils à^Thonias , & le dernit;!' des Corudllc (a). M. de FontencUc recevoit de ia caOette du Roi douze cents livres , que M. le Maréchal de VilUroy lui avoit fait avoir à Ton infçu. Six mois avant fa mort , il obtint, par le crédit de M. le Comte à''ArgejiJon , que la moitié de cette pen- iion feroit appliquée à M. Bovyer dt Saint - Gervais , Moufquetaire , Ton pa- rent éloigné , qui demeure aâueîle- ment à Morcagnc ^ dans le Perche, (a) Il en refte ejiccre un [JcJn-Fr^nçois), (îefcendant de Pierre Corneille, oncle du grand Corneille. V^oyez les Mémoires de M, L'Abbé "ÎTiublec, cicés ci-deiïLis. Note de L'Editeur, ♦ A M. DE FONTENELLE. XXvIj EXTRAIT Du Discours pron oî^ ce par AI. Séguier, fn/i des Avocats Généraux du Parle me ni de Pa- ris , lorfqu il fut reçu à f Aca- démie Françoife , le Jeudi 3 i Mars il'^J , à la place de M. de Foiueuelie. ESSIEURS, Quand le célèbre Académicien que vous regrettez , fut admis dans votre illuftre Compagnie, il attribua ce glo- rieux avantage à l'honneur qu'il avoit d'appartenir au grand Corneille. Mais fi le hafard de la naiflance l'attachoit par les liens du fang au père du théâtre, cet éclat héréditaire dirparoiffoit au- près àQS titres perfonnels qui Tavoient rendu digne de votre choix (a).,, [a) V. dans le T. III des Œuvres de M. de Fon- tenelle , fon Difcouis de réception à l'Académie. cij xxviij Pièces relatives Mais à qui fuccédé - je , Meilleurs ? A un de ces iiommes rares , nés pour entraîner leur liècle , pour produire ciheureufes révolutions dans l'empire des Lettres , & dont le nom fert d é- poque dans les annales de TcTprit hu- jiiain ; à un génie vafte & lumineux , qui avoit embraOé & éclairé plufîeurs genres , univerfel par l'attrait de Tes goûts , par rétendue de Tes idées , ôc non par ambition ou par enthoufîaf- nie ; à un efprit facile, qui avoit ac- quis, & qui communiquoit , comme en fe jouant, toutes les connoiflances ; à un beî-efprit philofophe, fait pour em- bellir la railon , & pour tenir d'une main légère la chaîne des fciences & des vérités. Il faîloit , dit M. de Fontenelle , dé- compoler Léibniti , pour le louer ; c'eft un moyen que, fans y penfer, le Pa- négyrifte préparoit dès - lors pour le louer lui-même. En effet, que de dif- férens mérites dans le même Ecrivain ! La Philofophie affranchie par Defcancs des épines de l'école , reftoit encore hériffée de fes propres ronces. M. de Fontenelle acheva de la dépouiller de ce langage abilrait , de ces furfaceg A M. DE FoNTHNELLE. XXÎX énigmatiquQS, qui étoient un voile de plus pour Tes myilères ; voiie épais , imaginé par l'ignorance pour dérober l'ablurdité des lyricmes , ou par la va- nité. Il fit plus; il fubfiitua des fleurs aux épines : c'efi: ainli qu'il embellit Copernic & Defcanes lui-même, dans la Pluralité des Mon:ùs , Ouvrage adroite- ment fuperficiel , appas qu'il préfenta à Ton iiècle , pour infpirer le goût de la Philofophie. Eh ! quelle magie de ftyle ne faîloit - il pas pour faire def- cendre les corps çélèfles fous les yeux du vulgaire , pour lui en développer toute l'économie d'une manière (i agréa- ble, avec autant d'ordre qu'ils (è meu- vent, pour proportionner rinftruéHon à tous les efprits f C'ell un Orphie qui diminue fa voix dans un lieu refferré qui ne permet point de plus grands éclats. Il la déploie cette voix favante , propre à tous les tons , dans ces pro- fondes analyfes , dans ces fublimes ré- fultats de tant d'Ouvrages de l'Acadé- mie des Sciences , lorfque femblable au Deflin de la Fable, qui ne rendoit Tes oracles que pour les Dieux , il ne parle que pour fe faire entendre aux Savans. c iij 3fxx Pif. CES relatives Vos lumières m'ont déjà précédé, JMeflleurs ; elles (uppléent à ce que J3 ne puis exprimer pour fon éloge. On regarda comme un prodige dans le même homme , de parler à chaque Sa- vant fon langage , de palTer û facile- ment d'une fphère à l'autre. Ne tau- droit - il pas que le même prodige fs renouvellât en moi , pour le louer d'une manière digne de fes connoifl'ances 6c des vôtres, pour efHeurer au moins tout ce qu'il approfonciiToit ? C'étoit au milieu de ces vaftes fpécu- lations , que, né pour l'agrément, il en étendoit l'empire. Le même génie qui mefuroit les cieux avec Galilée y qui calcuioit l'infini avec Newton , ref- fulcitoit encore l'art de Théoaiu , ou devenoit le rival de Quinaiilt. Entraîné par la djverfîté de fes penfées, il évo- quoit les Morts célèbres dans fes Dialo- gues philofophiques , où il fe plaît à préfenter les objets dans un jour inat- tendu , à ôter aux chofes les idées ac- coutumées , non par un efprit dange- reufement fyftématique qui confon- droit les principes avec les préjugés, mais pour nous montrer la folie des prétentions humaines , les méprifes de A M. DE F O N T E N E L L E. XXXJ îa raifon même, & nous apprendre à nous méfier d'une fageffe qui n'eft fi préfomptueufe , que parce qu'elle efl bornée. Mais quels éloges rendre à I\î. d^ Fontendle pour ces éloges li eftlmés, où non-feulement il fut vaincre le dé- goût delà malignité humaine pour les louanges d'auîrui les plus juRes, mais encore fe faire de l'art de louer un ca- raélère particulier, & un talent nou- veau ? Il me femble en ce moment les entendre en foule, tous ces Morts fa- meux , me prefTer d'acquitter ici leur reconnoifTance. Doués d'un diilérent mérite & d'une réputation inégale , ils furent portés prefquetous au même de- gré de célébrité par l'éloquence & les lumières du Panégyriiîe; Orateur qui favoit d'autant mùeux les louer, qu'il pouvoit être lui-méms ou leur émule, ou leur juge. Il fut le premier qui joignit à la plii- lofophie des fciences , cette philofo- phie de raifon fupérieure encore au (avoir , cette fage liberté de penfer , qui , d'un côté , s'élève au delfus des erreurs communes , & de l'autre fa renferme dans de jufies bornes. Il eut c iv xxxij Pièces RELATIVES aflez de force pour s'aiTranchir des opinions peu fondées , & Lifiez de fa- gefle pour en dégager les efprits , en évitant de les heurter de front, plus fur de les gagner que de les fubjuguer. C'eft ainii que, dans l'Iifi /foin des Gra- cies, il fépara peu-à-peu la vérité de la fuperdiiion. C'eil ainfi qu'exempt de padion & d'enthoufîafme, il jugea tous les anciens , comme Dcfcartes en avoit jugé un d'entr'eux, pofant les ii^nites du refpeét qui leur éroit dû , ne recon- noiliant d'autorité que le génie, de loi iquele fentiment, ranrîenant les efprits à eux-mêmes , & les débarraffant du joug qui les étouffoit en les captivant. Rangé du côté des Modernes, la plupart fes contemporains, il vit leur gloire fans jaloufie , quelque près qu'il tûc d'eux; il la défendit fans vanité , quelque avantage qu'il afllirât à leur parti. Le mérite de fes Ouvrages l'auroit encore fortifié contre l'antiquité , quand même il fe feroit déclaré pour elle. Attaché au Cartéfianifme par tout ce qu'il avoit cru trouver de vraifem- blable dans ce fyfleme, & non par fu- perllition ou par opiniâtreté, il ne re-; A M. DE FoNTENELLE. XXxiiJ fufa point fon admiration au grand Newton. II ne fut point au rang de fes Seclateurs, mais il fut fon plus illurtre Panégyrifte. Qui l'auroit cru , Meffieurs? La cri- tique, qui fe déchaîne ordinairement contre les Ecrivains célèbres, ne lui lança que quelques traits. On put, il efl: vrai, lui reprocher dans plulieurs de fes écrits plus de brillant que de goût , plus d'art que de naturel; d'aftec- ter, pour ainfi dire , une certaine ga- lanterie d'efprit , & même trop d'ef- prit ; exemple dangereux, en ce qu'il favoit p'aire par tant d'autres faces , & peut-être par fes défauts même. Mais la critique lui rendit cet hommage, de n'ofer le pourfuivre que dans ceux qui voulurent l'imiter. La fupériorité de fes talens couvrit tout: il put comp- ter fes ennemis , & non fes admirateurs. L'envie le refpeda ; la renommée ne tint fur lui qu'un langage. II jouît de fà réputation , il jouît de l'avenir même i il vit toute la poftérité dans fes contem- porains. Eh ! comment , avec un mérite Ci éminent , échappa t il aux fureurs de- l'envie ? Il dut cet heureux privilège xxxiv ' Pièces relatives à fa philofophie, à (a modération , au refpecl que fes mœurs infpirèrent , à ce caraâ:ère doux & liant qui ne ré- voltoit point l'amour-propre d'autrui , à cet oubli volontaire de fa fupériorité, à ia juOice qu'il rendit au mérite. En- fin , il échappa à Tenvie, parce que lui-même ne la connut point. Il vécut tranquille au milieu de ces querelles littéraires, oii TAuteur qu'on attaque, expofe autant fa gloire en voulant la détendre , que le critique cherche à la ternir en l'attaquant: guerres honteufes entre la malignité & l'amour-propre , qui déshonorent le? Lettres, le cœur Se i'erprit. Le nom de !\î, d^ Fontmtlh ne pou- voit être reflerré dans \t% bornes de fon pays. La réputation à^^ grands Hommes part d'auprès d*eux ; mais c'eft au loin quVile paroît briller davantage. Elle ne parle jamais plus haut , que lorfqu'iis ne foJit point à portée de l'entendre : du même e'for dont la gloire franchit les temps, elle franchit les lieux; elle n'cft guère immortelle qu'autant qu'elle eft générale ; fon étendue efl: le fceau de fa durée. Tel fut le triomphe de M. d& FonunclU. Les A M. DE FONTENEILE. :SyXV Etrangers accouroient ici pour l'enten- dre, pour pouvoir dire au moins dans leur patrie , ye s'appercevoit pas qu'il étoit lui-même , fi j'ofe ain{i parler, l'exécution de cette idée: & comment s'en feroit-il apperçu î Cette Langue qu'il parloit étoit fa langue naturelle; il ne l'avoit pas apprife, & elle ne s'en- feigne pas. Oferai-je parler, Meffieurs , de cet Ouvrage immortel , qui faifant l'hif- toire des fciences . & fubflituant à leurs hiéroglyphes facrcs le langage com- mun, a fi bien étendu leur empire en Jeur attirant le jufie hommage de ceux incme qui ue les connoiflent pas ? De grands hommes qui m'écoutent (& que A M. DE Fonte NEL LE. xlj que le fort plus jufte auroit dû me per- mettre d'e'coLiter ) , ces grands hommes dont la gloire a fourni de fi beaux maté- riaux à celle de M. de Fontendle , fe- roient feuls dignes de le célébrer, de l'apprécier en cette partie ; & je dois craindre de profaner un fujet trop au- deflus de ma portée. Mais dans cet aveu fincere de mon incapacité , je puis me permettre les exprelîions de la reconnoiflance, & je ne me refuferaî pas le plailir de rendre grâces au gé- nie bienfaifant qui m'a mis en état d'entrevoir d'auguftes myftères qu'une laborieufe initiation ne m'a pas dévoi- lé?. Il a rem.pli l'intervalle , il a com- b'é l'abyme qui féparoit les philofo- phes & le vulgaire. La Sagelfe n'habite plus les deferts : on arrive à fon tem- ple en parcourant des chemins faciles , oii tous les efprits fe tiennent par une chaîne non interrompuer Quel bienfait plus digne de la reconnoifïànce publi- que ! Quel homme rendit jamais un plus grand fervice à l'humanité! Le fameux Chancelier {a) d'Angle^ terre connut & attaqua les preftiges de [a] Hacon, Tome Xlt à xlij Pièces relatives la faufle Phiîofophie qui régnoit impé- rieufement de fon temps. Il prefTentit, il devina qu'il exiftoit une méthode pour connoître. Il en avertit fon fiècle, & mit les fiecles fuivans en état de la trouver. De/cartes naquit pour recueil- -jir ce trait de lumière. Il apprit aux Savans à ignorer , aux Phiio(ophes à douter, aux Phyf-ciens à obferver; & par-là il forma de vrais Savans, de vrais Philofophes , de vrais Phyficiens. Il étendit la raifon de tous ceux à qui il parla ; mais il ne parla qu'à ceux qui étoient en état de l'entendre. Cette portion de la fociété que le vulgaire ignorant croit oifive , comme il croit les aftres immobiles , parce que leur mouvement lui échappe , les hommes ftudieux , les Géras de Lettres profitè- rent feuls de la révolution caufée par Defcaïus dans les connoiflances humai- nes. Il étoit réfervé à M. de Fonundk de généralifer l'Ouvrage de Bacon & de Dejcartes, de familiarifer le Public entier avec la Phiîofophie , de rendre la raifon d'un ufage commun, de l'intro- duire , de l'établir dans tous les genres & dans tous les efprits. L'exécution de cette grande entre- A M. DE FONTENELLE. xliij prife- demandoit bien de l'art & des talens. Les hommes confentent à fa- voir, mais non pas à étudier. La mul- titude fe refufe au travail , & il faut la conduire par des ciiemins femés de fleurs. C'eft ce qu'a tait M. de Fontt' nelU , ne celîant jamais de plaire pour parvenir à mdruire , & apprivoifant tous les hommes avec la raifon , parce qu'il la montre toujours Tous les traits de l'aprément. o Ceil: ainfi que la plus haute aftrono- mie, c'eft ainfi que l'érudition la plus profonde deviennent entre Tes mains des matières parées de toutes les grâces qui captivent l'imagination. Les fu- blimes fpéculations de De/cartes fur le fyftême planétaire , ne paroiiTent qu'un badinage , qui développant au Ledeur le plus fuperficiel toute la théorie des aftres , le conduit fans effort jufqu'à cette vafte & brillante hy- pothèfe entrevue par les Anciens (a), de la multiplicité des mondes ; les com- pilations laborieufes du dode Vandale, (a) Zcncphane a enfeigné que la Lune eft tabitée. Cic. in l.ucullo. Diinocritc a enfeigné la multiplicité des inondes. Ihid. & de nat. Deo- fum. Lib l. Dij xliv Pièces relatives fur les preftiges impofteurs du Paganlf- me, ne font plus qu'un précis élégant qui force l'inapplication même à s'inf- truire, parce que Tmllrudion n'eft ja- mais féparée du plaifir. Ce foin de plaire en enfeignant, n'é- toit, à vrai dire, qu'une reftitution que M. de FontenclU faifoit à la raifon & au favoir , qui lui avoient tant de fois prêté leurs tréfors pour enrichir fes Ouvrages de pur agrément. Que ne peuvent Ovide éc Lucien fe voir revivre dans fes écrits ! Le premier y recon- noîtroit tout le brillant de fon coloris y toute la délicatcfle de fon pinceau , tou- tes les. fineffes de fa touche ; mais W s'étonneroit de fe trouver encore moins Peintre que Philofophe. Le fé- cond reconnoîtroit tout le piquant de fes idées & de fes expreilions ; mais il s'étonneroit de fe trouver toujours auflî riche , aufli varié, que neuf &: hardi. Tous deux aimeroient à être Fontanelle. Quelques fruits , peut-être précoces, de (a jeunefle littéraire , ont paru peu dignes de tenir place dans le recueil des chefs -d'œuvres dont ils ont été fuivis de près. Loin de nous une feiUr A M. DE FONTENELLE. xlv blable penfée! Rendons grâces , foit à la modeftie , foit à 1 amour paternel de M. de FonundU. Applaudiflbns avec re- connoiflance à un fentiment qui l'em- pêchant d'eifacer des faftes de fa vie le peu de jours qui n'ont pas été marqués par des triomphes , a permis que les hommes vilTent le Nil foible & naif- fant. C'eft après lui que j'emprunte de Lucain (a) cette idée, & je voudrois n'employer dans ce di(cours que des expreilions de M., de. FonundU : ce fe- roit peut-être la feule manière de le louer qui fut digne de lui. Eft-ce dans le fein de (a patrie, eft-ce à un tel homme qu'on a pu reprocher avec aigreur d'avoir pris parti en faveur de fes contemporains , de les com- patriotes , dans cette fameufe & éter- nelle difpute de la prééminence des liècles ? Ce que Cicérorr avoit dit à l'antiquité , on a ofé faire un crime à M. de Fontanelle de le pcnfer. Gardons- nous de cette témérité facrilége ; & (i notre goût de prédiledion pour l'éner- gie, le feu , la fécondité , le naturel des (a) N'en licuit populis parvii/n re, Vile , vidcre, Luc; Ph. L. X . V. x^6. M. di FontcnaLU^ Eloge slvj Pièces relatives Ouvrages anciens nous fait traiter d'er- reur & de prévention dans M. de Fort- UndU la préférence qu'il donnoit à l'é- légante clarté, à la méthode lumineufe, à la fine précifion qui caradérifent les Ouvrages modernes , refpcélons cette prévention , cette erreur, & re- gardons-les comme un patriotifme , comme un zèle de nationalité litté- raire. Eh! comment M. de. FonundUiQ feroit-il dépouillé de ce fentiment dans les matières foumifes au goût , lui qui l'a porté jufques dans les Mathémati- ques? Je parle de cette ténacité inflexible avec laquelle il perfévéra conftamment dans le Cartéfianifme. Accoutumé à croire le vide & l'attraétiqn bannis pour Jamais de la Phyfique par le plus grand génie de la France , il ne put fe réfoudre à les y voir revenir fous les aufpices du plus grand génie de Y An- gleterre. Lent à s'alTurer des vérités , parce qu'il les examinoit , il n'aimoit pas qu'elles lui échappaflent , quand il croyoit s'en être afluré. Il doutoit long-temps avant de voir ; il ne reve- noit pas au doute après avoir vu: mais en fe fixant avec une efpèce de reli- I À M. DE FONTENELL!?. xîvî} glon aux principes de phyfique géné- rale qu'il avoît adoptés, il vit fans ai- greur le nouveau fyftème fe répandre comme un torrent. Il fit mieux que d'adopter le Newtonianifme; il imita la conduite de Newton, qui auroit mmix aimé être inconnu , que de voir le calme d& fa vie troublé par des orages littérains. C'eft ainfi que M. de Fomendle (<2) nous peint le grand Newton aulîi mo- déré que fublime , & tel a été M. ds Fontenclle lui-même. Attaqué plus d'une -fois par des ad- verfaires redoutables, il efiTuya des cri- tiques amères, piquantes, humiliantes même, fi un tel homme pouvoit être humilié. Aux traits les plus enveni- més , il n'oppofa jamais que Tégide du fiîence. Il ne montra ce qu'il penfoit des armes dont il étoit blefTé , qu'en ne les employant jamais. Occupé, par pré- férence à tout , de foigner (on pro- pre bonheur, & de refpeder le bonheur d'autrui , il fe vit fouvent contre- dit , & il s'abftint toujours de con- tredire. Il fut olfenlé , & il n'offenfa jamais. Il fembloit qu'il fût impaiiible^ {d) Eloge de Newton* Sclvïîj Pièces relative^ & il porta la patience jufqu'à foufFrir qu'on prît fa patie: ce même pour un orgueil déguifé. On Taccufa d'approu- ver, pour qu'on l'approuvât ; de louer tout , afin que tous le louaflent. On l'accufa d'être doux, d'être indulgent , d'être fage par vanité. Quel eft donc cet amour propre nouveau , dont le caractère eft de lervir l'amour-propre d'autrui? Qael eft cet orgueil approba- teur, qui s'accorde toujours ii bien avec l'orgueil des autres ? Et à quels traits reconnoîtra-t-on déformais la bien- féance , la douceur & la raifon? Tels furent les traits diftinôifs du caradère de M. de Fontcndlc. La nature lui avoit donné cet aflemblage rare d'un caradère & d'un efprit aflbrtis l'un pour l'autre. Les hommes penfent félon leur efprit , ils agifient félon leur caradère j & de la difcordance trop commune de ces deux facultés , naif- fent toutes ces inégalités ^ ces varia- tions , ces contrariétés qui étonnent fouvent le Public. M. de FonundU n'of- frit jamais ces fpeclacles honteux pour rhumanité, & plus encore pour la Phi- lofophie. Il avoit dans le cœur le mê- me é(juilibi"e que dans l'efprit, La rai- fon A M. DE Fonte NELLE. xll^e fon don-:inoit dans toute fon cxif- tence. La raifon régloit Tes fentimens comme Tes idées ; & eile n'avoin pas plus de peine à régler les uns que les autres. C'eft ainfi que la vie de ce grand homme , auflî longue , & plus digne encore de Tctre que celle de DèniGcrite (a), pré(ente dans tout fon cours le rare tableau de cette belle ôc confiante uniformité qu'accompagne le bonheur. Il étoit cet heureux qu'il peint {i bien dans un de Tes Ouvra- ges (/>) , reconnoifi'able entre tous les hommes à une efpèce d'immobilité dans Ta (ituation. Mais , s'il eft pofiible , M. de FonundU fit plus que d'être heu- reux; il accoutuma fes contemporains à la vue de fon bonheur \ il fe le fit pardonner. On convint qu'il étoit heu- reux , & qu'il méritoit de l'être. Et comment n'auroit - on pas été forcé d'applaudir au bonheur d'un homme toujours doux & conciliateur , lors même qu'il n'étoit pas impartial ; un homme qui, flexible à toutes les ma- nières, obfervateur de tous les égards, refpedant tous les devoirs , indulgent^ iyo) Ddmocrhc a vécu au moins cent ans. \h) Traité du Bonheur. Toms, JST/, e î Pie ces re lat i ves pour toutes les fautes , & inaltérable au milieu des oftenfes , n'a jamais heur- té ni Tes inférieurs , ni Tes égaux, ni fes fupcrieurs, ni même fes ennemis? Je Tavouerai , Meflieurs-, & je crois que toute cette refpedable Aflemblée éprouvera le même fentiment. Je ne laurois, fans en rougir pour notre fiè- cle , me rappeler que M. de FontmzlU eut des ennemis. Mais que dis-je , & de quoi peut - on s'étonner en ce genre ? N'eft-ce pas l'hiftoire de tous les fiècles du monde, & de toutes les conditions humaines ? Le banniffement d'AnJll- iks 5 la condamnation de Socratc , les fers de GalïUc , ôc pour pafifer dans un autre ordre d'exemples , Marc-Aurele , CharleS'U-Sage , Henri- U - Grand , fans cefl'e inquiétés par des Sujets faélieux , ou aflaillis par des voilîns jaloux, quels monumens ! Quelles traces ineffaçables de rinjuftice des hommes ! &c...» A M. DE FoNTENELLE. Ij il- ' ^ «I AVIS SUR LE MORCEAU SUIVANT. Dans U Mercure d& Février iCSi , ort trouve un morceau intitulé : Hidoire de mes Conquêtes. // a cU réimprima dans le Tome fepticme du Choix des anciens Msrcures , page 70. Ccjl uns. femme qui y parle, Voici comme elle. peint un de fes Amans. Ce portrait ref- j'embli beaucoup à L'L de Fontenelle ; peut-être croira- 1- on y reconnaître fort jîyle aujlji- bien que fa perfonne. Qeji ce qui a engagé à le placer ici, L'Amant dont je vous parle , étolt d'un caractère tort particu'.iîr ; Se une des principales cliofes qu'on lui re- prochât, c'étoit cela même, qu'il étoit trop particulier. Il aimoit les plaifirs , mais non point comme les autres. Il étoit padionné , mais autrement que tout le monde. Il éroit tendre , mais à' la manière. Jamais ame ne fut plus portée aux pîaihrs que !a fienne, mais il les vouloit tranquilles. Plailirs plu^ e ij ïî) Pièces RE LA TiTrs doux , parce qu'ils étoient dérobés; plaiiirs afTaifonnés par leurs difficultés; tout cela lui paroiffoit des chimères. Ain fi ce qui me perfuada le plus fa tendrelTe po"ur moi , c'ell: que je lui co-iitcis quelque chofe. Il avoit une e'vpècQ àd railbn droite & inflexible , mais non pas incommode , qui l'ac- compagnoit prefque toujours. On nd gagnoit rien avec lui pour en ctre ai- iTiée : il n'en voyoit pas moins les dé- fauts des perfonnes qu'il aimoit ; mais il n'épargnoit ri^n pour les en corri- ger, & il ne s'y prenoit pas mal. Des foins, des affiduités . des manières hon- nêtes & obligeantes , des emprefle- mens , tant qu'il vous plaira ; mais prefque point de comj^lailance , finon dans les choies indifférentes. Il difoic qu'il auroit une complaifance aveugle pour les gens qu'il n'elîimeroit guère & qu'il voudroit tromper ; mais que pour les autres , il vouloit les accou- tumer à n'exiger pas des chofes peu raifonnables , & à n'être pas les dupes de ceux qui les feroient. A ce comp- te , vous voyez bien que la plupart des femmes, qui font impérieufes & dérai- sonnables , ne fe fullent guère accom- A M. DE FONTENELLE. llij fïîodées de lui , à moins qu'il ne fe fût long temps contraint ; ce qu'il n'étoic pas capable de faire. Il étoit d'une fm- cériré prodigieufe , jufques-là que, quand je le prenois à foi & à ferment, il n'olûit me répondre que de la du- rée de fon eftime & de fon amitié ; & pour celle de l'amour, il ne la garan- tidoit pas abfolument. Il avoit tou- jours ou un enjouement aflez natuiel, ou une mélancolie aflez douce. Dans la converfation , il y fournifioit raifon- nablement , & y étoit plus propre qu'à toute autre chofe : encore faîloit - il qu'elle fut un peu réglée , & qu'il rai« fonnât; car il triomphoit en raifonne- mens , & quelquefois même dans les converfations commiUnes, il lui arrivoit d'y placer des choies extraordinaires qui déconcertoient la plupart des gens. Ce n'eft pas qu'il n'entendît bien le badinage ; il l'entendoit m.êm.e trop fi- rement. Il divertlffoit , mais i! ne fai- foit guère rire. Son extérieur froid lui donnoit un air de vanité ; mais ceux qui connoiffoient fon ame , déméloient aifément que c'étoit une trahifon de fon extérieur. Je vous en fais un (I long portrait, & il me femble que j'ai e iij Hv Vie CES relatives tant de plaifîr-à parler de lui, que vous croirez peut-être que notre intelligence dure encore. Non , elle eft finie; mais ce n'eft ni par fa faute , ni par la mien- ne. L'amour avoitfait de fon côté tout ce qui étoit nécefl'aire pour rendre no- tre union éternelle ; la fortune a ren- verfé tout ce qu'avoit fait l'ainour» A M. DE FONTENELLE. Iv VERS. De M. Fus EUE R pour les RI ondes , tn Tifponfi (l ceux de M. DE FoNTENELLE pour les Brunes {a). V O u S qui charmez raifon & fentîment , Rare Dodeur , t]u'à la Cour de Cychère Et de Minerve on cite ésralement; Vous qui d'amour dirigerez la mère. Si Directeur la gouverne jamais j Vocre doftrine en un point je rejette , Lorfque prifez Blonde moins que Brunette. Dogme hérétiq-ie , & léfant les attraits De Vénus môme. Or , fx craignez fa haine ^ Prévenez-la par un prompt repentir. Blonde toujours de la beauté fut Reine. De tout Paphos , c'eft la doftrine fai ne j Auteur galant ne s'en doit départir. G^nte brunette a féduit votre veine ; Voilà l'appas qui vous a fait fortir Du droit chemin , qu'Amour vous y ramené. Vos vers brillans , quoique fjmbl.nt partie Du fin cerveau du Dieu de l'hypocrène, Sur ce point- là ne m'ont fu pervertir : Quand je les lus , j'étois près de Climène. {a) La Pièce de M. de Fontanelle fe trouve parmi Ces Poëfies divcrfis. Tome IV de fts Œuvres, ix a j'Oiut îiuç : Sur unç Brune, e iv IvJ Pièces relatives VERS /4dre([ls à M. DE Fo NT EN ELLE par M, DE CrÉBILLON , & prononcéi dans V Ajfemblèt publique de C Académie Françoijc , U jour de Saint Louis 2^ Août 174I (^). TOi{b) ^ qui fus animé d'un fouffie d'Apol-- Ion , Dcpofiiaire heureux de fon talcnr (ùprêiTie , Efpric divin, cjui n'eus d'autre pair qivj lui-même^ Héros de Meîpomcue & du facré VaJloa , Parois ; nous confierons une fête à ta gloire, A ce nom qui fiiffit pour nous iiluftrer tous^ Viens voir un héiicier digne de ta mémoire ^ Une féconde fois renaître parmi nous. Louis , ton règne fut le lègne Jes merveilles , li'Upivers eft encore rempli de tes hauts faits ; Mais les lauriers cueillis par l'aîné des Corneilles ,. Fo^nt voir que tu fus grand jufques dans tes Sujets» (<3) Il V avoit alors cinquante ans que M. de Fon- tenelle éto't He l'Académie Françoife , y ayar.t été ' reqii le < Mai 1691. 11 y étoit donc ce qu'on appeîie Jubilé dans les Couvens, les Chapitres , &c nuelques autres Sorittés. A cette occafion, il prononça un Dif- cours qui fe trouv-e à h fia du Tcme III de fcs (Eu- Xres , i<. dans !es Recueils de l'Acaûéune. ijs) Le Gtaad Corncdle. A M. DE Font EN ELLE. ÎVJ.1 Si ton au^ufte fils n'a point vu le PermefTe Enfanter fous Tes loix ce Mortel fi fameux, II a dans Tes nereux un Sujet que la Grèce Eût placé dès l'enfance au ra.ng des demi-Dieux, Jeune encore , Tes Ecrits excitèrent l'envie j Miiis il en triompha par leur fublimité. A p^ine il vit briller Taurore de fa vie, Qu'il vous parut déjà dans fa maturité. S'il cueillit en Neftor les fruits de Ca jeunefTe," Dix-fept lulbes n'ont point ralenti Ces talensj L'âge qui détruit tout, rajeunit fa vieillefle. Son génie étok fait pour braver tous les temps. Albion (j)j qui prétend nous fèrvir de modelle, Croit que Locke Se Newton n'eurent jamais d'é- gaux ; l.e Germain , que I.eibniti compte peu de ri- vaux \ Et nous , que l'Univers n\vara qu'un TonteneHe. Prodigue en fa faveur , le Ciel n'a point bo né Les préfens quil lui fît aux feuls dons du génie» Minerve Tinftruidt; & Ton cœur fut oini De toutes les vertus par les foins tl'Uranie, Loin de s'enorgueiliir de l'éclat de fon nom , Aîodefte , retenu , fimplc , même timide, On diroit quelquefois qu'il craint d'avoir rai" fon , Et n'ofe prononcer un avis qui décide- \fk) L'An^îIettrîe. Ivilj Pièces RELATIVES Illuftres Compagnons de ce brave Neftor , /fTemblés pour lui ceindre une double couronne ? Pour la rendre à fes yeux plus piécieufe cncor , Parez -la des lauriers que votre main moilTonne. C'eft ici le féjour de l'Immortalité : En vain mille ennemis attaquent votre gloire, Ces Auteurs ténébreux pafferont l'onde noire j C'efl: vous qui tiendrez lieu de la poftcrité. Si les écrits pervers, la noirceur, l'impudence, Ont fermé votre temple aux hommes fans honr neur ; L?s talens , le génie & la noble candeur Ont toujours parmi vous trouvé leur récompen{€» Le foin de célébrer le plus grand des mortels j' N'eft pas j quoique confiant, le Tcul qui vous anime j Quelquefois des mortels d'un ordre moins fu'^ blime Ont vu biiîlcr pour eux l'encens Pjr vos autels. Daignez donc foutenir le zcle qui m'infpirej Pour chanter Fc?«fe/.e//c, il faut plus d'une voix. Ranimez les accens d'un vieux Chantre aux abois , Ou ou moins un moment prêtez-moi votre lyre. AHldu parmi vous , dix lullres de travaux Ont déjà fignalé fa brillante carrière ; Mais ce ne fut pour vous qu'un inftant de lu- mière j Condamnez FontcnclU à dix lufties nouveaux. A M. DE FONTENELLE. îlx Pour pénétrer le Ciel Se Ces routes profondes, Deftin , accorde-lui des Jours fains Se nombreux» 11 en fallut beaucoup pour parcourir les mondes II en faut encor plus pour contenter nos vœux. LETTRE De M. Maty , Garde de la Bibliothèque Britannique , à M. DE FoNFENELLE, tn lui envoyant le Poème de Vaiixhall *» A I M A B L E & fage Tonundle , Toi , que dans le déclin des ans , Orne une guirlande immortelle De fleurs que l'Amour renouvelle. Et qoe ne peut flétrir le temps ; Sage Put}/!, divin Orp/m'c, Que Jllinerve & que Cyrliùià Empêchent même de vieillir , Où pourrai -je te découvrir ? Sera-ce au haut de TEmpiréc, Oti tu fuis les céleftes corps j Dans cette profonde contrée , Où tu fais badiner les morts ; Ou fur les bords d'une fontaine^ Près de Corylas 8c A'If/mne , Dont tu fens & peins les tranfports ? * La Lettre &c le Pol'me fe trouvent dans le Jcumatl Sritannitjue , par le même M. Mat^, Avril 17JO» Fx Pièces relatives T'irai-i'e chercher au portique DoiK ru dévoiles ies leçons ; Au tond de quelque temple antique , Que ta dépeuples de démons j Ou bien au fpectacle magique , Dont ta Mule anime les fons ? Si de ces demeures fublimes , _ Encor vers les terreftres lieui:. Tu daignes abailTer ies yeux j Reçois avec ces foi'ales rimes, I\Ion encens, mon cœur Se mes vceuï. *>Oui, c'eft à vous, ce(ï au Peintre » des Grâces & à l'Interprète de la Sa- » gefle, que j'offre des eflais dont l'exé-» » cution eCt peut-être plus imparfâte » que Tentreprife ne fut téméraire. iMals « Tune de l'autre îe fufient-elles davan- >j tage , elles me fournitlent du moins » une occa'ion de m'adredcr à l'homme » qui, de toutes les beautés de la Frun^ ».ce , eft celle que je regrette le plus » de n'avoir jamais vu (a). J'ai d'au- « tant plus de plailir de vous rendre cet » hommage, qu'il ne fera foupçonné de >> partialité par aucun de ceux qui ont » lu vos Ouvrages y?. (j) M. JH^ty eft venu depuis à Paris en 1764^ A M. DE Fonte N EL LE. Ixj Vivez lon^-temps, vivez toujours aimable , Encre la f.igefTe & les ris. Vous feriez imnioiC?l , Ci le fort équitable \ ous p:rmeuoit de vivre autant que vos écrits. Londres, le 5^ Odobre 174 1. Tout h monde connoît h bel endroit du Temple du Goût de M. de Voltaire fur M. DE Font EN ELLE. Apres avoir p^rU de Pvoufleau & di la iMoite , «S* dit que RoufTeau pajfcroit devant la Motte en qualité de Verjificaieur , mais que la Motte aurait le pas toutes l:s fois quil s' agirait d'efprit & de raijon , M. de Vol* taire continue de la manière fuivante. x> Ces deux hommes (î dliïerens n'a- 3> voient pas Hiit quatre pas, que l'un 3ï pâlit de colère , & l'autre treffaillit 5J de joie, à l'afpetft d'un homme qui 3j étoit depuis long-temps dins un Teni- » pie , tantôt à une place , tantôt à une » autre ». C'étoic le difcret Fontanelle ^ Qui , par les beaux Arts entouré, Répandoit lur eux , à Ton gré , Une clarté douce & nouvelle. Dm: la premièœ Edic'on du Temple du Goût , î! y zvok Juge au lieu de dijcret , dans le piremier vers ; îc uure 3.1 liea de douce, dans le cjuatrième. îxîj Pièces relatives; D'une Planète, à tire d'aile, En ce moment il revenoit Dans ces lieux où le Goût tenoit Le fiége heureux de Ton Empire. Avec Quinaiit il badinoii j Avec Jlïniran il raifonnoiij D'une main légère il prenoit Le compas, la plume & la i'y:e. Stolius , dans fon Livre intitulé : In= troduétlo in Hiftoriam litterariam , tra- duit en latin par Langius., & imj>riniè k lene en 1728 , parle ainfi de AI, DE FONTEN ELLE , page 18. Ratio eJLis judicandi de rébus & acutè concludendi, tam & fingularis , genus dicendi ita amœnum , cogitationes at- que meditationes tam funt omnis Inge- nii atque acuminis plense , ut ex anti- quioribus quem huic merito praeferas invenias neminem^ À M. DE FONTENELLE. Ixîlj E L EG I A IN O B I T U M D. DE FONTENELLE. Lcda in confejfu Acad. Rot/i. z6 Jan. 1757. J_^UGET in Europâ quifquis non cîefpicit artes ;' Scriptorum fcriptor maximus incerik. Luget Iplendorem (îbi Gallia nuper aJempcum j Luget RoTHOMAGcS , concidit urbis honos, FoNTANELLA obiit lauiis oneratus Scannis ) Neftor & Aonii gloria prima chori. Vidit vjvendo revoluti tenipora fœcli , Cui réfèrent nullum posera (àrcla parem. î^ominis ipfe fui diidùm fplendore potitus, Nil indè ad tardam perdidic ufque necem, IVIors eft vifa diii pretlofx parcere vita: j Vifa diii fïvam fulHnuiffe manum. Ultima fata feni non attulicuna fène£lus : Ad fenium acceffic, plus nocuitque i^oîor. Quis dolor : Ex iétu trémie quo Gallia : quaw-î quam Salvo Rege timor , mœror& oiT.nis abeft, îxiv Pièces RELATIVES Hors illi , Vulinis Régis; Rcgalis amoris Viftjma fuccubuù : Dulce ità , Grande raorî, NobiIibi:s decoratus Avis avis , claiifque Pro- pinq-Lris (a) , Sumraa , vel in cunis , femina landis habet. dîna: Rochomagus genitrix fcecuncla virorurn ; Q'jos Liuro cinftos Phœbus ad Aftra vehit. Docbus luerqiie palxns , magis ac Ccrnelia mater (i) , Gracchorum matri nomine , parque animo, Nempè foror gemini non inficienda Poeta; , Fiaterni judex carminis illa fuit. Sarpè , nec erubuit , farpè emendanda forori Carmiiia commifit frater uccrque fua;. Qui ti:litad facras puerum CoRNEiitiS a!des(<:}, Augurium impofito noaiiiie qiiale dédit ! JVIeiliflui meruit Docloiis (d) fiimere noraen , Neftareo cujus uiel fluet oie , puer. Hune genitrix , célèbres hune edocuére Poeta: t Quanti Ducloreslquantns Alumnus erati Delicias nobis invidit & urbis lionorero Urbs domina imperii , (urripuicque viimn. Ncuftri.icis opibus dicata Lutetia , noftras , Ut natas intrà mœoia, jaftat opes. (a) MM. Corneille , oncle iie M. de Fcr.tcnelle. {<'■) Marthe CorneUlc , fcriir de MNÎ. Corneille. (;) Tliomis Corncilli , parrain de M. de Fontenelle, {A) Salut Bernard, JUum A M. DE FONTENELLE. IxV Vihm tergeminiis IVlufarum cœtus adoptât, Tergeraini potuit qui caput efle chori. O felix una ante alias Academia miris Nacura: latebias pandeie dofta modis ! Félix nafta virum qui te tibi pingere pofTct, Et calamum inventis œquiparaie tuis 1 nie quod ediderit plaudente volumina Plicrbo ^ Die mea Mufa miiii : dicere femper amas. jQuo dacur Heroas , Divofquc audire loqueii« tes, Egregium nobis Graccia liquit opus (a). Sed violatur ibi Divûm reverentia : Mores Humanos Divi , crimina noftra geiunr. Abftulit hanc maculam , non oninem, GaUicos autor (éf) , Et meliora dédit, nobiliora loqui. Judicio fteterim Plutonis , Pluto Patroiius Et judex caufx ni foret ipfe Cux [cj. Plurima blandum Equîtis fibi fumpfic Epirtolai nomen {d; , Scripta fuit, quando fcribere cœpit Eques« (a) Dialogues de Lucien. (b) Dialogues des^Morcs. "" (c) Jugemer.c de Plntnn. [d; Lettres du Chevalier d'Her. Ptnfque le Ttiblic les a crues de moi , dit M. de Fontcnelle dans la Préf.ice de fes Couvres, S' qu'il les a eues niciue fous mon nom, qu'il les ait encore. Je voudrais bien que fa féyérite ne tomb-li que fur eUçSt . . - . . ' ; Tomi, XI, i Ixv) Pièces EELATrvrs .Viderat huuc Jubio nafci pater omlne fœfjm ; Non fefe açrnofci: , non negat efle pançm. Fer varios fublirae audax dum femina mua- dos (a) Temat iter , quis' non gaudeat efTe cornes? Sidereos m 'tus , diilinftofque orbibus orbes ,, Et feftanda oculis fubjiciî: aftra tuis Sed v-) , Ncc juvenem mérita laude carere lînet. .Carminé Bacolico pra:cellere geflic , Se au* det (c) Paftorem Siculum ^ Virgiliumque fequi. Sed dum majores meditatur arundiue cantus. Induit Urbanos Rultica Mufa modos. Laudabunt alii Diverfu Poemaia Vates (J) j Nec plus ingenii, nec falis illa petunr. Sarpè malignus Amor , fa:pè eft ibi Mufa to^, bellis j Tentant! Lepidum fîftuîa Dulce fonat. (û) M. de Fontenelle compofa en 1670 , âgée cfe 15* ans , une pièce de Vers latins fur l'Immaculée Con- ception. Cette pièce eft imprimée dans le Recueil «des Palinods de 1670. Le fujet , Pepo injimû corrupto, incorruptus. {b) M. de Fontenelle augmentera Li lifle des Enfans devenus célèbres par leurs études. (c) Eglogues. {d) Poe II es diverfes. M. de Fontenelle y dît en un cndroic , tjue , malgré lui, k Galant fe tourne CQ Xc ndre. A M. DE FONTENELLE. îxI:S Jnnumeiis celebrem pagnis Vecerum a:que Re— centum (a) , Cùm rénovât Ii:e;n-, cur fuir ille Recens? Ferveniet Veterum ad fa ma m , mifrebitur illisj Atque , velic, noiit , li-c cric iile Vetjs. Cantatiix monifque Tragœdia forpè Quinaî<« tu m (è) Extollir , gemiinim cui placuifTet opus, Aft opus hoc geminum fi non , viu magne , de* tlifTes , Plus tibi, plus Vîrtus Relligioque datent. Ille , fatebor enim , Socco niiniis atque Co» tliurno {c) Eminet , at laudes hàc quoque parte tulit. Excitât in Tragicis & terret Aviinculus ; iiciim Vidit reguancem ; vi llbros evolvere ,. dulcj Utile commixcum fireperke cnpi's. Non font hacc nigro fœdata vohiarina fellej. NuUa venênacâ pagina bile mader. Abftinuit calamo li-nguâve laceiïcrequemquam; NuUd Idceffitum te!a ferire queunt. Jiirgia , Cenfuram , Sa yras , Epigramoiata fpre- vit; AîîdHt & rifîf, legic & obticuft, Cui p?perit laudata dira Pacientia Launim f,?) ;, Qujm nota hsc virtus , qitàm benè culta fuit ! Numiiiis auguftum nunquam vel laîdere cukum . Attentat, mores vel violare bono5. Autorem moaflrat cunflarum exiftere rerum (/}:, Monflrat adorandum : fie probiis omnis agit. Libros farpè pios '<:) , pietatem Iaud.it & ipfun (d"; ;, Quodquis laudat, aniat , fi agit omnis aaians. (a) DifcouK fur la patience , couronné à l'Acadcavie ïranço-fe en 1689. (^) Traité de i'exirtenre de Diej. (c) Je ne citerai qij'u i fetf! tcait. Le Livre de l'Imi- tation de Jéfus-Chrïfi { dit M. de Fontendlc d'ans la vie de M. Comeïllî) cjl le plus beau qui fo.t foi-ti ds la main d'un homme, pinfquel'E-angiU n'en v'vntpau {d). Voyez les éloges Je MMr > M. Vieu(fcns , fameux Médecin de » Montpellier , fort connu par fon grand ï> Ouvrage de la Névrologie, communi- ai qua à l'Académie des Sciences un T> nouveau fyftème qu'il a trouvé fur la » ftru(^ure des vaiflTeaux du corps hu- x> main. Quelque prévenu aue Ton fût » pour la capacité & pour fexaftitude » de M. Vieufflns , on jugea qu'il fau- » droit un grand nombre d'expérien- » ces ,, & d'expériences délicates , pour ■DE M. UE FONTENELLE. 3 » vérifier Ton Tyrtême ; & comme on » n'eut pas la commodité de les faire, » la Compagnie ne fut pas en état d'ap- » profondir cette matière autant qu'elle » l'auroit defiré. gBBa— ttlJL^t.ll MUiJ tap LETTRE II. A M. LE CLERC (a). Paris ,3 Août 1707. JE n'ai point reçu, Aïonfîeur,Ia let- tre dont vous me parlez, & par la- quelle V0U5 me fîtes l'honneur de ré- pondre à la mienne. J'apprends de vous avec plaifir , que vous n'avez point tout-à-fait dédaigné un hommage que je vousrendois 5 mais quand vous n'au- riez pas eu le loifir d'y répondre, oc- cupé comme je (ais que vous Têtes, je vous afifure très-fincerement que je n'en aurois pas été furpris , ni offenfé le moins du monde. Il me fuffifoit de m'ètre en quelque manière foulage, en (^) Ce favanc Proteftant , né à Ccrc\'e le 19 Mars 1657, mourut à AnijUrdam le 8 Janvier î73(î. A ij 4 Lettres vous marquant refrime particulière que jefaiioisde vos Ouvrages, dont j'étois & dont je fuis encore tous les jours fort plein. Mais, Monfieur, outre l'obliga- tion que je vous ai de cette lettre per- due, je vous en ai encore une plus len- fible de l'attention que vous voulez bien faireàce qui me regarde. Je vous remer- cie de tout mon cœur de l'offre que vous me faites de m'envoyer le tome de votre Bibliothèque où efl la réponfe que Ton a faite pour moi ( b) ; je l'aurai ici, ces qu'il y pourra être. Je lens par avance le plaifir de voir ma julfifica- tion en fi 'bon lieu. Si vous en connoif- fez f Auteur (c) ^ je vous fupplie de le bien remercier -pour moi. Je fuis d'au- tant-plus fenljble à cette grâce , que je ne .puis f avoir méritée par aucun en- droit. 'Je ne répondrai point au Jéfuite de Strûs'kourg , quoique je ne croye pas l'entreprife impoflible ; maisfHiftoire de l'Académie des Sciences me donne trop d'occupation , & tourne toutes (Jy) Au iLivre <|u P. Baitus , contre ^Hifioirs des OrJcL's, (c) M- leCicrc\w-mtmt. Vojye^ les Mémoires de M, CAhbé TruhUt fur M, de Fontcndle, pag. lîj & a85. DE M. DE Fontenelle. 5" mes études fur des matières trop diffé- rentes de ceUes-là. Ce feroit plutôt à M. Van DaaUn {d) à répondre, qu'à moi; je ne (-ais que fon interprète, & il eft mon garant. Enfin, je n'ai point du tout l'humeur /Jo/;//7;/^«2, &: toutes les querelles me déplaifenr. J'.^ime mieux que le diable ait été Prophète, puifqtie le P. JcUntc le veut, &: qu'il croit cela plus orthodoxe. Je lui ferai toujours très-obligé d'avoir été Toccaiion d'une marque très fiatteufe que j'ai reçue de votre bonté pour moi. I! faudrcit , pour bien concevoir cor.:bien je la fen? , que vous fulîiez quelle eftime je fais de tour ce que j'ai vu de -^qwï^. ; car je vous avoue que je n'ai pas tout vu » & que \^?> Ouvrages Théolon;iques paf- fent trop ma portée, Confervez-moi , je vous en fupplie , des fentimens que vous auriez pu ne m'accordcr pas, mais que j'efpere que vous n'aurez aucun fujet dem'ôter. Je fuis avec une ellimvi tx une reconnoiffancô parfaite, Mon- fieur , Votre, ^c. P. S, j'oubliois de vous dire cora- ( d) C'efl: ainfi quç s'cc: it en Hu'.hndois le nom de M. Van VjIc, ■ A iij 6 Lettres bien je defirerois que ce que vous me dites fur VHiJloue dt t A^adému des Scien- ces, fut parfaitement (incere , & com- bien je crains que votre politede n'y ait trop de part. L E T T Pv E I I L A M. GoTTSCHED , Proftfjeur à Lèipjic. Paris , 14 Juilkt 171S. J'Aurois eu beaucoup plutôt , Mon- lîeur, l'honneur de répondre à votre lettre, fi on ne m'avoit dit, en me la rendant, que vous feriez bien aife de favoir mon fentiment fur k plan que Vous m'envoyez de votre Société Alle- mande. Comme il eft en Allemand , que je n'entends point, il a fallu que j'aye attendu une traduction abrégée qu'on m'en a faite. Mais c'a été une peine fort inutile 5>: un temps perdu , par rapport à ce que je croyois que vous attendiez de moi. Car , outre que votre So- ciété elc déjà toute établie, & que vos régîemens font très-fenfés & très-bien entendus , il eft impoiTible qu'un étran» DE M. DE FoNTEÎsELLE. "f ger comme moi juge en détail de ce qui peut vous convenir , ou de ce qui vous cônviendroit le mieux. Je vois feulement en gros, que vous avez pour votre Langue un zèle auquel je ne puis qu'applaudir. 11 faut avouer que, nous autres François , nous pourrions bien être trop prévenus en faveur de la nô- tre, quoique la grande vogue qu'elle a dans toute l'Europe, nous juflifie un peu. Nous avons l'avantage qu'on nous entend par- tout , & que nous n'enten- dons point les autres ; car notre igno- rance en ce (ens-là devient une efpece de gloire. Par exemple , vous , Mon- (îeur, vous-favez très-bien le François, vous l'écrivez très-bien; & moi, je ne fais pas un mot d' Allemand. Cepen- dant je ne crois pas que ce fuccès de notre Langue vienne tant de quelque grande perfedion réelle qu'elle ait par- defllis les autres , que de ce qu'on s'eft fort appliqué à la cultiver , & de ce qu'on y a fait d'excellens Livres en tout genre , qui ont forcé les Etran- gers à la favoir , fur-tout des Ouvrages agréables. A ce compte , vous n'avez qu'à cultiver autant votre Langue; & c'eft , à ce qu'il me paroit , Is deifein Aiv 8 Lettres que votre Société a conçu avec beau- coup de raifon. Je ne fais fi TAllemand eft plus dur que le François ; car je me défie toujours un peu de cette dureté ou douceur prétendue; le ehant pour- roit peut-être en décider. Mais enfin ce plus de dureté tût-il réel, il n'y auroit pas fi grand mal, & vous en auriez plus de force dans les occafions ou il en faut. Une chofe plus confiJérable que j'entends reprocher à votre Langue , quoique ce foit plutôt la faute des Ecrivains , c*efi que vos phraies font fouvent extrêmement longues , que le tour en efi; fort embarraffé , le (ens long- temps fufpendu & cônius.' li eft vrai. que le Grec & le Latin ont aflez fouvent auiîi ces défauts , & même dans les bons Auteurs ; mais tout Grecs & Latins qu'ils (ont, ils ont tort. LeFran- çois ieroit bien de même , fi nous vou- lions; mais nous n'avons pas voulu, & c'efl: peut-être ce que nous avons fait de mieux. Que les Ouvrages qui partiront de votre Société , donnent l'exemple d'un mfci'i'eur arrangement dans les phraies, d'une plus grande clarté, &c. ce fera un grand bien qu'elle procurera à -votre Langue. Je vous demande par- DE M. DE FONTENELLE. p don , Monfieur , de tout ce verbiage inutile; je me fuis trop laifie aller au plaiiir de vous entretenir. Ma grande aifaire ne doit être que de vous bien remercier, fi je puis , de l'honneur que vous m'avez fait, en daignant traduire les Ouvrages de ma jeunefle. Je fuis bien fâché d'être privé du plaifîr de les voir tels qu'ils fe trouvent préfente- ment au fbrtir de vos mains. Je vous rends très-humbîes grâces encore une fois de m'avoir fait connoître à une grande Nation , qui a produit beau- coup de grands homnies, & des génies du premier ordre, tel qu'étoit Ki.Léih- nit:^^ de votre ville dQ Léipjic. Il y a déjà du temps que j'ai écrit à M. Haiifen (e) , en lui envoyant un Ou- vrage de ma vieillelTe (/) , & le priant d'en dire quelque chofe dans le Jour- nal de Léipfic, La grande difficulté ■■:\i qu'il le life, qu'il en ait le loifir & le courage ; car c'efl; un aflez gros Livre , & fur une matière épineufe. Comine je ne doute pas que M. Haufen ne foi t de vos amis, je vous prie d'obtenir de lui <é) Profeiïeur à Léipfic. On troi;veia dans la fuite une lettro de lui à M. de Fomc-icllc. (f) Les EUmens de lu Gsomùrie de L'injini^ îo Lettres la grâce qu'il me life, & qu'il me donne fon jugement, auquel je déférerai beau-' coup; car j'ai eu l'honneur de le voir ici , & j'ai bien fenti qu'il étois fort ha- bile en mathématiques. Je fuis avec beaucoup de reconnoilTance & de ref- peél. Votre, ccc. LETTRE IV. AU MÊME. Paris, i6 Oftobre 1731. J'Ai reçu, Monfieur, votre lettre du 24 Janvier 1 73 1 , par un jeune Gen- tilhomme Allemand , en qui j'ai trouvé effecftivement le mérite que vous m'an- nonciez. J'ai reçu en même temps la traduction de XHijloïre. dts Oracles , & je continue à fentir très-vivement toute la reconno .{Tance que je dois à un Tra- ducteur qui me fait autant d'honneur que vous. Je crois vous avoir déjà man- dé , que j'ai fait voir vos autres traduc- tions à quelques perfonnes qui enten- dent votre Langue , & qui ont été très- contentes de la fidélité Ôc de l'exadi- tude. DE M. DE FONTENELLE. II Je fais ravi que ce que je me fuis ha- fardé de vous écrire fur l'Allemand , que je n'entends point du tour, fe foit trouvé un peu fenfé. Mon principe eft que , malgré toutes les différences que les Langues doivent indifpeniablement avoir entr'elles , il y a quelque chofe de commun où elles fe réunifient; ce qui dépend uniquement de la raifoii comm.une à tous les peuples. Sur ce pied-là , on peut réformer tout ce qui eft contraire à cette raifon , & on en viendra à bout, quoique peut être il y faille bien du temps , parce que d'an- ciennes habitudes des Nations font difficiles à vaincre. Le projet de votre nouvelle Académie eft donc très-beau; & j'ofeafTurer qu'il réulïira , & que votre nom, Monfîeur, fera à la tête d'une ré- volution heureufe & mémorable qui fe fera dans votre Langue. Nous fommes dans un liecle ou la raifon commence â prendre plus d'empire qu'elle n'en avoit eu , du moins depuis long temps. Cela me paroît par ce que vous me mandez , que vos Gens d'Eglife com- mencent à fe dégoûter des diableries. Celle des Oracles étoit li peu fondée , que vous avez rendu un feivice à votre li Lettres Nation, d'empêcher que !a traduélien du Peve Baltiis ne fût imprimée. Pour moi, mon intérêt particulier ne m'em.- pécheroit pas de le laifler traduire dans toutes les langues du mondti. Je vous rends très-humbles grâces des nouvelles traduétions dont vous m'avez honoré dans la réimprellion des anciennes. Je fuis ravi que vous ne vous repentiez pas des faveurs que vous m'a^ vez faites. Je vous fupplie de compter que j'y fuis exrrcmement fenfible , & que je défirerois fort des occafions de vous en marquer ma recop.noilTance. Je fuis avec refpeil: , ^c. P. S, Permettez moi , Monfleur , de faire ici mes très-humbles complimcns à I\l. Huufcn. AVIS DE L' ÉDITEUR fur le morceau fuivanu Les deux Lettres qu'on vient de lire, ont été imprimées plus d'une fois en jiltcmagne , en difiérens Recueils , fur les copies qu'en avoit données h\.Gott' fchcà. J'en fus inftruit , & je priai M . For' mcy , Secrétaire perpétuel de l'Acadé- DE M. DE Fonte NELLE. 15 mie de Prujjc , de vouloir bien me les procurer. Il s'adrefl'a, pour cet effet, à M. Gottfchid lui-même , qui lui en en- voya deux nouvelles copies, & je les reçus en 1 7 5"^;. i-a irême année , M. For- vuy les infera dans un Journal, qu'il pu- blioit alors à Berlin, intitulé , Lettres fur tctat prcfcnî (Jes Sciences & des Mœurs , tom, 1*^% pag. 401. Il y parle de la de- mande que je lui avois faite de celles de M. de Fonicmllc à M. Gottfchcd. En I7''4 5 ^^ première de ces deux Lettres fut encore inférée dans le tome 4 d'une colleélion imprimée à Nurem- berg ^ par les foins deM. Ufilc ^ Profef- feur en Droit à Francfort-fur-COder , & intitulée, Sylloge nove Epijîolurmn varii argumenti ^ &c. c'e(\.-à dire, Nouveau Re- cueil de Leurres fur divers fujets. Les Au- teurs de la Gaiçite Littéraire de r Europe y M. l'Abbé Arnaud , de l'Académie des Belles-Lettres , & M. Suard^ ont parlé de ce Recueil, N° 13 de cette Galette ^ Mercredi 16 Mai 1764, article III, pag. 2p2. On y trouve un paflàge de cette première Lettre, avec quelques notes critiques des Journaliftes, & les voici. Ne fuflent-elles pas toutes juAies, elles font du . moins très-ingénieuf^. 14 Lettres Elles feront donc plalfir aux Lecteurs; & de mon coté, j'aurai donné une preuve d'impartialité. Extrait de la Gazette Littéraire de TEurope. » Il y a dans ce Volume ( Syllogt » novx , 6'c.) difint Us Journalifiés ^ une » Lettre de M. de FontcnclU à M. Gott- Tifchci , fur le caradere des Langues » Françoife & Allemande , où celui du » génie de cet Académicien eft admira- « blement confervé. » Je ne lais, dit M. de Fontcndk , fi >> l'Allemand eft plus dur que le Fran- » çois; car je me défie toujours un peu » de cette dureté ou douceur préten- » due (^) ; le chant pourroit peut-être {^') M. de FoniendU & M. de U Motte ne con(icicroient dans les mots que l'expreflîon de ridée 5 vraifcmblablement rous les Ions afièc- toient également leur oreille. Ils jugeoient , dit un Philolophe Italien * , de l'Eloquence & de la Pocfie indépendamment de roieille & des par- iions , comme on juge des corps indépendam- ment des qualités feniibk's, * L'Abbé Conti : Lettre au Manjuii Ma^ci , daiu Iz-Journal Etranger , Août 1761. ' DE I\î. DE FONTENELLE. Ij" » en décider (h). Mais enfin , ce plus de r> dureté fut' il réel, il n'y auroit pas (i » grand mal , Se vous en auriez d'autant »p!us de force dans les occafions où il » en faut (i). Une chofe plus confidéra- w bie , & que j'entends reprochera vo- 33 tre Langue , quoique ce Toit plutôt >> la faute des Ecrivains , c'eft que vos 3> phrafes font extrêmement longues , (h) Ces mots , pourroit peut-être , nous ex- pliquent pourquoi Al. de FontenelU fc détioit un peu de la douceur ou dureté des Langues : c'eft que, comme on voit, il fe ^i^ov. beaucoup de ion oreille. Du relte , il n'ell point ncceflaire de recourir au cliant , pour lavoir fi une Langue efl: plus douce qu'une autre j il n'y a qu'à confidérer le rifîu même de la Langue; plus elle abondera en voyelles , plus elle fera ionore , douce & ly- rique- ( / ) Ceci n'eft: pas digne de la Philofopliie de JVI. de Fontenelle. Si la dureté s'étend au corps entier de la Langue , & que par conféquent il y en ait où il n'en faudroit pas , il efl impofTible d'en mettre où il en faudroit. Pour appliquer heureufement dans l'élocution des formes âpres , dures & fortes , il faut que la Langue puifTê en fournir au befoin , qui foient molles ^ faciles , harmonieufes. C'eft par le contrafte que ces qualités deviennent fenfibles & pittorefques ; & voilà pourquoi le Grec , le plus doux des lan- ga2;es , eft auffi celui où il y a , quand il le faut, Je plus de force 3c luêrae d!afpérjté. i6 Lettres f> que le tour en eft fort embarrafïe, » éc le fens long-temps rufpendu & con- « fus (kj. Il e{\ vrai que le Grec & le » Latin ont afiez fouvent auflî ces dé- » fauts , & même dans les bons Au- 30 teurs ; mais tout Grecs & Latins » qu'ils font, ils ont tort. Le François » feroit bien de même , fi nous vou- » lions ; mais nous n'avons pas voulu , » & c'eft peut être ce que nous avons » fait de mieux (/) «. Condufion de VAvîs di, C Editeur, Je ne ferai aucune réflexion fur ces notes, aucune réponfe à ces critiques, (A) M. de FontenelU wo\x\o\i-i\ confondre les tours embarrafles & confus de la Langue Alle- mande , avec les mouvemens périodiques des Langues Grecque & Latine ? Quand même il n'auroit pas fenti tout ce que l'inverfion & la fulpenfion répandent d'harmonie dans le ftyle , ignoroit-il que , lorfque Cicéron fe demanda raifon des grands effets qu'avoient produit fes harangues , il la trouva uniquement dans les procédés que l'ingénieux Académicien paroît cnvifager comme défeilueux ? (/) En effeï , c'efT: ce qui nous diflingue des Anciens & de tous les Peuples de la terre j car ils ont une Langue poétique , & nous n'en avons point, & DE M. DE FoNTENELLË. If te j'en abandonne le jugement au Lec- teur; content , je îe répète , c'avoic donné , en lés publiant cie nouveau , une preuve de mon i'npartia'iité. C'en eft encore une , que je renvoie à la Let- tre de l'Abbé Comi au Marquis Mafe/i, Au relie, les Auteurs da Journal Etr an- v,cr On) avouent, en l'annonçant, que YA.di Fcntcnelley efl hciucoup trop dlpriwi, » M. rAbbé-(ro/7ri, ajoutent-ils, idolâ- « troit les Anciens , &: il vivoit alors à » Paris avec les partiians de l'antiquité >> les plus déterminés ^ les plus en- yy thoudaftes <<. LETTRE V. Au Chivdîer HJNS SloANE , Prcfidmt de la Soc'ùtè. Royulc de Londres. Paris , i6 Août 175 1. O N S I E U R , Je fais bien que je n'ai pas afTez l'hon- neur d'être connu de vous , pour être (772) Ces Auteurs font les mêmes que ceux de la C^^ette Littcr.iirc de l'Europe , M. l'Abbé Arnaud & M. Suard, Tome X/, B i8 Lettres en droit de vous demander des grâces i &c que même je n'en ferois guères plus fort, quand je prétendrois faire valoir l'avantage que j'ai d'être votre Con- frère dans l'Académie des Sciences, Mais je me fie à un autre droit bien inconteilable , que me donne votre ca- raérere bienfaifant & généreux, audi connu en ce pays- ci qu'en Angleterre» Celui qui aura l'honneur de vous ren- dre cette Lettre , eft M. l'Abbé Gi- rardin , de votre nation ; ce qui doit être déjà un titre auprès de vous ; mais déplus fort eflimé parmi nous, & ayant beaucoup d'amis qui l'eftiment fort, tant par le favoir, que par les moeurs. J'en fuis le moins confidérable, & je vous en ferai d'autant plus obligé , fi vous voulez bien , à ma très- humble prière, lui marquer de la bonté, & lui faire les plaifirs qui dépendront de vous. J'ai iaifi avec plaifir cette occa- iion de vous aflurer que je fuis très- refpedueufement , &c. DE M. DE FoNTEKÉLLÊ. ip ÏT*îSeii_=B'?^10n?-! LETTRE VI. A U M Ê M E. Frais , 13 Février i733« ONSIEUR, Je ne puis trop vous remercier de rhonneur que vous m'avez tair, vous, 6c riliuftre Compagnie dont vous êtes le Chef. J'avois déjà l'honneur de te- nir à vous par l'Académie des Scien- ces 5 qui vous a choifi pour un de Tes Membres; mais on ne peut jamais te- nir par trop d'endroits à un homme d'un mxrite aul]i reconnu que vous, & c'eft pour moi le comble de la gloire que d'être avec vous dans une relation plus étroite. J'en abufe peut- être déjà, en vous fuppliant de vou- loir bien vous charger du remerci- ment que j'adrefle à toute la Société Royale ; .mais il eft bien fur qu'il ne. peut jamais lui être préfenté de meil- leure main , li vous voulez bien me faire cette grâce, Je luis avec beau- Bij jzo Lettres coup de refpeâ: & de reconnoiflance , Votre, Sec. LETTRE VII. ^ U M Ê M E. Paris,- 15» Janvier T734. - i ON SIEUR, Trouvez bon que je me joigne à tous ceux de mes compatriotes , qui: ont l'honneur d'être de votre Société Royale, & que je vous repréfente avec eux , que M. l'Abbé de la Grive mérite- roit cette grâce. 11 a d'autres témoigna- ges plus importans & plus décifîfs que Je mien. Je vous 'fupplie feulement de vouloir bien faine attention à leur valeur.' J'ai pris avec joie cette oc- cafion , ou:peut être ce prétexte, de vous "faire fouvenir de mon nom, & de vous renouveller les afiurances du refpect avec lequel je fuis , &c. TE M. DE FONTENELLE. 21 LETTRE VIII. A M. B O U L L I E R, Paris, 13 Novembre 1756. J'Ai reçu , Ivlonfieur , votre Livre (n): par M. de Gennes ; & je ne puis trop vous remercier de l'honneur que vous m'avez fait, de mettre mon nom à la tètQ d'un fi excellent Ouvrage. Il n'y a que la gloire de l'avoir fait que j'ai- mafle mieux. On voit qu'il part d'une tête bien philofophique , pleine de ré- flexions fines & profondes , & qui eft bien plus fur les bonnes voies du rai- fonnement , que n'y font la plupart de ceux qui font profefiion de raifonner. Comme vous m'avez trop loué dans votre Epitre , je tâche de ne me pas laifler emporter à une reconnoiGance où ma vanité auroit part, & j'ai atten- tion à ne vous rendre pas trop de louanges pour les vôtres. Je veux de- meurer au-deflbus de ce que vous mé- (n) 'L'Ej[fai philofophique fur l'ame des i^t^Sy dédié à M. de FoiiiànclU . z vol. in-lz. 22 Lettres ritez , & vous me paroifTez digne pat votre caractère qu'on en ufe ainli avec vous. Le Traite de Li Ccnliudc morale eft très- bon, bien penfé, bien écrit, feulement un peu diffus (ur des chofes que les Lec- teurs du commun entendroient prefque fans explication. Il y a tout au con- traire des endroits, mais en petit nom- bre, qui demanderoient d'etro plus ex- pliqués. Un article entier, par exem- ple, où je vous renvoie, pa^. 121. Je crois appercevoir votre idée; mais il fdiloit , ce me femble , ou la fupprimer , ou la développer. Tout ce que vous dites fur la véra- cité de Dieu eft bien vrai, & la Méta- phyfique eft obligée d'aller jufques là, pour aller jufqu'au bout: mais je croi- rois qu'après avoir établi ce principe, il n'efi: pas néceflaire de le rappeller fou- vent, parce que la plupart des gens ne font pas Métaphyficiens , & qu'ils croi- ront Julcs-Céfar bien démontré , fans faire aucune attention à la véracité de Dieu. De plus, cette véracité n'efl: pas tou-' jours fi aifée à expliquer. Je vous (ou- tiendrai, fi je veux , qu'elle n'efl point DE M. CE FONTENELLE. 2^ bleflee , quand la bonté ne l'eft point. Les bétes ont toutes les marques polîî- bles d^avoir une ame, & elles n'en ont point; quel mal me fait cette erreur? Mais Dieu m'y fait tomber; oui, mais il ne m'importe aucunement d'y être tombé, & cette erreur-là eil la fuite de quelque ordre que je ne connois point (o). Tous les hommes ne croyent- ils pas les objets colorés , &:c. ? Ne croyent ils pas la lune aufli grande que le foleiî; &r , ce qui eft plus fort, Dieu lui-même ne l'a-t-il pas dit aux hom- mes , ou à peu près f En un mot , quand la vérité de mes jugemens n'intéreffera point la bonté de Dieu , fa véracité ne s^oppofera point à mes erreurs, parce qu'on pourra toujours fuppofer que ces erreurs entrent dans quelque ordre inconnu. Votre Traité de la Ceriitude mo^-aU ne va point jufqu'à la Religion , &: il eft vrai qu'il ne le devoit pas ; cela vous eût jette trop loin, & peut-être même (ojC'eftune réponfe que M. de Fontenclle prête ici aux ppatifans du fyftème de Dcfcartjs' fur l'ame des beces , ryftcme qu'il étoit crès-éioi- gné d'adopter , quoique Cartclîen zélé fur d'au- tïCJ points. ■ ■ 24 Lettres n'eft-il déjà que trop amp!e pour ce qu'il vous falloit. Pour le mettre en en- tier , je ne fais s'i! n'eût pas fallu le ren- voyer à la fin de l'Ouvrage; car il y fait une tête dont on ne voit pas trop d'a- bord la néceflité, & il y auroit fait, une conclulion bien amenée. Quoi qu'il en foit , je vous exhorte fort , Monlieur , à continuer l'édiiice dont vous avez jette les fondemens. J'attends de vous une difcull^on exacte & philofophique , com- me vous la faurez bien faire, fur la dif- férence des faits purement humains, & des faits miraculeux; (ur leurs différen- tes preuves, leur égalité de certitude, &c. C'eft là que la Métaphyfique fe dé- ployera bien davantage ; parce que les attributs de Dieu, & les confidérations des deux ordres , tant phyfique que mo- ral , y entreront perpétuellement. Mon raifonnement fur les bétes , que je donnai à M. Verna pour vous, n'au- roit guères ajouté aux vôtres; mais je crois votre fcrupule exceffif. Je ne vois par mes yeux nulle proportion entre une étincelle de feu , & la force d'un boulet de canon : mais indépendam- ment des raifonnemens phyfiques , je fais par mille expériences ce que peut. la DE M. DE FONTENELLE. 2^ la poudre, &, ce qui eft décifif ici , je fais qu*avec de la poudre, je donnerai toujours une prodigieufe force à ce bou- let. Mais je fais que je dirai à un hom- ime cent mille chofes du même ton, qui n'imprimeront aucun mouvement à fes jambes; il y en a une qui leur en imprime, fans en être plus capable pac ce qu'elle a de phyfique. Donc , &c. Ajoutez à cela , (i vous voulez, que je fais qu'une plus grande quantité de pou- dre fait un plus grand effet, &c que ces deux mots que j'ai dits , cornés à l'o- reille avec une trompette , n'en feroient pas plus que dits à l'oreille (p). J'ai lu tout le Traité de l'Ame des Bêtes, mais une feule fois; je ne puis vous rendre compte que de mon impref- ■ iion générale 5 qui eft d'en être ex- trêmement content. Il y a apparence que je le ferai même encore plus . quand je faurai plus approfondi à une féconde ledure , dont je me réferve le plailic pour le premier temps que j'aurai en- tièrement à moi ; car ce n'eft pas un Livre à lire en courant , quoique net [p) On peut voir le petit écrit de M. de Fon- tinelU fur L'InjUnli, dans Je T. JX de fes (Zu^^ vres. Voyez ci-après la Lettre XI. Tome Xlx C à5 Lettres & bien digéré. Si vous veniez jamai^ ici, vous me feriez un fenfible plaifir, & dont je ne vous ferois pas moins obligé que de ceux que vous m'avez déje faits , en me traitant toujours fî favorablement. Je fuis avec refpeâ: & avec toute la reconnoiflance pollible, &c. m.viVm&» iwt«:aL.^ua»jaAaaagpi LETTRE IX. ^ U' MÊME. Paris , 30 Mai 1739. ONSIEUR, Ce que vous m'avez adrefîe pour lé Journal des Savans Cq) , eft arrivé juf-» (ç) Lettre de M. B. adrcjféc aux Auteurs de ce Journal: elle fut imprimée dans celui de Septembre de la môme année. C'ell une réponfè à l'extrait du Traite' de la Certitude morale dans le Journal inttulé Bibtiothc.jue raifonnee. M. E. peu content de cet Extrait, le fut beaucoup de ceux que le Journal des Savans avoit don- nés du même Ouvrage. Ils font de M. l'Abbé Jrublet. On les trouvera daas les mois de Mars 3 jVIrti & Juin I7J7« DE M. t>E FONTENELLE. lj tement dans le temps que ie pauvre Journal pouffoit les derniers foupirs. Il n'exifte plus , mais on fonge à le reiruf- citer. On formera une nouvelle Com- pagnie pour ce travail , & peut - être un autre plan de travail ; mais cela peut n^être pas fait fi tôt , ou n'être pas fi- tôt en train d'aller. En attendant , je garde votre réponfe pour en faire ulag© av.ffi-tôt qu'il fe pourra , à moins qua vous ne jugeafliez à propos de la reti- rer , auquel cas vous m.'indiqueriez quelque occafion pour vous la ren- voyer ; car par la pofte ordinaire, ceîar feroit un trop gros paquet. Puifque vous avez pris îa peine de lire la Préface de mes Elémens de la Geo- mètric de f Infini, je n'ai plus rien à vous dire fur les inrinis de difterens ordres. J'ai dit tout ce que je fa vois. J'ai vu plufieurs gens d'efprit que ma diftinc- tion d'infini métaphyfique &: d'infini géométrique a contentés. Vous di- tes fort' bien que Dieu eft le feul infini abfolu ; il Tefl: félon l'idée métaphyfi- que y & certainement il ne l'eft pas comb- ine un nombre le feroit, ou félon l'idée géométrique. Un nombre infini ne pour- îoit être quatre , fans devenir infini- ùS Lettres ment plus grand. Méditez un peu , je vous prie, Monfieur, fur cette extrê- me différence, & j'efpere que vous vous rapprocherez un peu de moi. Je crois avoir fenti que votre (êconde édition , quoiqu'au deflus de la pre- mière , s'eft moins répandue ici. N'y auroit-il point de la faute des Librai- res? J apperçois un temps de loifir que j'aurai bientôt , & je me fais d'avance un grand plaifir de me livrer entière- ment à cette agréable & utile ledure ; je dois ajouter aufli honorable pour moi ; & je vous renouvelle encore mes très-humbles remercîmens de l'honneur infini que vous m'avez fait. Je fuis avec refped, Monfieur, Votre, &c. LETTRE X. Al/ MÊME, Paris, IX Septembre 173?.' VOtre réponfe , Monfieur , a été examinée dans une aflemblée du nouveau Journal, à laquelle préfidoit DE M. DE FONTENELLE. 2^ M. le Chancelier (r) qui en eft le Pro- tedeur; & il a été réfolu, avec éloge, qu'on rimprimeroit au plutôt. C'efI: en- core là un temps indéterminé , mais fû- rement cela n*ira pas loin ; & comme ce Journal ira auffi-tôt en Hollande, vous vous y trouverez au premier jour. Je reprendrai votre Livre à mon pre- mier loifjr. J'en ai entendu dire beau- coup de bien à un très-bon Juge, qui eft M. de Mairan , de notre Académie des Sciences ; & Ton jugement m'a fait un fenfible plaidr {s). Je ne doute pas qu*il ne foit ratifié par le Public; mais ces fortes de L vres-Ià ne font pas fi-tôt jugés qu'un grand nombre d'autres qui fouvent ne les valent pas. Je n'ai pas le temps d'entrer avec vous dans la queftion de l'infini. Je n'ai que celui qu'il faut pour vous apprendre que j'ai fait votre commilîîon. Mais d'ailleurs , que vous dirois-je fur l'in- (r) M. Dagitejfeau. (j) M. BouLlUr a dédié à M. de Mairan le dernier de fes Ouvrages qui parue à Paris ea 17 55», chez CuilLjyn. C'elt un volume in-\z ^ contenant trois Difcours pldlofophiques fur les caufes finales, Tineriie de la matière , & la li- berté des avions hun^aines- .C iij 50 Lettres fini? J'ai dit dans ma Préface tout ce que je favois. J'avoue qu'il refte tou- jours quelque obrcurité ; mais en vérité il s'en dilîipe une grande partie, quand .o; entre dans le détail étonnant de tous les ufages que la Géométrie fait faire de cet infini. Scroit-il poffible qu'une chi- mère fût fi exadementfyftématique, fî fcien foutenue par-tout, fi invariable ^ 2^c.Ce feroit bien cette fois-là que Dieu nous tromperoit. Je fuis, &c. LETTRE XI, A U M É M E, Paris, 21 Mars I74f." JE fuis bien flatté , Monfieur , de riionneur que vous me faites de vous fouvenir encore de moi après un fî long temps de filence de part& d'au- tre. M. Vïm'ulk vous dira avec quelle joie je reçus votre Lettre, Je ne fuis point étonné qu'on réimprime votre Livre des Bétes pour la troifieme fois , quoiqu'afl'uxément ces fortes de ledures DE M. t)E FONTÈNELLE. ^î ne foient pas pour le plus grand nom- bre, même de ceux qui lifent. Celui-ci cil: folidement raifonné pour le fond, & bien ordonné pour la forme ; ce qui n'eft pas commun aux bons Ouvrages même. Vous n'avez pas befoin de M. Vcrnet pour le rai(onnement que je vous ai communiqué par lui , & dont vous pouv:z faire tel ufage qu'il vous plaira. Je fus bien ai(e autrefois de l'avoir ima- giné , pour m'en fervir contre un hom-» me d'un grand nom (/), qui ne penfoit pas comme vous. Le voici. Quand je dis à l'oreille d'un homme, & bien bas: enfuyi^vous ;je vols des Ar- chers qui v'unmnt vous prendre ; Tes jambes prennent auffi-tôt un mouvement très- violent pour fuir, & ce mouvement n'eft pas proportionné au petit ébran- lement que ma voix a caufé à fes oreil- les , mais à une certaine idée que j'ai portée dans fon efprit ; car quand je lui aurois dit les mêmes paroles avec une trompette à augmenter le fon, il n'en auroit pas fui plus vite. Il y a une infinité d'exemples pareils. Or les mou- (r) Le Père MaUbranch. Q iy 5^ Lettres vemens des animaux ne font point pro- portionnés aux caufes matérielles qui en ont été l'origine , mais feulement à quelque penfée ou caufe fpirituelle. I>onc, &c. Il vous fera aifé, Monfieur , iî IT.C.'trc cet argument dans tout fon jour, & même avec une forte de beauté & d'élégance. Je me fouviens afTez de votre Traité di la certitude morale , pour vous dire que jG vous avez deiïein , comme je le crois, qu'il ait trait à la Religion , il faut y ajouter ce qui peut regarder les faits furnaturels ; car je ne ferai peut-être pas obligé à croire un miracle fur les ïnêmes preuves qui me fuffiroient pour la Bataille de Pkarfale : mais il me fem- ble , à vue de pays , qu'en approfondif- fant la matière , ainfi que vous en êtes très- capable , il peut fe trouver là-dcf- fous quelque chofe de folide, de neuf & d'intéreflànt. Voilà tout ce que je puis avoir l'hon- neur de vous dire préfentement ; car , pour en dire davantage, il me faudroit plus de loifir & de méditation, & mê- me une nouvelle leâ:ure de votte Li- vre. Ce n'eft pas que depuis que j'ai quitté le Secrétariat de l'Académie des A M. r>l FoNTENELLE. 5^ Sciences, je n'aye plus de temps à moi: mais j'ai pris depuis peu un engage- ment, qui, quoique purement volon- taire, m'en enlevé beaucoup; & puis, pour tout dire, je me fens du grandi âge qui me gagne , & je ne me croîs plus capable du même travail qu'autre- fois. Je fuis , &c. LETTRE XII. DE M. BOULLIER. Amfterdam, 30 Juin 1741. A Gréez , Monfieur , un petit préfenî que je vous envoie au nom d'un de mes amis & au mien. Ce font des Lettres fur les vrais principes de la Reli' gion («), où je crois que vous trouverez d'aflez bonnes chofes. On y défend les droits de la révélation Chrétienne contre les atteintes qu'a voulu lui por- ter depuis peu un Sophifle des plus adroits , dont l'Ouvrage (x) a fait ( «) Cet Ouvrage eft tle M. BouLlier même. \x) Lettres fur U Kdi^ion eJfsntiiUe^ par Ma-» 4emoifelIe Hubert» 34 Lettres bruit parmi nous , 2c s'ed: attiré plu- fîeurs répanfes. L'Auteur de celle cî m'oblige à taire Ton nom, mais il dé- fire qu'elle vous parvienne par mon canal ; perfuadé qu'il ell; que toutes les matières font également de votre ref- fort, & qu'une certaine Théologie ne fauroit déplaire aux vrais Philofophes. Je prends un intérêt plus particulier encore à quelques petites" pièces qui font ajoutées à la fin. On y prend la défenîe de Pafcal , 2c l'on y traite de la nature Je l'ame , & de Ton immorta- lité ; fujet chrétien & philofophique tout enfembîe (y). Aufll oferai-je vous prier , IVlonGeur, (c'eft ce" me femble une forte de droit que je me fuis acquis auprès de vous ) de vouloir bien m'en dire votre fentiment. Les Journaux m'apprennent votre démiilion de l'emploi de Secrétaire de l'Académie dés Sciences. En vous féli- citant d'un repos qui vous eft juftement dû, fouffrez, Monheur, que je m'afflige de la perte irréparable que les Sciences font à cet égard , & qu'elles font phi- (jy) Ces petites pièces ont été réimprimées fcpaiément à Paris en 175^ , fous le titre de "Lettres Cruitjucs , &c. On les trouve chez Du^ diefne. Ce font des réponfes à M. de f^oUaire: À M. DE FoNTENELLË. ^J tôt qu'on ne s'y feroit attendu. Vous étiez pour elles une efpece de premier Miniftre ; & on efpéroit qu'à Texem- ple du grand Cardinal qui gouverne aujourd'hui la France Ç^), ayant tou- jours conlervé une vigueur de génie que les années n'altèrent point, vous rempliriez jufqu'au bout un pofte que depuis près d'un demi-fiecle vous oc- cupiez avec tant de gloire. Après tout, j'avoue qu'il y auroit de rinjuftice à devenir ennemi du repos des grands hommes , à force d'aimer leurs talens. On vous a donné M. de ALiiran pour luccefleur ; en pouvoit-on mieux faire l'éloge? Il y a long-temps que les Mé- moires de l'Académie nous l'ont fait connoître pour un Phyficien profond , .& pour un excellent efprit; & 'que je lis les (îens par préférence , ceux du moins qui font à ma portée, & tou- jours avec une extrême fatisfadion. Celui, par exemple, qui vient de pa- roitre dans l'innée 1735 , fur la pro- pagation du fon , m'a infiniment plu par les recherches fines & curieufes dont il eft plein; il y raifonne avec un© ({■) Le Cardinal de Ileury, 5^ Lettres foîidité admirable , &j'en demeure ab- folument à fon avis. La Théorie de M. TAbbé de Molieres , que vous continuez , Monlieur, dans le ïncme volume , d'expofer dans un fî beau jour 5 n'eft pas moins de mon goût. Comme il paroît que vous pen- chez en faveur de ce fyftéme, cela me confirme dans la bonne opinion que j'en avois de'ja prife. D'ailleurs , Mon- iïeur , j'ai l'ame naturellement Cuné' Jienne; par conféquent je ne puis m'ac- commoder du vuide ni des attra(f^ions, & je fuis ravi que. les petits tourbillons foient (\ heureufement venus au fecours des grands. Il me refte pourtant une objeâiion que j'avois toujours eu envie de vous propofer, & je fus un peu fâ- ché de voir dans votre de-nier extrait, qu'un autre m'avoit prévenu. Mais n'y ayant apperçu aucune réponfe qui levé la difficulté , je vous en demande à vous- même la folution. Tout efl plein , dit M. de Molieres. Selon lui, refpace que laiflent entr'eux les vorticules du der- nier ordre , efl: rempli û'une matière infiniment molle , qui n'ayant elle-même aucun tourbillonnement , ne fauroit par conféquent repoufler l'effort de A M. DE FONTENELLE. ^J celle des petits tourbillons qui tend à s'échapper par la tangente ; d'où il ré- fultera que cédant à cet effort , les pe- tits tourbillo^s vont (e détruire ; que l'équilibre va fe rompre, & que toute la machine efi: déconcertée. Dût- on pouflfer à l'infini ces divers ordres de petits tourbillons , il refiera toujours des intervalles pleins d'un fluide non réliftant, & incapable de maintenir les vorticules en les comprimant. Si vous avez la bonté , Moniieur , de me ré- pondre là-deflus à votre loifir, je me tiendrai payé du refte du préfent que je vous oftre. Au refte, je ferai charmé que mon objetHon foit mauvaife; car j'aime le fyftéme , & j'appréhenderois que fa chute ne nous replongeât dans ces horribles ténèbres dont M. Sau- rin (a) prioit le Ciel de nous préferver. Une chofe que je lui demande avec ar- deur , c'eft qu'il veuille vous prolon- ger pour plufieurs années la douceur d'un repos , que de longs ôc nobles tra- vaux vous ont acquis. Je fuis avec (a) Jofeph Saurin , de l'Académie des Srien- ces, mort le z9 Décembre 1737.5011 fils eft de l'Académie Franco! fe. '^S Lettres une fînguliere vénération , Monfîeur ; Votre, 6cc. ib), [b) M. BouLlicr mourut à Utrechttn Décem- bre 17')9 , âgé de 60 ans. II avojt été Pafteur à Londres Se à Amjicrdam. On peut voir fon éloge par M. de Loches , Pafteur à Rotterdam , dans le Journal intitulé B iblicthéque des Sciences 6* des Beaux- Arts , T. XIV , p. 444. LETTRES XIII, XIV & XV, J M, S'GRAVESANDE, ET RÉPONSES. Avis fur Us Lettres fuivantes. MOnfieur s'Gravefande avoit fait l'Extrait des Elcmens dt la Géo- métrie de C Infini dans le Journal Littéraire, imprimé "kla //<7j^. Voici ce qu'on trouve là deflus dans le Diâ"ionnaire de Profper Marchand , article s'Gravefande. Cet ar- ticle eft de M, Allamand , Editeur de ce Dldionnaire. Quoique cet Extrait , dit M, J. foit fait avec toute la politefle & tous les égards dûs à un Savant aufli diftingué DE M. DE FONTEÏTELLE. 5^ que M. di FonundU^ celui-ci cependant n'en fut pas content; il crut voir une ré- futation de fesfentimens dans le foin que le Journaliflie avoit pris de les mettre en parallèle avec les fentimens communé- ment reçus 5 fans cependant prononcer qu'ils éîois?nt préférables. Il adreiTa fes plaintes à Pvï. s^Gravcfandc , qu'il jugea bien être l'Auteur de cet extrait. Dans la Ltttre qu'il lui écrivit, il ne put s'empêcher de laiflerparoîîrela tendrefle qu'il avoit pour fon Ouvrage, & com- bien il fouhaitoit qu'on en portât un ju- gement favorable. Comme tout ce qui efl; forti de fa plume eft intéreflant , on la lira avec plaifir. Elle eft datée du 7 Avril 1730. La voici. 33 Je viens de lire ce que vous avez » dit fur la première partie de ma Géo" ï> rnétric de Clnfini dans le XIV^ Tome » du Journal Littéraire. Je vous remer- M cietrcs-humblement de quelques traits » obligeans que vous y avez fc-més , 30 & du ton honnête &; imparrial dont >> vous me faites des objedions. Comme, » ces objedions ont de la force par » elles-mêmes , & de l'autorité par » votre nom très - illuftre dans les » Mathématiques , je les ai examinées 40 Lettres » avec beaucoup de foin , & je puis vous » afTurer très-fincérement que je m'y » rendrois , fi je n'y avois pas trouvé 30 des réponfes très - claires & très- yy précifes. Mais il me faudroit un peu » de temps pour les bien rédiger par » écrit , & les mettre dans l'ordre & »dans le jour néceflTaire ; & je n'ai pas »♦ préfentement ce loifir-là. Je me hâte 39 de vous les annoncer , avant que de » vous les envoyer ; & je vous deman- » de très-inftamment une grâce, c'eft » de vouloir bien les annoncer vous- 39 même au Public , comme je le fais » ici, dans le premier Journal où vous 3» parlerez encore de mon Livre. Cela » ne vous engage à rien , & convient » fort à rinjpartialité qui vous fait tant w d'honneur; & moi j'ai lieu de crain- » dre que vos difficultés , qui viennent » de fi bonne main, ne fifl'ent trop d'im- » preflion. Je fais cependant déjà quel- y> ques Géomètres qui ne s'y rendent » pas, quoique je ne leur aye rien com- » muniqué de mes futurs éclaircifle- » mens ; car j'ai l'honneur de vous écrire » dans le moment que je me fuis plei- » nement aflbré de leur validité. Je ne » ferai point du tout furpris, & je l'ai »dic DE M. DE FONTENELLE. 4I y dit à la fin de la Préface , qu'il fe » foit glifle des fautes dans un auflî gros » Ouvrage, d'un defTein au fli hardi, &:, j> ce qu'il y a de pis, qui vient de moi; » mais j'efpere qu'il refrera un fyftême » géométrique, qui n'avoit point encore » été formé, qui fe trouvera afiez bien » lié , & qui répandra du jour fur quan- » tité de matières auparavant fort obfcu- » res. J'en ai déjà pour garants un grand y> nombre de fuffrages du plus grand X poids ; je fouhaiterois infiniment que 30 le vôtre en pût être , & que du moins » vous donnaflîez à la fin de vos extraits » un jugement général , qui me feroit *> peut-être plus favorable que les ju- » gemens détaillés : mais je n'ai garde » de vous rien demander contre votre » confcience; & quel que foit votre Cen- » timent fur ce Livre , je ferai toujours a> & avec beaucoup d'eftime , &c. » M. s'GravcJlmde , qui n^avoit eu aucun dellein de faire de la peine à M. de Fon- tcndU,\u\Çii uneréponfe, dans laquelle, fans convenir qu'il fût l'Auteur de l'Ex- trait, parce que les loix que les Jour- naliftes s'étoienr prefcrites , ne le lui permettoient pas , il lui témoigna avec combien de fatisfaftlon il avoit lu fon Toitu Xh D 5|2 Lettres Livre. >> Je me fers avec plaifir, lui cât-^ » // , de cette occafion , pour vous aflu- j> rer qu'en lifant \'otre Ouvrage , j'ai » été frappé de la grandeur de l'entre- 3> prife, & que j'ai admiré la manière » dont -vous avez exécuté votre def- »fein. Les vues nouvelles fur ï Infini , ^ que vous avez répandues dans les =3 diflférens volumes de XHifloin de V A- Vf cadérnie , avoient fait l'étonnement des 20 plus grands Mathém.aticiens. Vous » venez de les réunir, de les étendre, » & de [qs éclaircir ; vous y en avez =9 joint un plus grand nombre d'autres »quî n'avoient pas encore paru, & cela 3i fur des matières que perfonne n'a- 30 voit touchées jufqu'à préfent. Vous 3> en avez fait un fyftéme qui ne peut 39 être reçu des connoiifeurs que comme » un préfent qui a pafle leur atten- wte, quoiqu'ils connuilent la main d'où » il venoit. Excufez , je vous prie , >»Monfieur , fi je vous entretiens ds .-» votre propre Ouvrage ; la ledure j^m'en a fait trop de plaifir, pour laiG- » fer pafl'er cette occalion de vous ei » marquer ma reconnoilFance. Du refte » je fuis fenlible à la manière obli- » géante dont vous voub exprim^ez fui DE M. DE FoNTENSLLE. 4J' >» mon chapitre dans votre Lettre; je » voudrois la mériter. Je fuis , Sec. » Peu de temps après, M. de FonundU envoya à ]\1. s'Gravcfahdc les EcIairciUe- mens qu'il lui avoit promis, & il les accompagna de cette féconde Lettre, en date du 2 Juin 1750. >> J'ai déjà eu l'honneur de vous écrire « fous l'enveloppe de Meilleurs Gojfe ù" 30 Neaulme, au fujet des objections que » vous m'avez faites fur la Géométrie d& » tlnfini. Voici la réponfe que je vous » avois promife , & j'efpere que cet ef- w prit d'équité, qui rend votre Journal » fi eftimable, vous la fera inférer dans » quelqu'un de vos volumes. Je me » flatte même que vous la trouverez » fatisfaifante ; & je vous avoue que je *> me tiendrois trop heureux de pou- Mvoir gagner un aulli habile homme » que vous. J'en compte déjà plufieurs, » & même plus que je n'efperois ; car je M fais bien que les paradoxes , quelque » vrais qu'ils puiflent être , n'opèrent » que lentement. Ne m'ôtezpas , je vous »prie, toute elpérance; mais duffiez-' » vous me l'ôter , je n'en feroispas avec » moins d'eftime & de confidération , 5 Monûeurp&c. » 44 Lettres M. s'Gravtfandi fit inférer ces Eclair^ cijjemins dans le Tome XVI du Journal Littéraire, pag. i & fuivantes, & il y ajouta des remarques qui fe trouvent à la page 9 du même volume. Là il rend à M. de Fontenelle toute la juftice qui lui eft due ; & en juftifiant les ex- preffions qui lui ont déplu dans l'Ex- trait 5 il fait voir que le Journalifte n'a point penfé à fe déclarer contre {^ lentimens. J'ai lieu de croire , pourfuit M. A, que ces remarques ne plurent point à M. de F. Cependant il ne me paroît pas qu'elles continfifent rien dont il eiit raifon d'être offenfé : qu'on en juge par la façon dont M. s^Gravefande s'exprime au commencement. Voici ce qu'il y dit ; » Notre but , en donnant »> l'Extrait de l'Ouvrage de M. de Fon- ■» tenelle, a été, comme nous en avons » averti au commencement de cet Ex- » trait , de mettre nos Ledeurs en état » de juger entre les idées nouvelles » contenues dans cet Ouvrage, & les vidées reçues. C'eft-là le but que nous a* nous étions propofé en donnant nos » remarques , fans que nous ayons eu 3» aucun deflfein de décider quelles idées » étoisnt préférables ; & fi dans quel- DE M. DE FoNTENElLë, ^f 'î> que peu d'endroits nous avons pro- f> pofé des difficultés , elles ont regardé 3J plutôt quelques rai(onnemens parti- =B culiers , que le fond même des ma- » tieres. II eft vrai que dans plufieurs » remarques , en rapportant les fenti- » mens reçus, nous avons employé la }•> première perfonne; mais ce n'a pas » été pour nous déclarer en faveur de a ces mêmes fentimens. Rien n'eft plus » ordinaire aux Journaliftes, que de fe » fervir de la première perfonne , au «lieu de la troiiieme, après qu'ils ont » averti au nom de qui ils parlent. »Nous cïoyons avoir expofé aiïèz M clairement les fentimens oppofés à w celui de notre Auteur, pour que le »> Ledeur puifle juger des réponfes que » contient la pièce qu'on vient de voir, j» & trouver ce quepourroient répliquer » ceux qui font dans ces fentimens op- » pofés. «Nous aurions fouhaité que M. àe a> Fonundk ne nous eût pas pris à partie » diredtement. Marquer en quoi un Au- » teur s'écarte des fentimens reçus, dire » quels font ces fentimens reçus , ce «n'eft pas toujours fe déclarer contre » cet Auteur. Ce petit manque de foi- ^■^ Lettres 3> malité ne nous empêchera pourtant 3' pas de rendre, dans toutes les occa- » fions, à notre illuftre Auteur , la juf- » tice qui lui eft due, & de regarder » comme un honneur qu'il nour a fait, » d'avoir bien voulu enrichir notre » Journal d*une fes produftions. 3» On peut juger de l'eftime que nous s» faifons de ?vî. de Foraenelle & de fes » Ouvrages, par la manière dont nous » nous fommes exprimés dans notre » Extrait ; èc c'eft parce que nous la » portons à un fi haut point, que nous >> fommes fenfiblement mortifiés de trou- » ver , dans la pièce qu'on vient de »lire, deux endroits dans lefquels nous s« fommes attaqués en notre qualité de î> Journaliftes, comme fi nous n'avions » pas rendu à l'Auteur de l'excellent » Ouvrage dont il s*agit ici , toute la » juftice qui lui eft due fur ce qu'il y a. » de nouveau dans fon Livre >>♦ À M. OE FONTENËLLE. 47 LETTRE XVI. /)é5 Auteurs du Journal Littéraire , â M. DE FO NT EN ELLE, M La Haye , 17 Mai 1750. ONSÏEUR^ Le Libraire Nmulmt nous ayant re-^ mis une Lettre que vous avez adrefîee h}A, s'Gravefandc , & que celui-ci lui a renvoyée , nous efpérons que vous ne trouverez pas mauvais que nous nous donnions l'honneur d'y répondre , ayant jugé par le contenu , que ceft propre-, ment nous qu'elle regarde. Notre deflein , Monfieur, n'a jamais été de faire des objeâions contre votre Ouvrage; mais ayant jugé qu'il n'étoit pas fufceptible d'un Extrait complet, & qu'il ne pouvoit que beaucoup per- dre, de quelqu'étendue qaon pût faire cet Extrait, nous avons cru faire plai' Cr à bien des Ledeurs , de nous arrê- ter aux articles dans lefquels il nous 3 paru que vous vous éloigniez 1j plus 4^ Lettres des fentîmens les plus généralement re- çus. Dans quelques endroits , nous avons marqué les difficultés que nous trou- vions encore dans des matières dont la nature ne permet point qu'elles foient éclaircies entièrement par l'efprit hu- main; & vous nous rendez juftice, en difant que nous avons parlé avec im- partialité. Nous fouhaitons aufîî , Monfieur; que vous nous la rendiez encore fur ce point : c'eft que , quoique nous layons trouvé des difficultés dans quel- ques endroits de votre Ouvrage , nous n'en reconnoifTons pas moins l'excel- lence, & n'en avons pas moins d'admira- tion pour l'Auteur. Nous fommes très- xnortifîés que votre Lettre ne nous ait été rendue que plus de fix femai- ïies après que la féconde partie de notre Extrait a paru ; nous n'aurions pas manqué de donner au public Tavis que vous nous avez envoyé; & nous cfpérons que vous ne trouverez pas mauvais que nous le mettions en forme d'avertiffement au commencement du Journal qui eft aduellement fousprefle , & qui doit paroître vers la fin du mois prochain. Nous A M. DE P'ONTENELLE. 49 Nous efpérons , Monfieur , que vous voudrez bien nous envoyer à nous-mê- mes vos EclairàjJ'iman , pour en enri- chir notre Journal ; nous vous en fe- rons très- (Incérement obligés (fj. Nous femmes avec beaucoup d'efiime & de refped , Monsieur , Vos très - humbles, &:c. les Auteurs du Journal Littéraire. {c) Voiries Mémoires ci-defTiis cités, de P4. l'Abbé TrubUt fin- M. ds Fontendk. Tome XL 5*0 Lettre LETTRE XVII. De M. LO C K M AN. EPITRE DÉDICATOIRE A M. DE Fonte NELLEf De la Tradticîion Angioifc de fHilîoire de Psyché de la Fontaine (d). Londres, 1744. ONSIEUR, Cet Ouvrage vons efl offert par la reconnoifTance que TAuteur conferve de toutes les politefles dont vous l'a- vez honoré pendant fon féjour en France ; politefTcs d'autant plus flat- teufespour lui , qu'elles furent l'effet de votre générolité, & n'eurent pour objet qu'un finîple Etranger, fans recomman- dation , introduit & préfenté par les feules Mufes. (i/) Cette Epitre ctoit ea Anglois. On en a trouvé Ifi traduftion parmi les papiers de AI. de FontenGlli. I A M. DE FONTENELLE. ^I Les changemens politiques arrivés dans le Monde depuis ce temps, n'ont aucune influence furie fentiment vif que j'ai toujours confervé des obligations que je vous ai. Ceux qui n'ignorent pas que les Académies confervent entr'elles une intime correfpondance , malgré finimitié que la guerre peut caufer en- tre les Nations dont elles font partie, ne me croiront pas moins bon Anglois, quand je m'efforcerai de m'acquitter de ce que je dois à un Etranger d'un fi rare mérite ; &: ceux qui connoiflent d'ail- leurs mes principes , favent que per- fonne ne fait des vœux plus ardens que moi , pour la paix , le bonheur & la gloire de ma Patrie , fous l'heureux gou- vernement dont elle jouit à préfent. J'ai cru qu'il étoit d'autant plus à propos de vous offrir cette Tradudion de la Fontaine , que vous avez donné de- puis long-temps des témoignages pu- blics de la très-haute eftime que vous avez pour lui. Je vous regarde , à quel- ques égards, comme le repréfentant de ce grand homme , èc crois par confé- quent que les efforts qua j'ai faits pour habiller de mon mieux à TAngloife un defes Ouvrages, auront le bonheur de Eij ^2 Lettres vous plaire. Je me flatte aiifii que Li Traduction d'^/v^/t'e , que j'y ai jointe, ne diminuera point l'accueil que vous ferez au refte. En méditant fur les aventures de Pfyché , j'avoue que les circonflances de ià gloirs & de Tes cruels revers , me rappellent fouventàla mémpirela Ville de Paris, cette douce & trompeufe vi- fîon 5 fî agréable d'abord, & devenue fi funsfle pour moi dans la fuite (cr). Je n'ai jamais éprouve dans cette Ville, de plalfir plus véritable, de fatisfaclion plus réelle j que le bonheur de m'entre- tenir avec vous. Tous les Grecs affem- blés n'écoutèrent jamais avec plus de rerpeél leur fage Nejlor , que j'écoutois 1\I. diFontcndU. Quels charmes ne trou- vois je pas à vous entendre, quand vous nous rjtraciozl'hiftoire des be.iux Arts , les diftérentes utilités dont ils lont au genre humain, les honneurs qu'ils pro- curent à ceux qui les cultivent & à ceux [c] L'Editeur ignore à quel événement de la vie de M. I.ockman ces dernières lignes peuvent avoir rapport. Au rcRe, peut-êa'e voulut-il dire feulement qu'il avoit beaucoup regretté Paris ; mais en ce cas l'exprefiion àQjunejh feroit beau^ coup trop forte. A M. DE FONTENËLLE. /J qui les protègent ! Vous traitiez ce fujet avec toute la grâce & toute la force pollible. De-là vous palliez tout nata- rellement à Téloge de cette Dame ce-' lebre (/) , dont la longue protedion m'a fait autant d'honneur, qu'elle a été utile à l'avancement de mes études, & dont j'ai fi fincérement pleuré la mort dans l'amertume de mon cœur & dans le filence. Je n'admirois pas moins votre huma- nité, (puifque votre fituation dans ce monde eil, ainfi qu'elle doit être, par- faitement heureufe ) en voyant que tous ceux qui cultivent les Lettres, dans quelque rang que la fortune les eût placés, quelle que fût leur patrie, leur Religion , leur Langue, n'étoient â vos yeux que les enfans d'une même famille , dans laquelle vous vouliez qu'il régnât une parfaite harmonie & un commerce réciproque de bons offi- ces & d'amitié. Rien fur-tout ne m'a touché plus fenfiblement que les éloges que vous donniez fi généreufement aux habile? gens de ma Nation. Ai~je pu les entendre fans émotion , dans la bouche [fj Madame la Marquifede Lamhcrt. E iij 54 Lettres d'un homme qui amufe & inftruit tout à la fois toutes les Nations chez qui les Lettres ont pénétré ^ d'un homme qui, fans parler de tous Tes autres talens, a trouvé le fecret d'unir deux parties juf- qu'à préfent jugées incompatibles; je veux dire la profondeur éc la févérité des fciences , avec les fleurs , les agré- mens & le goût exquis de la plus fine littérature? On peut comparer le génia qui jadis préfîdoit aux fciences, à une efpecede Géant redoute b!e, à la garde duquel étoit confié le tréfor des gran- des découvertes & des idées fublimes. Perfonne ne pouvoit fe flatter d'y at- içiodx^ . fans DaHjr enr une longue épreuve d'obftacles & de diirîcultés. IAdU vous , Monfieur , en faveur des gens du monde les moins patiens & les moins ftudieux , vous avez fubftitué ù fa place une quatrième grâce , dont l'air infinuant & les manières agréables en- gagent , attirent & leduifent autant la multitude, que les façons du premier Gardien la révoîtoiei^t & l'eifrayoient. Dans le célèbre combat d'Hercule en- tre le plaifir & la vertu, ce Héros fe trouvoit obligé de choifir entre les deuX; & de fe dévouer tout entier à l'un A M. DE FONTENELLE. ^^ OU à l'autre genre de gloire , fous peine de n'exceller dans aucun. Plus privilégie que lui, vous avez fu , Monfieur , par un art heureux, réconcilier deux bran- ches du favoir , entre lefquelles il ne paroît pas moins d'oppofition. Vous les avez contraintes de fe prêter une ailiftancs mutuelle. Jamais l'utile & l'a- gréable ne fe font trouvés plus délicieu- fement unis que dani votre admirable Pluralité des Mondes. Il eft vrai que lorfque , femblable à la SïbilU d'E-néc , vous entreprenez de nous conduire , vous ne nous menez point ,(& ce n'eft pas en eftet votre in- tention ) dans les replis & les recoins les plus cachés & \^s plus intérieurs du. tréfor philofophi^ue : mais alors mê- me nous vous avons l'obligation de nous en donner d^s notions & des idées , auxquelles bien des gens n'eulTent ja- mais pu atteindre fans votre fecours. II en réfuîte un point de vue , un coup d'oeil qui fournit à un efprit capable de réflexion , les plaifirs les plus délicats, & qui en même temps annoblit & élevé les idées qu'il doit avoir de la (a- gefle & dé la puiiTance de l'Etre fu- prcme. E iv ■^6 Lettres Malgré les proteftations que j'ai fai- tes «n commençant, quelques perfon- nes penferont peut-être que la vanité a autant de part que la reconnoiflTance à refquilTe imparfaite que j'ofe donner de votre cara(5ler-e & de vos talens. En ef- fet, quand je réfléchis à la difficulté de mon entreprife, je ne puis m'empêcher de me trouver Qoupable, au moins en partie, & d'avouer avec toute la fincé- jité d'un i^nglois, que la vanité ( fi en- fin l'ambition qui m'anime ne mérite pas d'être honorée d'un terme plus no- ble ) peut bien avoir quelque part à ce que je vous adrefle. Mais j'en appelle à ceux d'entre les hommes, dont famé peut s'enflammer d'une vive pafl^îon pour l'étude & le favoir , & qui font capables de refpec- ter ceux qui y excellent. Je me flatte qu'ils verront d'un côté plus flworable le principe qui me fait agir. Ils penfe- ront qu'il eft louable de fe livrer à ce goût fublime , plutôt que de voyager chez les Etrangers, dans l'unique inten- tion d'y découvrir & d'en rapporter des goûts Se des plaifirs d'un ordre tout fcnfuel. Quel que foit le tour qu'on veuille DE M. DE FONTENELLE. j7 donner aux motifs qui me font agir, je fuis très-convaincu que votre politeîTe & votre humanité vous les feront voir d'un côté favorable. Perfonne n'eft avec plus de refpeél, Monfieur , Votre, &:c. LETTRE XVIIL RéfOnfc de M. DE FONT EN ELLE à M. LOCKMAN. Paris , Novembre 17/J4. TE ne doute pas , Monfieur, que ^ vous ne fâchiez préfenîeipent par quelle aventu-r'e le paquet dont vous m'honoriez , & qui me fut annoncé au mois de Juillet ou d'Août par M. Rolli, a été retardé fi longtemps à Calais , que je ne l'ai reçu que depuis huit ou dix jours. Il m'a fallu encore le temps d'en faire traduire l'iipitre dédicatoire, car je ne fais pas un mot d'Anglois, &j'en ai déjà été bien mor- tifié en plufieurs occafions, mais jamais autant que dans celle ci, Ceft un avan* Ev 5'8 Lettres"' tage que votre Nation a fur nous, de favoir plus communément notre Lan- gue , que nous ne favons la vôtre ; mais nous commençons à nous piquer d'honneur fur ce point, & bientôt nous ne vous céderons plus. La traduction de TEpitre me fait tourner la tête de vanité. Je foupçon- ne bien qu'il y a beaucoup à rabattre de tout ce que vous me faites l'hon- neur de me dire , & qu*il en faut met- tre ia plus grande partie fur le comp- te de votre politeffc ; mais n'importe: J'aurois voulu voir la raifon de Socratc lui-même à la même épreuve; qu'un iîlurtre Savant Egyptïm Teût été choi- fir entre tous les Grecs, pour lui adref- fer un Ouvrage de fa façon , en lui donnant des louanges trcs-fpiritueîle- ment & très-finement tourjiées; & je crains fort que cette raifon fi ferme & fi inébranlable ne s'en fiit pas tirée tout- à-fait à (on honneur. Quoi qu'il en puifle arriver, à moi qui ne prétends pas le valoir , je faurai bien que vous m'avez fait, Monfieur, une grâce très- iinguliere, dont je n'avois nul droit de me flatter , & dont je ne puis jamais vous marquer affez de reconnoillance. DE M. DE FONTENELLE. Jp J'efpere que mon Tradudeur voudra bien me donner du moins quelques idées générales de votre vie de la Fon^ taïnc , & de vos remarques fur Ton carac^ tere.Jc l'ai un peu connu , & je le déiànif- fois ainfi : 17/2 homme qui étoit toujours demeuré à peu près tel qu'il ètoït fortï des mains de la Nature, &' qui dans le commerce des autres hommes n avoit prefque pris aucune teinture étrangère. De-lùvenoit Ton inimi- table & charmante- naïveté. Je me tiens bien ï\\v que vous l'aurez attrapée dans votre Langue autant qu'il étoit poflible, & cela augmente bien le re- gret que j'ai de ne pas favoir l'Anglois. Je me ferois fp.If un c-rp.nH nlaifir Aa. -■- '■ ■ o ç"'^ ■* comparer le génie des deux Nations. Je connois déjà celui de la vôtre , fur les Ouvrages de force , pour ainfi dire, fur la Géométrie, la Phyfique , la Méta- phyrique, & je fais qu'il y va aufli loin qu'il foit pollible; mais je ne le connois pas tant fur les Ouvrages d'agrément, parce qu'ils demandent la connoiflance de la Langue dans laquelle ils font écrits. Sans doute la Pfyché delà Fontaine devenue Angloife , aura confervé tou- tes fes grâces, & en aura peut-être mê- me acquis de nouvelles; mais malheu* €o Lettres reufement elles feront perdue? pouf ITjOi. Je fais gloire d'être un peu Anglois, puifque la Société Pvoyale de Londres a bien voulu me recevoir dans fon illuf- tre Corps; mais je n*en fuis queplus af- fligé de la guerre qui eft entre les deux Nations. Que ne font-elles aufïi raifon- nabîes que nos Académies ! Mais c'eft ce fouhait-là lui même qui n^eft pas rai-* fonnable. La Nature humaine ne conî- porte pas qu'il ait j ^mais lieu. Mais je fcr.s que je me laifîe trop aller au plaifir de vous entretenir; voici une Lettre d'une longueur infupportabîe. T, 1^ c-r, i.....r... ^ ^„ „ „flr:. •ÎC lA IIIIÎS L>» UlVjilCIJICIJÎ. j Cil wua Kliii- rant que je fuis avec tout le refped: & toute la reconnoilFance polîibîe, &:c. ECLAIRCISSEMENT pour la Lettje juivante , tiré d'une Lettre de M. Vernec à r Akbêl^ivhïtt^ du l8 février » Je propofai un jour à M de Fonte- » ncllc une penfée que j'avcis fur la pre- DE M. DE Fonte N EL LE, 6r 3î miere Eglogue de Virgile : Pofîq-iam » nos Amarillis hahet^ &c. Il mefembloit f> que ce n'ctoit-là qu'une façon de da- 33 ter ou de marquer les temps, conve- ?> nable à un Berger. Une mère rapporte M les événemens au temps de Tes diver- » fcs groilslTes; ua foldat au temps où. » il fervoit fous tel ou tel Oiïicier; un » Berger date par (es amours. Je déve- 9> lopperois mieux cette penfée que je » n'ai vu nulle part, fi vous le jugiez » nécefiaire pour mieux entendre la ré- p> ponfe de M. de FonuncUc y qui parut la » goûter ». LETTRE XIX. J M. Ferme T, Profiteur à Genève» Paris , if Juillet 1744. J'Apprends avec un extrême plaifir, Monfieur , que vous vous fouvenez encore de moi , &: que vous y prenez quelque intérêt. J'oferois croire que je l'ai un peu mérité , par le goût que vous m'avez vu pour vous dès vo- tre première jeuneiïe 5 & par les efpé^ 62 Lettres rances que j'avois conçues de vos pro- grès, & que vous avez fi bien remplies. Je me fuis toujours informé de vous à tous ceux qui venoient de Genève , & J'en ai toujours appris les nouvelles que je fouhaitois. Pour ce qui me regarde , le fond de ce que vous a dit M. Saladïn eft vrai. Je fuis beaucoup mieux qu'il ne m'appar- tiendroit , vu mon grand âge , & il me fait grâce de plufieurs infirmités dont il feroit en droit de me charger. Je n'en ai que d'aflez le'geres , dont je lui fuis bien obligé. Il efi: vrai que j'ai écrit un peu fuc- cintement à M. BouUkr (g). Je n'adopte pas tout-à-fait la rai(on que vous lui en avez donnée , elle eft trop flat- teufe pour moi ; il y a pourtantquelque chofe de cela. Naturellement je n'aime pas à verbiager, fur-tout avec un hom- me d'autant d'efprit que M. BouUier ^ & qui certainement entend à demi mot. Il iuffit qu'une idée fimplelui foit préfen- tée; il faura bien en développer l'éten- {g) Auteur tle divers Ouvrages efîimés , entre autres de YEJfji philofaphiquëfur l'amc des bêtcs\ dédié à M. de Fontcncllc , comme on l'a vu ci- devant. I>E M. DE FONTENELLE. 65 due, en fuivre, pour ainfi dire , toutes les ramifications. Il me femble que le Traité de la cerii- tude morale (h) dQwvoit être un peu plus approfondi , pour pouvoir porter bien sûrement jufques fur les cas les plus ex- traordinaires. Du refte, le Livre eft ex- cellent, & il y paroit bien par le fuc- cès. Je me tiens infiniment honoré de ce- que mon nom efl: à la tête , &: je ne puis en marquer aflez de reconnoiflance à l'Auteur. Votre penfée fur ce vers de la pre- mière Eglogue de Flrgilc (i), eft tout- à-fait jolie ; elle vaut elle feule une Eglogue. Cette ciironologie des Bergers qui compteroient parleurs amours, eft charmante ; & je m'en ferois bien aidé autrefois, fi vous me l'euflîez apprife ; mais je crois que vous n'étiez pas en- core au monde. Je me fuis fouvenu que le P. de la Rue , Jéfuite, a dit dans fon Virgile^ adufiim Delphini, qu'il n'y avoit point là d'allégorie, quoi qu'en puifTent dire pluûeurs Commentateurs; mais il (h) Ce Traité fait partie de VEjJai fur l'jms dii bêtes , comme je l'ai déjà dit. u) Pojiqiuim nos AmarilUs habct , GaLuca rcliqidi ^ ^c. ^4 Lettres ifa pas é'é Jufqu'à la chronologie paf- torale , que je regarde comme un très- agréable préfent que vous m'avez fait. Je fens que vous m'en feriez bien en- core d'autres, fi vous vouliez; mais je n'ofevous en preOer. I! doit me fuffire que vous vous fouveniez toujours un peu que je fuis depuis long -temps avec reiped , &c. Autre Ec lairc i ssem ent pour /a Lettre fuivantd ^ tiré de la même Lettre de M. Vernec à M. VAbbé Trublec. y> Je lui avois propofé une antre >3 penfce flue vous verrez qu'il n'ap- 33 prouve Das , & que je crois pourtant 3> plus sûre. C'efi: fur l'Epitre 2, Liv. i 3j d^ Horace : Trojani bdUfcr'iptonm , ,&c. 3ï Mon idée ell que !e Poëte voulant 33 montrer qu'un Ecrivain comme Ho- 9> merc , enfsigne la morale par une meil- sjleure méthode que ne font les Stoï- t> ciens , comme il le déclare dès l'en- ■sitrée^i! le prouve en rapportant d'a- p3 bord quel(^ues fables auili inftrudi- » ves DE M. DE FONTENELLE. 6$. » vcs qu'ingénieufes du Pocte Grec ; & >- puis Vers 32, en rapportant au lîî, ou y- copiant des Sentences roides, fcches » 6c dures qui étoient propres aux Stoï- » ciens , & nullement du ftyle (ÏHora- » ce , laiflànt au Lefteur à en faire la 30 comparaifon, pour conclure ce qu'il 30 avoit dit d'entrée, & qu'il ne croit 30 pas néceffaire de répéter ; comme s'il » eût dit ces mots qui me paroiPient 53 fous-entendus aprèt le Vers 3 i : roilâ » comment Homère injîruit ^ & voici coin- » ment s'y prennent lis Crantors & Us » Chrijipes. Je voudrois bien , Mon- 35 (îeur favoir votre fentiment fur » cette idée, qui m'eft propre, & qui » me fembie être la vraie clef de cette >> Epitre ». LETTRE XX. A U M Ê M E. Paris, 10 Septenibre 1744.' JE commence, Monfieur, par le plus prefié des deux articles de votre Let- tre. Voici une Lifte de tous les Ouvra- Tome XI» E 66 Lettres ges de Mackime la Marquife de Lambert, Elle craignoit fort l'impreffion; & com- ineil couroit beaucoup d'écrits ious fon nom, vrais ou faux, dont quelques-uns auroient pu faire des effets défagréa- bles, elle s'avifa de demander un Privi- lège pour tous les Ouvrages qu'elle vou- droit bien avouer , en cas qu'ils pa- ruflent ; non qu'elle eût delfein de les publier elle-même , mais afin de pou- voir défavouer hautement, & avec un bon titre à la main, ceux qui ne feroient pas contenus dans l'expofé de (on Pri- vilège. C'eli la Lifle de cet expofé que je vous envoyé pour M. Bou/cjuct {k)^' copiée par moi-même fur le Privilège en parchemin , que M. le Marquis de Lambert fon fils , Lieutenant Général des Armées du Roi , m'a communi- qué. Il y a plufieurs Ouvrages dans cette Lifte que j'avouerai à ma honte qu'elle ne m'a jamais montrés, & dont je n'ai jamais entendu parler : mais enfin ils font d'elle , puifqu'ils font dans la Lifle; & en cas qu'on les trouve &: qu'on les imprime , M. le Marquis de Lambert ijt) Libraire de Genève, DE ]\î. DE FONTENELLE. 67 n'aura pas lieu de fe plaindre, pourvu cependant que le ftyle foit le même que celui des Ouvrages inconteftables; car autrement on mettroit ce qu'on vou- droit fous les titres que je vous an- nonce. Les Ouvrages que je connois dans la Lifte , font ceux n°* i, 3, 4,6, iz. Je connois bien quelqu'autre Ouvra- ge qui n'eftpas fur la Lifte, & qui ne laifle pas d'être de Madame de Lambin ; mais apparemment elle ne vouloir pas qu'il pût être imprimé. Si vous voulez fa vie , il y en a une efpece fous le titre àiEloge , dans le Mercure de France, de l'année de fa mort , qui eft 17^1 ou 5. Cela étoit de quel- qu'un alfez^bien in{lruit(/). Quant à la féconde Epitre d'ff<^- rû(:e, Monfieur , je trouve votre idée fine &: ingénieufe. Elle doit être adop- tée fans difficulté par tous ceux qui croyent les anciens impeccables. Pour moi , qui ne fuis pas fur cet article iî religieux ni (i orthodoxe , je crois ce {1} De M. de Fontenclli même. îl ell ciir.s fes Œuvres , Tome IX. F ij '^8 Lettres général que toutes les fautes où tom- bent nos meilleurs Ecrivains modernes, les plus admirables anciens ont pu y tomber aufli. Ainfi deux parties mal liées de l'Ouvrage d'un grand Auteur Grec ou Latin , ne me lurprendrpient pas beaucoup; j'y fuis accoutumé par nos plus exceliens François , & encore plus parles plus exceliens de quelques autres Nations. D'ailleurs Horace en fon particulier eft aflez fujet aux écarts. De plus, s'il avcit voulu oppoler la belle morale à^Homere à la morale féche & pédantefque des Stoïciens, il aurcit bien fait d'en dire un petit mot d'avis à fon Ledeur; du moins je crois que le moindre moderne eût eu cette cha- rité. Enfin, prefque tout ce qu'il rap- porte ^Homire ^ conclut feulement que ce monde-ci eft une Pctaud'urcx\à^\Qv\ç. , où il n'y a ni rime, ni raifon , ce qui n'eft pas une grande leçon de morale ; au lieu que certains traits qu'il rapporte des Stoïciens , font aflurément très- beaux & très-inftructifs : ce qui feroit bien contraire au deflein de donner la préférence à Homère. J'oubliois de vous dire que je ne DE M. DE FoKTEN£LLE. 6r> connois en aucunefaçon LaFtmme Her- îiiite (m). Le papier qui me manque, m'aver- tit de vous aflui'cr bien précipitam- ment que je fuis avec beaucoup de refpecl: & de reconnoiuance de toutes vos honnêtetés , &:c. (n:J On la trouve pourtant dans les Œuvres ie Madame de Laméerr. » L I S T E De tous les Ouvrages que feu Ma- dame la Marquija de Lambert reconnoijjoit pour être d'elle, I. Traité de i'Amitié. 1. Dialogue fur régalité des biens & des maux, ^.Portrait deM. deM. 4. Deux Lettres fur Homère au P. Buffier , Jéfuite. y. Lettre fur la mort de M. îe Duc de Bourgogne. 6. Confeils pour l'éducation d'une jeune Demoifeile. 7. Difcours à l'Académie Françoife, 70 Lettres 8. La naiffance de la Coquetterie. 9. Fable de Pfychc» - 10. Suite du Roman de 11. Tableau de Philoflrate, 12. Diflertation fur fAmour. LETTRE XXI. J U MÊME (n). SUR LE TUTOYEMENT. Paris , 16 Juillet 1750. I. T7 N parlant à une faconde per- Jfrj fonne , il n'y a rien de plus (im- pie &: de plus naturel que de parler par Toi. Audi efl:-ce là Tufage conftant des Langues anciennes connues. Je ne fais cependant fi en Latin , oià l'on ne dit jamais vos pour tu , je n'ai pas vu quel- quefois vejler pour tuus. 2. Dans les Langues modernes , on eft venu par un raffinement de politefle , à dire vous pour toi. On a voulu faire (n) Voyez la première des deux notes ajoutées à la Lettre xxii. DE M. DE FONTENELLE. 7I entendre qu'on hocoroit une (eule per- fonne autant que fi elle en étoit plu- lieurs. 3. Selon cette idée, dans tout ce que nos Rois difent au Public en leur nom , ils dilent nous au lieu dey^. Un Roi eft plufieurs hommes. 4.. Il fuit de l'art. 2. qu'en François toi au lieu de vous , eft une exprellîon de mépris : & cela eft vrai en foi, fi quelques idées acceflbires ne le mo- difient. Il devient exprelîîon de fami- liarité obligeante & honorable , fi un Roi parle à fon Sujet; d'amitié , \\ c'eft un Ami à fon Ami j de tendrefle , fi c'eft un Amant aimé. Ce qui domi- ne dans tout cela, eft toujours , yV ne vous prends point pour plujieurs , pour d^ autres. y. Je ne fais s'il y auroit quelque fineffe de cette nature dans le Duel des Grecs, diftingué du Pluriel. Les Grecs en pourroient bien être foupçon- nés j vu la fertilité de leur efprit, leur Paulo-pojljutur, leur Médium ^ &c. 6. Souvent les Poètes François tu- toyent les Rois de les Grands. On pour- roit peut-être expliquer cela par l'ar- ticle ^. Mais ce qui prouveroit bien 72 Lettres vite rinfuffirance de l'explication, c'eft que cet ufage n'a jamais lieu en Pro- fe, en quelque occafion que ce puifTe être. Il y a donc là quelque chofe qui tient uniquement à ce qu'on parle en vers ; & en effet c'eft que le ftyle en eft plus noble , parce qu'il eft plus hardi , plus conforme au Grec &c au Latin , Langues toujours fi ré- vérées. En veut-on une preuve dé- monflrative ? Il n'y a abfolument au- cune occaGon où la Profe osât prendre la même liberté- 7. Dans l'Ecriture Sainte , Dieu parle aux hommes , les hommes à Dieu , les hommes entr'eox. Il s'agit de favoir comment les Traduftions Françoifes en doivent ufer par rapport au fujet que nous traitons. Dieu , en parlant de lui , ne dira ja- mais/zo/^i au lieu deyc , félon l'article 3. Il eft trop eflentiellement un feul. C'eft làfafupréme élévation (0). 8. A la rigueur, l'homme parlant à Dieu, ne devroit, par la même raifon , dire que toi ; mais cette raifon eft trop (o) M. tic Fomendlc avoit fans doute oublié le pafTage de la Cenèjc : Faifons t homme à notre image & rejfemb lance. théologiquCj DE M. DE Fonte N EL LE. 75 théologlque , peu populaire , & le ref- pe<5î: commun nous a trop accoutumés â entendre l'homme parler à Dieu par vous. 5>. Cependant nous ne ferons nulle- ment blefles d'entendre l'homme parler à Dieu par toi. Nous prendrons alors l'idée de l'art. 6. 10. Ainfi un Tradu<5leur François de îa Bible peut prendre deux partis en faifant parler les hommes à Dieu , ce fera ou par toi y ou par vous. Chacun aura fon fondement. 1 1 . Mais comme dans cette Langue les hommes fe parlent com.munément par nous ^ le premier de ces deux par- tis pourra caufer dans tout l'ouvrage une bigarure défagréable ; le fécond n'en caufe aucune. 12. Le remède à cette bigarure du premier, feroit de faire parler les hom- mes entr'eux par toi; & cela fe juftifie- roit par l'art. 8. Jai entendu dire , il y a long-temps, à un Savant fort curieux de Livres, qu'il y en a un d'un Auteur Allemand, inti- tulé : D& Tibîfundo , & Fobifando. Vous voyez bien, Monfieur, par le long verbiage de cette réponfe , que je Tome XI, G 74 L E T T Px E s ne fuis pas un oracle, mais un Ncjîâr bien bavard. Il efl vrai que je puis avoir été emporté par la joie d'être encore connu de vous, après un (î long temps: mais il efl: vrai aufli que àhs qu'il s'agit de raifonner fur quelque matière , j'ai- me à la dilTéquer un peu géométrique- ment 3 en y comprenant mcme celles qui Tavoifinent ; fans quoi j ai remarqué qu'on eft fort fu jet à fe tromper , ou à ne voir le vrai qu'imparfaitement. Il eft bon de regarder un peu autour de loi de tous côtes. Aï. Serre qui efl: de votre Ville, & qui revient de Vienne, où il a peint en mi- niature l'Empereur & toute la Famille Impériale , eft ici, & a voulu me pein- dre aulïi , moi qui ne fuis que le rien que vous favez II m'a peint, non pas pour moi, mais pour lui, ce qui a bien cha- touillé ma vanité. Vous jugez bien que je n'ai pas manqué de me vanter à lui fur ce que j'étois une de vos plus ancien- nes connoiifances. Je vous fuppîie, Monfieur, de me permettre d'aflurer ici de mes refpeéts MM. Abaufit (p) 8)C Cramer (q). Le der- (p ) Parteur à Genève. (•jl) ProfefTeur à Genève, DE M. DE FONTENELLE. 75* nier ne fe fouvient peut-être plus d'un plai(îr qu'il m'a fait ; mais moi je m'en (ou viens, & en profiterai dans l'occa- fion. Je fuis avec rcfpeâ: , Sec. LETTRE XXII. A U M Ê M £. Paris , 7 Novembre 17^0. VO U S flattez bien mon amour pro- pre, Monfieur, de vouloir que je décide dans votre queftion du Tutoye- ment. Je n'étois guère capable que de r;aflembler , comme j'ai fait, les diffé- rentes idées néceflaires à la décifion , &: de vous les mettre fous les yeux, en fuppofant que votre choix ed: entiére- rrent libre : mais s'il ne l'efl: pas tout- à fait , & fi , en pa'lant à Dieu , vous voulez avoir égard à un ufage déjà établi, & qui certainement a fes rai- fons , je fuis d'avis qu'on le fuive, & que le tutoyement foit abfolument général. Il eft anobli par notre Pocfie Françoife j il a un air oriental , & la Gij 7<5 Lettres bîgarure auroit mauvaife grâce ; de plus 5 je foupçonne qu'elle feroit fou- vent embarrafl'ante dans la pratique, par fon incertitude, & par la diverfiré des cas (/-). J'ai lu avec plaifir l'Oraifon inaugu- rale de M. Cramer. Il fe fait une grande réputation dans le monde , non feule- ment par fes Ouvrages, mais, ce que j'eftime bien autant, par fes qualités perfonnelles. Joignez à cela Meilleurs Ahaiijît , Jallabeit , & quelques autres Genevois extravafés , comme notre ai- mable M. Saladin , les deux excellens Peintres qui font ici (i), ^i. aiTurémcnt d'autres encore que je ne connois pas ; & il fe trouvera que le petit Etat de Gineve, figure très-agrcablement dans XF^iirope, Je fuis de ce petit Etat-là, & de vous en particulier, Monfîeur, &c. (r) Voyez le petit Livre intitulé: » Lettres fur » la coutume moderne d'employer le F'ous au » lieu du Tti; Se fur la quefiion : Doit-on bannie » le tutoyement de nos vei dons , particulièrement )) de celles de la Bible? ( Par M. A'ér/za. ) A la V Haj/c , chez DanLL Aillaud , 1 7 J i «. [s) M. Serre , qui vient d'être nommé , & M. I.iourt, Celui-ci avoit peint auffi M. de Foa-» DE M. DE FONTENSLLE. 77 LETTRE XXilL De M. DE Montesquieu à Aï. Fer^ NE Tjfur h mêmcfujct du Tutoyement (t) . x6 Juin 1750, SI je ne fuis point trop préfomp- tueux, Monfieur , pour répondre à une quedion qui ncd que très-inci- demment de mon reflbrt, je vous dirai que je fuis très-fortement de votre avis, & qu'il ne faut point, dans une tradudion de la Bible, employer le terme de vous au iingulier. Vos raifons me paroifTent extrêmement folides. Je penfe qu'une verlion de l'Ecriture n'efi; point une affaire de mode, ni même une affaire d'urbanité. 2. Il me femble que l'Efprit de la Religion Proteftantc a toujours été de ramener les traductions de l'Ecriture à l'Original. Il ne faut donc point , en traduifant, faire attention aux délica- (r) On la trouve parmi celles de M. l^crncty fur la coutume modcrn& d'employer le Kous au liïu ùi! Tu ^ &c. par;. 157. G iij 7? Lettres îefies modernes. Ces délicatefles mê- mes ne font point tant des délicatefTes , puifqu'elles nous viennent de la bar- barie. 3. Le ftyle de l'Ecriture eft plus or- dinairement poétique , & nous avons très-fouvent gardé le Toi pourlaPoc- éie : Grand Roi , ceiTe de vaincre , ou je cefTe d'écrire ; Ce qui eft bien autrement noble , que £1 Dcfprêaux avoit dit : Grand Roi, cefTez de vaincre. ^. Dans votre Religion Proteftante,' quoique vous ayez voulu lire votre Bible en langue vulgaire, vous avez eu pourtant 1 idée d'en conferver le ca- jadere original, âr vous vous êtes éloi- gnés des façons de parler vulgaires. Une preuve de cela , c'eft que vous avez tra- duit la Pociie parlaPoclie. 5". Notre Vous étant un défaut des Langues modernes , il ne faut point choquer la nature en général, & l'ef- prit de l'ouvrage en particulier, pour luivre ce défaut. Je crois que ces re- marques auroient lieu dans quelque Livre facré de quelque Religion quel- DE M. DE FONTENELLE. 79 conque, comme VAlcoran , les Livres religieux des Guebres , &c. Comme la nature de ces Livres efi: de devoir être refpedés , il (era toujours bon de leur faire garder leur caradere origi- nal, ôc de ne leur donner jamais des tours d'cxprenions populaires. L'exem- ple de nos Tradudeurs, qui ont aliedé le beau langage, ne doit pas plus être iiiivi que celui du Prédicateur du Spec- tateur Anglois,qui difoit que, s'il ne craignoit pas de manquer à la politelFe & aux égards qu'il devoit avoir pour Tes Auditeurs, il prendroit la liberté de leur dire que leurs dcportemens les méneroient tout droit en enfer. Ainfi je crois , Monlieur , que fi l'on vent faire à Gcmvc une tradudion de l'Ecriture, qui foit mâle & forte, il faut s'éloigner, autant qu'on pourra , des nouvelles af- fedations. Elles déplurent même parmi nous dès le commencement ; & l'oa fait com.bien le Père BouhourS fe rendit là-deflus ridicule, lorfqu'il voulut tra- duire le Nouveau Teftament. Confer- vez-y l'air & l'habit antique; peignez comme Michel- Ange peignoit ; & quand vous defcendrez aux chofes moins grandes , peignez comme Raphaël a G iv 8o Lettres peint dans les Loges du Vatican les héros de l'ancien Teftament, avec fa ti m p licite & fa pureté. J'ai l'honneur d'être , &c. LETTRE XXIV. A L^ACADÉMI E DE RoUEN (u), Paris, premier Novembre 1744^ ESSIEU RS, Je puis me vanter de vous apparte^- riir par plufieurs endroits. Je fuis né dans votre Ville ; j'y ai reçu toute l'é- ducation que j'ai jamais eue; je tiens ( u ) M. de FontencUc etoit de îa Société 'i^cadémique de Rouen dès_ 1741 ; m;ùs cette Compagnie n'avant été établie, par Lettres pa- tentes , qu^en '744, elle ne commença qu'en cette année à faire imprimer le Catalogue de fes Membre^. M. de FontcnclU étoit à la tète de fes Aiïbciés, & elle lui envoya certc Lilte. Cette forme authentique cccafîonnà cette nou- \'ï:!!e Lettre de rcincrcîmcnt. Celle de 1741 a été égarée. Catc note cfi de Jll. le Cat , ijui nous a coir.miiniqud une coj:iç de U Lettre de Jf/. de Fonteneile. DE M. DE FONTENELLE. 8l de fort près , par le bonheur de ma naiflance, au nom le plus illuftre (-v), dont cette Ville & toute la Norman- die , de même toute la France puiffe fe parer, quand il s'agira de la gloire de l'efprit : voilà vos droits fur moi. Je vous rends de très - humbles grâces , MefTieurs , de ce que vous avez bien voulu vous en fervir ; car vous étiez aflez riches pour les pouvoir négliger. De tous les titres de ce monde , je n'en ai jamais eu que d'une efpece , des titres d'Académicien , & ils n'ont été pro- fanés par aucun mélange d'autres plus mondains & plus faQueux ; & je puis alHirer qu'ils m'en font d'autant plus chers. Le dernier de tous , que je tiens de votre bonté , Mefîleurs , & après )equeî je n'en prévois ci n'en deiira plus , fembie me dire d'une manière très - fiatteufe 5 que mes compatriotes eux-méiTte?, ceux dont je dois être le mieux connu , ratinent ce que d'autres avoient fait en ma faveur. Je m'ima- g'iue auflî qu'après des voyages en pays étrangers , je viens terminer dans le (x) Le nom de Corneille. I\l. de Vontcr.clU étoit neveu de MM. Corneille par Ci mçre leur fœur. S2 Lettres fein de ma patrie une longue carrière toute académique. Je fuis avec tout le refped & toute la reconnoiffance pof- iîbles , Messieurs, Votre, &c. LETTRE XXV. De Al. LE C AT , Secrétaire perpétuel de C AcadcTij'u des Sciences de Rouen , à M. DE FONTENELLE^ cn lui en- voyant l\Eloge du Père Marcaflel , Ajjocié de la même Académie, Rouen , 15 Août 17 5 4. Aj-Onsieur, Vous êtes le Doyen , le Père & le Modèle de tous les Secrétaires d'Aca- démies des Sciences. Vous tenez encore de plus près à celui de l'Académie de Rouen , & vous avez toujours eu bien des bontés pour moi. Voilà les titras , Monfîeur , qui m'autorifent à prendre DE M. DE F ONT EN ELLE. 8^ la liberté de vous adrefler mon coup d'effai dans les fondions de Secrétaire , dont notre Académie m'a honoré de- puis deux ans. Je me tiendrois heu- reux , fi vous ne m'en jugiez pas tout- à- fait indigne , & fi je pouvois efpérer que vous daignerez m'accorder votre jugement & vos confeils fur cette pie- ce. Avec leur lecours , peut-être que mon zcle Ôc ma docilité pourroient lup- piéer aux talens retufés par la nature. J'ai l'honneur d'être avec autant de refpeél que d'admiration , Monsieur, Votre, Sec, LETTRE XXVI. Rcponfe de M. DE FONTENELLE, Paris , 30 Aoiîc i754. VOus m'avez fait beaucoup d'hon- neur , Monheur, de m'envoyer l'Eloge que vous avez prononcé dans TAcadémie de Rouen , parce que j'ai §4 Lettres long-temps exercé ici ce même métîer- là. Autant que ma longue expe'rience peut m*en avoir appris , cet Eloge me paroît d'un bon ftyîe, plein de raifon , îans écarts inutiles, fe foutenant tou- jours également. Au refle , vous brillez dans d'autres fonétions infiniment plus confidérables, & vous y avez un mérite fort fupérieur. Je fuis , &c. «»3aSSaiiri8J. t^-m.l.J.tAJ.aH.J^JigAMaWUWAi Mi-ti^ .,^ LETTRE" XXVII. j^feu Madame la Margrave DE Bareith y Saur du Roi de Prujfe^ Paris, premier Avril 1747. ADAME, Je ne me ferois jamais attendu, à être au nombre d?s îîliidres dont Votre Al- tefle Royale raHerabie les ligures dans fcs jardins ; mes defirs les plus ambi- tieux n'auroient jamais ofé aller jufques- là. Je fuis cependant moins fenfibîe à l'honneur de me trouver en fi bonne compagnie, qu'à celui d'y être intro-" DE M. DE FONTENELLE. 85* duit de votre main. Je fais par la voix de l'Europe , quelle ei\ la Princeffe à qui je dois une G précieufe faveur. Vo- tre augufi-e nailTance, vos taîens, votre goût , vos lumières , dont vous ne tirez aucune vanité, tout cela tourne au pro- fit de la mienne. Je fuis, &c. LETTRE XXVIII. Réponfc de Madame la Margrav& D E Bj r e I t h. Barcith , 4 Mai 1747. Es perfonnes qui pofl'edent autant de mérite que vous, Mondeur, ne doivent point être furprifes quand on defire d'avoir leur portrait. C'efl: une efpece d'iiommage qu'on rend à ces gé- nies rares & univerfels, que la Nature n'enfante qu'avec peine , & qui , comme vous, ont la faculté d'unir le bon goût & la vivacité d'efprit au folide favoir. Quoique je n'aye pas la fatisfavflion de vous connoître perfonnellement , je fuis depuis très -long -temps zélée admira- S(5 Lettres trice de vos Ouvrages. Puifîîez -vous, Moniieur, les continuer encore, & de- venir aufii fameux par le nombre de vos années , que vous l'êtes de'ja par vos talens iupérieurs ! J'y prendrai en mon particulier une part infinie , ne fouha:tant que de trouver les occafions de vous convaincre de ma parfaite eftime. WiLHELMINE, LETTRE XXIX. A M- FORMEY , en réponfc à cdlc par laquelle ilavcit notifié à M. DE FoNTE- NELLE fon ajfociation à CAcadhn'udi Prufle. Paris, Il Janvier 1750. LA Lettre dont vous m'avez honoré, Monfieur , eft pour moi une cir- conftance bien glorieu(e & bien agréa- ble de la grâce que votre Académie m'a faite. Il y a long-temps que je con- rois votre nom illuQre dans la Littéra- ture , la grande étendue & la grande variété de vos connoiffances, & enfin. DE M. DE FONTENELLE. S7 ce qui dit tout, le choix qu'un îloi , grand connoifTeur en tout genre, & qui eft en grande vénération à toute l'Eu- rope , a fait de vous , pour être uiî Adeur principal dans une Académie dont il eft le père , & un père très-ten- dre. Il eft vrai que cette Lettre, qui me touche tant , ell: beaucoup trop obli- geante & trop flatteilfe; ma vanité mê- me ne peut s'empêcher d'en convenir. Il faut en rabattre, & j'en rabats en effet; bien perfuadé cependant que je n'en ra- bats pas aflez. Il y a au contraire un article que je voudrois groflir en ma faveur ; c'eft celui oii vous me faites Cen- tir de l'eftime pour les gens de Lettres qui auroient des mœurs. J'avoue que je ferois très-flatté de n'être pas tout- à-fait indigne de la vôtre par cet endroit- là: mais comme vous auriez raifon de la tenir à un haut prix, je ferois peut-être trop téméraire d'y afpirer. Du moins (erai - je toujours avec beaucoup de re- connoiflance & de refpeâ; , Monsieur, Votre très-humble, &c; iî8 Lettres Extrait des Mémoires de Ma- dame DE Staal, Tome I, page 246" j pour fervlr cT éclaire Ijj'e- ment aux deux Lettjes Jul'-_ rantes» 30 Une aventure à laquelle Je ne de- » vois prendre aucun intérêt , me lit » fortir inopinément de la profonde 30 obrcurité dans laquelle je vivois. Une 33 jeune fille , nommée Mademoifelle v>Tetar, excita la curiofité du Public 30 par un prétendu prodige qui Te paf- 30 foit chez elle. Tout le monde y alla. 30 M. de FontenelU , engagé par M. le 33 Duc (^Orléans , fut auffi voir la mer- X veille. On prétendit qu'il n'y avoit X pas porté des yeux allez philofophi- T> ques : on en murmura , & Madame la 3> Duchefle du Maine , qui ne s'avifoit » guère de m'adrefler la parole , me 30 dit : J^ous devrie:^ bien mander à M. de ao Fontenelle tout ce qu'on dit contre lui lyfar Aïademolfel/eTetcir.Je lui écrivis en 33 effet, (ans fonger à autre choie qu'à 3» m'attirer une réponfe qui pût fervir ï> à fon apologie, Il fs trouva le même » jour A M. DE Font EN EL LE. 89 r> jour chez le Marquis a'e Laffay, où les » gens qui, y étoient lui firent pludetirs » plaifanteries fur ce fujet. Ne les trou- >f vant pas bonnes , il leur dit : En voici » d& màlltuns ; (k il leur montra ma » Lettre, iîlle re'iiiîit. Cctoit l'afl^aire du »jour : on en prit des copies, & elle » courut tout Pans. Je ne m'en doutois » pas ; & je fus fort étonnée que!c]jjes » jours après , qu'étant venu beaucoup » de monde à Sceaux pour voir jouer 7> une Comédie , chacun parla à Ma- >> dame la DuchefTe du Maine de cette » Lettre. Elle ne fe fouvenoit plus de » ce qu'elle m'avoit dit , & ne favoit » de quoi il étoit quefHon. Elle me de- » manda fi c'étoit moi qui l'avois écri- » te ; je lui dis que oui. Aulli-tôt qu'elle » m'eut parlé , tout ce qui compofoit » la compagnie vint à moi ; & pour » lui faire fa cour, m'accabla de îouan- » ges : puis retournant à elle , on la fé- >> licitoit d'avoir quelqu'un dont elle >> pcuvoit faire un ufage fi agréable. >> Juiques-là pourtant elle n'y avoit pas » fongé. Elle voulut voir la Lettre , & >> me la demanda. Je n'en avois pas de » copie ; mais tous ceux qui étoient » chez elij Tavoient dans leur poche, Tonu Xh H po Lettres »ElIe la lut , l'approuva , & connut » qu'elle pouvoit me mettre en ceuvrs » plus qu'elle ne faifoit. Je voulus , >> comme les autres, avoir ma Lettre, » & par l'événement j'en fis cas. On y » voit que c'eft moins l'importance des » chofes qui en fait le mérite, que ïâ » propos. La voilà ». LETTPvE XXX. Z>e Madcmoifellc DE LaUNAY ^ depuis Madame DeStAAL , à M. DE FoNTE- iiELLE, En 1713. L'Aventure de Mademoifelle Tctar fait moins de bruit , Monfieur , que le témoignage que vous en avez ren- du. La diverfité des jugemens qu'on en porte, m'oblige à vous en parler. On s'étonne , & peut - être avec quelque raifon, que le Deftruéleur des Oracles, que celui qui a renverfé le trépié des Sibylles , fe^ foit mis à genoux devant le lit de Mademoifelle Tctar. On a beau «lire que les charmes . & non le charme de la Demoifelle , l'y ont engagé j ni A M. DE F ONT EN EL LE. çt l'un ni l'autre ne valent rien pour un Philofophe. Aulli chacun en caufe. Quoi ! difent les Critiques, cet homme qui a mis dans un h beau jour des fii- percheries faites à mille lieues loin, 8c plus de deux mille ans avant lui, n'a pu découvrir une rufe tramée fous Tes yeux ? Les Partifans de l'antiquité, ani- més d'un vieux reffentiment , viennent à la charge. Vous verrez, difent - ils, qu'il veut encore mettre les prodiges nouveaux au-defllis des ancien?. Enfin les plus raffinés prétendent qu'en bon Pyrrhonien , trouvant tout incertain, vous croyez tout poffible. D'un autre côté, les Dévots paroilTent fort édifiés des hommages que vous avez rendus au Diable. Ils efperent que cela pourra aller plus loin. Les femmes auiii vous favent bon gré du peu de défiance que vous avez montré contre les artifices du fexe. Pour moi , Moiilieur , je fuf- pens mon jugement jufqu'à ce que je fois mieux éclaircie. Je remarque feule- ment que l'attention finguliere que l'on donne à vos moindres actions, ell: une preuve inconteftable de Teiliim.e que le Public a pour vous ; & je trouve même dans fa cenfure quelque chofe d'adez Hij ^ Lettres flatteur, pour ne pas craindre que ce l'ôit une indifcrétion de vous en rendre compte. Si vous voulez payer ma con- fiance de la vôtre , je vous promets d'en faire un bon ufage. J'ai Thonneuc d'être, &c. ^J'avoue, pouruiit Madame de Staal, 3j que je fentis une fatisfadiion fort dou- D ce , de recueillir , d'une chofe faite 30 fans defiein , & qui ne m'avoit rien » coûté, ce que par un véritable travail »je n'aurois peut-être jamais acquis; » car je n'eus pas feulement le premier » applaudiffement : la curiofité qu'on 3> eut de me connoître , me procura T> des fociétés & àQS amis de diftiuc- » tion , &c, ». DE M. DE Fc NTENELLE. pj SF en raiion coinporée des forces Se des infcans , c'eftà-dire , que dvz=fd[ ;à^o\x il fuit de nécefiité que \q corps acquiert d'autant moins de l'acluoilté des for- ces , que Ion mouvement fe trouve déjà plus accéléré , ou qu'il eil plus proche de fon terme. Les déniorUrra- lions qu'on tire de la compofîtion des mouvemens , font fîngulieres ; il ne fe dit rien là fur les forces , qui ne -con- vienne parfairemcnt aux vltefies fig, 8. Il fuit donc que les vîteiTes font com- me des carrés des vîtefles. Il efl: d'ail- leurs fort remarquable que, pour faire plier les quatre reffbrts p^r deux de- grés de vitefle , il lui taille changer ahfolument ces deux degrés en quatre. La phydque des. ballons me parou fort peu développée aulli; & il y auroit des remarqries à taire (ur ce qu'on fait ve- nir le principe de la réaction du reflorc C com.m.c s'il n'y avoit pas de la réac- tion dans les ré/iftances paflives ), cc fur plu (leurs autres chets. J'ai de fim- patience de voir ce que M. di Mairan. aura dit dans le tome qui s'imprime de vos rviémoircs. Je me iais acquitte de la commiilîon à l'égard de l\\, Gottfchid. Il efl: foii Kij iï6 Lettres glorieux de favoir que fes traduAions n*ont pas de'plu à des perfonnes intel- ligentes à qui vous les avez données à lire 5 quoiqu'il tombe d'accord qu'il eft bien difficile de donner à ces fortes de traductions autant de perfedion qu'il leur faudroit pour ne pas tomber trop au-deflbus des originaux; car, pour les égaler, il n'y faut pas penfer. Cela dé- pend d'un fecret qu'on trouvera avec la quadrature du cercle. J'ai l'honneur d'être, &c. LETTRE XLIII. De M. l' Abbé DE LA PlLLON^IERE (m}^ Londres, 30 Juin 1730-^ IVloNSIEUR, Voici la première occaHon qui s'eft préfentce de vous témoigner la recon- noifl'ance que je conferve pour les bon- (ot' Cette Lettre ç[i d'un homme fi connu pir fcs écarts , qne j'ai crn ponvoir la publier (ans aucun danger pour les Ledeurs. A M. DE FONTENELLE. 117 tés dont je vous ai déjà remercié. Le porteur e(ï un Libraire de cette Ville , qui va ( comme il vous le dira lui-mê- me ) publier iucefiamment une expli- cation très - abre'géc , & pourtant très- complette, des principes de Aï. Newton , compofée par un de mes amis que je confidere beaucoup. Il ne tut jamais néceflaire , Monfieur, de vous recom- mander les bons Ouvrages. Cependant j'ofe vous prier d'appuyer celui - ci , dont le Secre'taire de notre Académie des Sciences donne un jugement très- avantageux , & qui certainement eft très-capable de répandre de la lumière fur une philoTophie aulli peu dévelop- pée , que digne d'être entendue ; j'ai» penfé dire auili parfaitement inaccelîi- ble, fans un fecours de ce genre. Je ne vous envoie pas encore , Mon- fieur, la traduclio-n que vous avez vue , quoique je l'aye depuis long temps toute imprimée chez moi , parce que je ne la rends pas encore publique (n). Puifque nous en parlons, je vous, dirai ( ce qui pourra vous farprendre y (n) C'efï urre tiMtkKftion de la Rcfuilù/ue d& Platon. Voyez la Piéhicc de la traduâion du mèiîie Ouviag.e, par le P. G/-c« ,, Jcfukc. 1761^ lîS Lettres que les MaUbranchc ^ les Platon^ les New- ton (ont reculés d'un rang dans mon ef- prlt. Comment eft - il poflible , me di- rez-vous ? Les Paracclfc, l-es Van-Hd- inont^ \qs BafiU-VaUmin , les Raymond- Lullc , mille autres grands Prêtres de la^ nature, vrais thaumaturges en plus d'un rang , les ont aulîi tait paiTer der- rière eux. Initié par ces derniers maî- tres aux plus hauts myfteres de la Mé- decine, je n'ai pu voir, fans une vive compalîion pour mes femblables, l'im- punité avec laquelle 'es Héros du Ma- lade imaginaire couDent les bourles , & tuent ceux qui fe confient en eux. J'ai donc, par un Livre, très -fc^rieufement averti chacun de prendre garde à Toi. Le fort des hommes n'eft-il pas dé- plorable , Mon (leur ? Les deux tiers , par leur belle faute , font faciles à trom- per; & rhabiîeté du re^:e confifte pref- que uniquement à favoir profiter, pour leurs fins , de l'ignorance &: de la cré- dufité publique. Ce que je dis de la Médecine s'applique parfaitement à la Religion. L'une & l'autre font elles ref- ponfables de l'abus qu'on en fait ? A Dieu ne pîaife ! puilque l'homme, fans elles , eft (ans contredit de toutes les A M. DE FoKTENïZLLÉ. I Ip Créatures la plus miférablc. Mais, à par- ler en général , il efl certain qu'elles n'ont point de plus grands ennemis , de plus mauvais Serviteurs , dans tous ies pays, que les Médecins & les gens d'E- glile. Ce double paradoxe fait le fujet du Livre nouveau dont je vous parle. Il efl: en Anglois , fans quoi je me ferois un devoir de vous l'envoyer. Je vous fuppiie de m'honorer tou- jours de votre bienveillance , & de me croire avec une parfaite eftime, &c. P. S. Si vous avez la bonté de don- ner VA\ mot de Lettre à ce Libraire, ou de dire un mot en fa faveur à M. l'Abbé Bi^non , vous m'obligerez extrême- ment. c^: 120 Lettre E s LETTRE XLIV. De m, CHAUFELÎN , Garde DES S C EAU X , Ùc. 17 Avril 1732. JE voudrois , ï\îon(ii^ur , avoir dç^ occafions plus eiïentielles que celles dont vous me remerciez , pour vous montrer que je fais toute la juilice & tous les égards que vous méritez. Je me ferai toujours une gloire & un de- voir de m'intércfier pour ce qui regarde la République des Lettres , & les per- fonnes à qui elle efl: fi redevable, j'ai à me plaindre de vous de ne vous pas connoître ^davantage , & je défire fort que vous mettiez ce reproche à profit pour mo-. Ne doutez i5r.s , Monneur, que je n'aye pour vous tous les fenti- îiiens que vous méritez. Chauvelîn» «^ LETTRE ©E M. DE FONTENELLE. 12^ LETTRE XLV. De M. DE Font EN ELLE à M. de Montes q_u ieu. EPUis que vous courez le monde, Monfieur , c'eft grand hafard il de tous les complimens que j'ai prié qu'on vous fît pour moi , on vous en a fait un feu! , &: il feroit fort naturel que vous m'eufliez à peu près oublié. Mais il fe préfente une jolie occafion de vous en faire fouvenir ; je dis jolie au pied de la lettre , jolie aux yeux , & qui plaira certainement aux vôtres. C'eft: pour vous recommander Mademoifelle SalU, bannie de notre Opéra par ojîra- cifme. N'allez pas lui dire ce mot - là ; elle croircit que je l'accufe de quelque chofe d'effroyable . & (e défcfpéreroit. Mais il eft vrai que c'ell: oflracïfmc tout pur. La danfe charmar^te, & fur tout les mœurs très-nettes de la petite Anjlide^ ont déplu à fes compagnes , ce qui eft dans Tordre, & même aux maiires , ce qui feroit inlenfé , s'ils n'avoient pa^ eu àt^ maîtrelfes parmi fes compagnes. Elle Toms, XI, iu 122 Lettres ie réfugie en AngUtirre , & vous allez jouir de notre perte: mais je vous aver- tis que vous n'aurez que fa danfe ; &: en vérité ce fera bien affez. Il me vient une penfée. On dit que vous êtes fort bien auprès de la Reine, & je l'euils prefque deviné; car il y a long-temps que je fais combien elle a de goût pour les gens d'efprit , & combien elle eft accoutumée à ceux du premier ordre, témoin M. Nc-.vton ; & j'en ai même dit mon fentimint en parlant de lui (o). Si la Reine vouloit faire apprendre à danfer aux Princefles fes filles, par une perlonne propre à leur donner l'air con- venable à leur naiflance , & digne en même temps de cet honneur par fa conduite , elle feroit trop heureufe {o) » I! fut plus connu que jamais à la Couc » fous !e Roi Gcorgss. La PrinccfTe de G j lies , » aujourd'hui Reine à' Angleterre , avoit affez de «lumières & de connoifTances pour interroger » un homme tel que lui, & pour ne pouvoir » êere fatisfaite que par lui. Elle a fouvent die » publiquement qu'elle fe tenoit heureufe de « vivre de Ion temps , & de le connoîcre. Dans « combie:i d'aïuies fièclcs & dans combien d'au- » très nations auroit-il pu être placé , fans y *) trouver une Princefle de Galles « ? Eloge de Al. AVho/2, mort le 10 Mars 171». A M. DE FONTENELLE. I2| que la fortune lui eût envoyé Mademoi- felle SallL Enfin je vous demande votre protedion pour elle en toute occafîon , ou plutôt je ne vous de- mande que de la voir un peu, après quoi le refte ira tout feul. Ne repaflerez-vous point par ici en allant à ConflantlnopU , ou à ifpaham ^ou. à Pckin? Vous donneriez beaucoup de joie à tous vos amis , quelque courte qu'elle dût être; & je puis vous airurei! que j'y ferois des plus fenfibles. LETTRE XLVL De M. LE CAT à M, DE FONTENELLE, Rouen, 1740» ONSIEUR, La ville de Rouen commence à avoir honte de ne fe diftinguer que par le commerce de Tes Marchands. Les Savans en tout genre , qu'elle a fournis aux plus illuflres Académies , lui perfuadent qu'elle efl: encore capa- ble d'un commerce plus noble, &non Lij '124 Lettres moins utile. Quelques Amateurs des .Sciences ont formé le deflein de réveil- ler les autres de leur anbupiflement. Ils ont commencé à former un jardin de Botanique, dans lequel ils avoient des conférences fur cette matière. Le nom- bre des Affocics grolfiiTant , on a bâti une belle ferre qui a attiré des Cu- rieux , Phylîciens , Mathématiciens , Anatomiftes , dont la Société s'eft en- richie. Bientôt la Botanique efl: deve- nue un champ trop relferré pour cette Compagnie. Elle a étendu fcs vues à proportion des talens des nouveaux Aggrégés j & peut-ctre même,* car j'ai un peu le droit de le dire, au-delà de ces talens. Enfin elle a conçu le vafte projet de s'ériger en Académie. Elle s'eft afl'emblée à ce deflein ; elle s'eft aflbcié de nouveaux Membres ; elle a fait des ftatuts fur le plan de ceux des Académies de Paris. Elle les a com- muniqués aux premières PuifTances de la Province, qui leur ont accordé leur approbation & leur proteélion. Nous voici, Monfieur, à l'époque la plus flat- teufe pour notre Académie naiflante. Elle a le bonheur de vous avoir pour compatriote, di elle vous çompteioit. A M. DE FoNTENELLE. Î2^ fans doute , au nombre de Tes premiers Membres, fi votre mérite ne vous eut ouvert une carrière plus digne de vos talens , & plus propre à remplir vos hautes dellinée?. Cette efpe'ce d'apo- théofe la confole. Il lui femble qu elle en partage l'honneur : elle fe tait gloire de vous invoquer comme Ton Patron. M. Morand a bien voulu être le de'pofi- taire de ies fentimens ; il vous en a fait la confidence, & il nous a aflliré j, Monfieur, que vous receviez favorable- ment notre prière. Cette nouvelle a répandu la joie parmi nous ; elle y a augmenté l'émulation; & l'Académie j, à fa rentrée , a commencé par me char- ger de vous en témoigner fa très-vive reconnoiffance. Cette rentrée , Mon- fieur , n'a pas encore été publique. Nous avons différé celle ci au Jeudi d'après les Rois par deux raifons. La première efi, qu'après les Rois, il y a plus de monde dans les villes, & que nous pourrons débuter dans une affem- blée plus nombreufe , plus choifie,' plus capable de nous établir. La fé- conde & l'eflentielle efi: , que nous vou- drions, avant de débuter , y être au- torifés par le Roi. Notre Compagnie , L iij ii6 Lettres Monfieur , a recours là-defllis à vos avis & à votre protedion ; & elle en attend 3es effets avec la confiance que lui don- nent fes droits fur vous , & votre dé- vouement pour toutes les Compagnies Littéraires. J'ai l'honneur d'être avec rattache- ment le plus refpe(5lueuX , Monsieur, Votre, &c. Le Cat, LETTRE X L V 1 1. Z>1/ MÊME AU MÊME, Rouen, 15 Août 1743. iVioNSIEUR, Notre Société va enfin recueillir îe fruit des follicitations que vous avez bien voulu faire pour elle. M. Nepvcu , Monfieur , m'a annoncé cette nouvelle de votre part, & j'ai communiqué fa Lettre Mercredi dernier à notre future Académie. Ce fuccès lui a caufé une joie d'autant plus grande , qu'elle vous A M. DE FONTENELLF. I27 le doit tout entier: & elle fent combien cette circonftance honore l'époque de fa fondation. Elle m'a chargé, en l'ab- fence de M. de Cildivilk & de M. di, Bittencourt , de vous afïurer 9 Monfieur, de fa trcs-vive reconnoifrance , & de vous fupplier de vouloir bien achever: votre ouvrage. On nous demande un projet de Patentes; perfonne au monde n'eft plus capable que vous , Mon- fieur, de donner un femblable projet: nous nous flattons que vous voudrez bien le faire, 6i nous nous en rappor- tons entièrement à vous fur la forme de cet établifieîr.snt. Quant aux dépenfes qui feront néceiTaires pour l'expédition des Patentes , nous vous prions , Mon- fieur, d'avoir la bonté de nous indiquer quelqu'un à qui nous puillions faire te- nir des fonds. L'honneur que j'ai , Monfieur , de vous adreffer les remercimens de no- tre Société pour fon établiffement, me rappelle que j'ai eu aufli celui d'enta- mer avec vous cette glorieufe aft-aire. Je compte ces anecdotes entre les plus flatteufes de ma vie , fur-tout parce qu'elles m'ont valu le privilège de voua aflurer des fentimens pleins de refped: Liv 128 Lettres & de vénération avec lefquels j'ai Thon- neur d'être , Monsieur, Votre , &:c. Z £ Ca t. LETTRE XLVIIL De M. DE B ET T EN COURT à M, DE FONTENELLE (p). M Rouen, 23 Août 1743. ONSIEUR, L'intérêt de la Patrie m'oblige de recourir à vous. La Société Académi- que m'a chargé de vous confulter fur les Réglemens: c'eft une compofition que j'ai faite avec elle; car elle vouloit vous prier de les rédiger. Pour vous épargner une partie de l'ouvrage , j'en ai fait une efquifle, dans laquelle j'ai fuivi le Règlement que vous avez fait (p) M. de liettencourt , mort depuis , t'toit Avocat au Parlement de /*.t>iJL.. IM LETTRE LI. 'De M. DE FoNTENELLE au Roi de Polo, gne , Duc de Lorraine & de Har , pour le remerchr de la place qu'il lui avait accordée dans la Société des Sciences & Belles-Lettres de Nancy. 1751. IRE, Jugez de ma reconnoiflance de la grâce que Votre Majesté ma faite, en maccordant une place dans Ton Académie de Nancy, par l'idée que j'en ai. Je me crois dans le même cas que fî l'Empereur Marx -Aurcle m'avoit admis dans une Compagnie qu'il eût pris foin d'établir & de former lui-même. Je fuis avec le plus profond refpeft , SIRE, de Votre Majesté, &c. Mi) 140 Lettres, &c. REPONSE Du Roi de Pologne. MONSIEUR, il n'eft aucune Aca- démie qui ne s'eflimât honorée de vous pofTéder. La mienne fent par- faitement l'avantage qu'elle a de vous compter parmi fes Membres. Ses defirs fe rapportent aux miens. Elle fouhaite de pouvoir profiter long-temps de vos lumières, & de voir accomplir à votre égard ce que dit Horace : Dignum lande, virum Muja vetat mori. Je fuis très-véri- tablement, Monfieur, votre bien affec- tionné, Stanislas, Roi, ^^^==1^^=^^^^=^^^==^=^ LETTRES DE MONSIEUR DE FONTENELLE AU P. CASTEL, Jésuite; E T DU P. CASTE L A M. DE FONTENELLE. LETTRE PREMIERE. De M. DE FONTENELLE au P. C AS TEL, Paris, 7 Août (r). ^^^^1 E commence par vous deman- ûS WM. ^^r pardon , mon Révérend WSM^È ^^^^ » ^^ longtemps qu'il y, a que je dois réponfe à vo- tre Lettre du I2 Juillet. Je ne puis juf- (r) La date de l'année manquoit dans la Lettre originale, & dans quelques-unes desXettres fui- vantes. 142 Lettres tifier le tort que j'ai à votre égard , qu'en vous difant que je l'ai à l'égard de tout le monde. Je fuis très-paref- feux pour écrire une lettre; c'eft une efpece d'averfion naturelle & infenfee que j'ai apportée du ventre de ma mère. Cependant j'avois beaucoup de raifons pour vous répondre plus promp- tement. J'étois fort flatté de ce que vous m'aviez choifi pour me commu- niquer votre Ouvrage "^ , & je l'avois lu avec beaucoup de plaifir. J'en ai dit mon fentiment plus en détail au Père GaubïL : mais fongez bien que ce n'eft que mon fentiment, c'eft -à-dire celui d'un très- médiocre Phi'Iofophe. Tout l'avantage que je puis avoir, & qui ne laifle pourtant pas que d'être aiTez rare, c'eft que je ne fuis prévenu pour au- cun fyftcme, & que je ne rejetterai au- cune opinion pour être contraire à la mienne. J'ai trouvé beaucoup de vues ingénieufes dans votre projet , peut- être trop : car il me femble que vous avancez beaucoup de chofes qui de- manderoient à être prouvées plus à la rigueur. Vous traitez des matières aux- quelles tous les Phyfiço- Mathémati- * Traité de la gefanteur. DE M. DE FONTENELLE. T45 tiens s'intéreflent , & il faut pour ces gens-là des preuves géométriques, au- tant qu'il eft poifible. La dernière idée que vous m'expofez en quatre mots dans votre Lettre , que tous les corps naturels font des montres bien réglées, peut être vraie, mais dans un fens plus ou moins précis; & ce plus ou moins de précifion chançera beaucoup la pro- podtion en général. Par exemple , elle eft vraie à la rigueur pour les plantes & pour les animaux; mais elle ne l'eft pas pour les pierres, (i elles ne viennent pas de femence , comme il n'eft nulle- ment vraifemblable. Je ne fuis guère de votre avis fur la conftance de la na- ture, c'eft à'dire, fur la perpétuité de Ja forme ou conftitution préfente de rUnivers. Le mouvement eft un prin« cipe néceliaire de changement , & l'a- venir eft bien long. Mais je ne m'arrête point à tout cela ; je fuppofe ou que vous le prouverez davantage , ou que vous laiiTerez pour incertain ce que vous n'aurez pu prouver affez folide- ment. En général je fuis perfuadé que ce plan, aufli bien exécuté que je vous fens capable de le faille , vous fera hon- neur 5 & même à votre Compagnie. 'Î44 Lettres Comme c'eft une Compagnie favante^ il faut bien qu'elle fuive le cours & le progrès des Sciences , & qu'il en forte des Ouvrages qui foient dans le goût de la moderne & laine Philofophie. Vous lui rendrez un P. Pardies , qui me femble avoir été affez de votre carac- tère, & pour le fond des penfées , & même pour l'agrément du fiyle. Je fuis avec refped , &c. LETTRE II. A [/ MÊME. lo Janvier iji9. J'Allai chez vous, mon R, Père, à la fin de Tannée dernière , pour vous remercier du préfent dont vous m'avez honoré ; mais vous étiez en re- traite. Je m'étois arrangé pour y retour- ner aujourd'hui; car, pour les voyages éloignés, il faut des arrangemens pris d'un peu loin : mais les rues font fi mauvaifes, que mes porteurs fe croi- roient en droit de me cafler le cou , pour me punir de les mener fi loin. Je vous fouhaite donc la bonne année par écrit DE M. DE FoNTENELLeJ ï^f écrit fimpîement , mon Révérend Père, en attendant que la liberté du com- merce Te rétabliiïe. J'ai lu votre Livre entier avec grand plaifir , & j'ai été bien flatté d'y trouver mon nom (i honora- blement placé. Cet Ouvrage eft plein d'efprit, & je puis vous aflurer qu'un de nos plus grands Géomètres de l'Aca- démie penfe de même. J'ai bien de Tim- patience que nous en raifonnions en- femble plus à fond ; il le mérite : & je ferai ravi de pouvoir vous marquer la reconnoiil'ance que je vous dois, fans déguifer en aucune manière le juge- ment que j'en porte. Je fuis avec refped:, &c. LETTRE I I L J U MÊME, Du II Avril, J*'1rots vous rendre grâces, mon Révérend Père, de votre fécond Ex- trait ( c ) que je viens de lire , fi ce (s) Des Ellmcns de U Gcométris de l'Infiac^ Tome XL N 14<^ Lettres n'étoit que vous me refufez toujours l'audience quand je vous l'envoie de- mander, & que d'ailleurs ces jours -ci n'y font guère propres. Je vous fuis très - obligé de la manière dont vous m'avez traité : elle contente toute ma vanité d'Auteur ; car elle n'eft point afi'ez délicate ni aflez chatouilleufe pour être bleffée le moins du monde de quel- ques critiques que vous infinuez légè- rement & finement. Je n'ai pas préfen- tement le temps de les examiner com- me elles le mériteroient : il y en a quelques - unes dont il m'a femblé que la folution fe préfentoit à moi ; mais à mettre tout au pis , & à fuivre une préfomption très - raifonnable , qui eft de croire que vous avez raifon , je me flatte qu'il n'y auroit pas encore grand mal. La fin de ma Préface eft très-fin- cere. Dans votre Journal précédent, le P. D. L. Maugirayc ( / ) vous prouve , par un tour fubtil & ingénieux , que la fomme de la fuite 7,7,7, ^^* "'^^ ^^^ finie. Vous ne dites rien fur cela. Je voudrois bien favoir s'il vous a con- vaincu : je vous fupplie de me le man- ( t) Jcfuite , 5s: Profefleur de Mathématiques au Collège de Louis le Grand, DE M. DE FoNTENEtLE. 14"^ der , du moins le oui ou le non , à moins que quelque raifon particulière ne vous en empêche. J'attends avec impatience votre troi- fieme Extrait; car j'en deviens friand, & je voudrois qu'il y en eût davantage. Je fuis avec beaucoup de reconnoif- fance & de refped, &c. LETTRE IV, AU MÊME, Du 7 Mai. 'A I vu M. Anljfon , mon Révérend Père, qui n'a pas donné dans l'ex- pédient que je lui propofois pour faire annoncer plutôt mon Livre { u ). Je vous dirai fes raifons en détail, quand j'aurai l'honneur de vous voir. Il me paroît , &: il me l'avoue , que fon peu d'impatience vient de ce qu'il eft allez content du débit. Par parenthèfe , je viens d'en apprendre d'affez bonnes nou- [u) La Cc'jtr.dcrie de L'Infini. Il ayoic été im- primé à rimpiimïrie Royale , dont M, Anijfoii, étoic Direcleur. Nij 14^ Lettres velles ê^ Angleterre, Il faut donc fe réfou- dre à la lenteur de votre Journal ; j'en ferai bien récompenfé par la manière «xcelîîvement honnête & avantageufe dont j'y (erai traité. Voici encore deux mots fur notre queftion , qui la mettent encore , je crois, dans un plus grand jour (at). Je fuis avec beaucoup de refped: & de re- connoifiTance , &c. (.r) C'étoit un petit cciit joint à cette Lettre fur le même Ouvrage. Nous le fupprimons , comme étant à la portée de trop peu de Lec- teurs. LETTRE V. AU MÊME, 3 Août 172S. QUAND on aura vu , mon Révé- rend Père, dans le mois de Juillet dernier du Journal de Trévoux , l'Extrait que vous avez Fait d'une partie des ElL meris de la Géonuirie de l'Infini , le foin «xtréme que vous avez pris de mettre dans un beau jour, & d'orner de tous DE M. DE FONTENËIL-P. 149 les agrémens de votre ftyîe les chofes" du monde les plus fe'ches & les plus trlf- tes, la manière beaucoup plus qu'hon- nête dont vous me traitez par- tout, oa trouvera fort étrange que je vous écrive ici pour quelqu'autre chofe que pouc vous remercier très -vivement, & qu© je relevé une petite critique que vous n'avez fait qu'infinuer, & que vous af- failonnez même d'une louange fi forte, que je ne la pourrois pas répéter avec bienféance. Voilà bien les Auteurs , dira -t- on ; on ne les (liuroit conrsntcr que par des éloges fans bornes , qu'au- cun Auteur ne peut mériter. Il ef!; vrai cependant que ce n'efi: point cette ex- ceffive & miférable délicatelTe qui me tient ; je voudrois être bien fur de n'ê- tre tombé que dans la faute dont vous me foupçonnez : j'en accorderois mêma quelques autrespareilles, fi l'onvouloit; & je m'en tiendrois quitte à bon mar- ché dans des matières aufïï neuves ôc auiii épineufes que celles que j'ai eu la témérité d'entreprendre. C'eiT; vous , mon Bévérend Père, qui avez voulu, par zèle pour la fcience , que ce point- là fût éclairci. Vous êtes parfaitement dans la difcofition de vous rendre , fi N iij fî^6 Lettres'' fai raifon ; & moi , en faififTant cette occafîon de faire voir au Public quel eft votre carafcere, j'agis félon les mouve- mens de la reconnoilTance que je vous dois. Je fais auffi à quoi votre exemple m'engage ; & que û j'ai tort , il faudra en convenir bien nettement. J'ai pofé dans mon Livre , &c. Nous fiipprlmons h rcfîe de. cette Lettre , E M. DE FONTENELLE. j'Q t entre la France & l'Académie, je vous renouvelle ma très-humble prière, Se fuis, &c. RÉPONSE. J E m'en remets à ce que M. le Comte RÉPONSE. O u s réduifez vos complimens au cinquantième de ce qu'ils font d'ordi- naire , & cela n'eft guère moins utile dans la fociété que la fupprelÏÏon d'un autre cinquantième. LETTRES ^^^^^^s=^=^^^^«& LETTRES DE M, DE FONTENELLE A MADEMOISELLE DE RAYMOND DE FARCEAUX, D E F U I S MADAME DE FORGEVILLE. AVIS DE L'ÉDITEUR. N fait rintime & confiante liaifon de feu Madame de ForgivilU {l ) avec M. de Fon- cenelU , & cela fuffiroit pour fon éloge ; mais plufîeurs gens de Let- tres l'ont connue perfonnellement , & l'ont fait connoître. J'ai louvent parlé d'elle dans mes Mémoires pour fcrvir a (/)EHe mourut à Paris le 6 Odobre 1763 , tgée de ioixante-c|uator2e ans , de la petite vé- role qu'elle n'âvoit jamais eue. Tome XI, ^ jR 1^^ Lettres fH//ioire de la Vie & des Ouvrages di. M. de Fonttndlt ; on peut les conful- ter. Je n'en citerai que ce mot. C'eft , difois-je , après l'avoir noinmée pour la première fois , page 4-^ , c'eft cette femme refpeciabU à qui AI. de Fontenelh a dïi La douceur de fes dernières années , & l'avantage (îêtre encore heureux à cent ans. Lui - même difoit alors fouvent , qu'/7 lui divoit fon exijlence. Lorfque fa vue fe fut afFoiblie en iVJi , & qu'il ne put plus lire, elle voulut bien être fou Ledeur 5 quoiqu'il fut très-fourd. Elle fe rendoit chez lui tous les matins. Madame de Forgeville avoit paflTé la plus grande partie de fa vie à Paris , & le refte à Rouen ou à Vernon, Elle écoit née auprès de cette dernière vil- le, & dans une famille diftinguée par une ancienne nobkfle. M. de FomenelU lui écrivoit fouvent lorfqu'elle étoit erv Province. Elle avoit gardé quelques^» unes de fes Lettres, & elle voulut bien me les donner à la mort de fon illuftre ami. Elles m'ont paru mériter d'être confervées. On y verra ( & c'eft le principal motif qui m'engage à les pu- blier, car je ne les donne point comme des pièces d'efprit); on y verra, dis-je> BE M. DE FONTENELLF. Ipjf combien «M. de FontenelU étoit capable d'une amitié, finon tendre & aflPeâueu- fe , du moins folide & efFeélive. Madame de Forgev'dU méritoit bîeit une pareille amitié. Elle étoit bonne , obligeante , défintéreffée , généreule ; on ne lui a reproché que d'être un peu trop flatteufe, & il efi: vrai qu'elle cher- choit à plaire. Parlant un jour à M. d& FontcnelU de ce prétendu défaut, i! lui dit qu'on le lui avoit reproché aufli ; mais qu'il s'étoit bien gardé de s'en trop corriger. Madame de ForgevilU étoit encore très- ferme, très-courageufe , très -gaie; & elle avoit eu befoin de l'être. Sa mère, reftée veuve de bonne heure , ^ natu- rellement procellive , avoit fort dé- rangé les affaires de fes enfans. Après fa mort. Madame de ForgevilU fut d'un grand fecours à fes deux frères , dont elle étoit aînée ( m ). Mais , malgré toute fon adivité , toute fon intelligen-. (m) Le cadet , M. le Chevalier de Farceaux , mouru: , il y a q lelques années. L'un & l'autre avnicntété Moufquetaires. L'aîné, qui demeu- • roit avec fa fœur , ne lui a furvécu que onze jouis, étant mort le 17 du même mois d'Oftobre^ &: delà même maladie, de la petae vérole. Rii ip<5 Lettres ce , & même l'abandonnement d'une partie de Qs droits , elle ne put leur fauver que quelques débris d'une for- tune qui , avant les procès perdus , ne laifibit pas dctre confidérable. Elle feda donc prefque fans bien pendant un aflcz grand nombre d'années , & jufqu'à Ton mariage avec M. de Forge' ville y ancien Officier des MoufqUetaires gris («), homme très - eflimable à tous égards, très -aimable même, malgré fa vieillefie , & les infirmités auxquelles il devint fujet fur la fin de fa vie. Aufli l'aima-t-e!Ie bien fincerement, & eut- elle pour lui, tandis qu'il vécut, toutes les attentions & tous les foins d'une époufe tondre & vertueufe. Aux qualités du cœur & du carac- tère, Madame de ForgevHU joignoit un êfprit jufte , naturel, & pourtant allez délicat & alfez fin , tel en un mot qu'il le talloit pour être goûté de M. de Fort- tenelle. On en a la preuve dans le por- trait qu'elle avoit fait de fon ami , & dont il fe répandit dans le temps plu- fieurs copies. Mais comme je doute qu'il (/î) II étoit premier Maréch il des Logis , lors- qu'il fc retira avrc quatre mille livres de penlion , & quinze cens pour fa veuve. DE M. DE FoNTENELLE. ÎÇ^ sit été imprimé 5 (î ce n'efl; en partie, dans l'éloge de M. de fo/iunelie par M. de FouJiy , Secrétaire perpétuel de l'Académie d^s Sciences , je le placerai à la fuite des Lettres , d'autant plus qu'il en eft parlé dans la onzième. On peut voir ce que j'en ai dit dans mes Mémoi- res, &c. pag. 6S , note première. M. de FoTuenelle étant de l'Académie des Belles-Lettres , M. le Beau, Secré- taire perpétuel de cette Compagnie, a fait auffi fon éloge ; & il n'y a pas oublié Madame de ForgevïLle , cette amie gêné' reufe , dit- il , ^ui avo'it contribué h foU' unir fa yieilUjje par des foins tendres & afjidus, Elleétoitauflimon amie depuis 17 5^, & fa mémoire me fera toujours infini- ment précieufe. Qu'on pardonne à ce fentiment les détails peut-être trop éten- dus , dans lefquels je fuis entré fur fon compte. On fait qu'elle fut , pour un quart , une des quatre Légataires univerfelles que M. de Fontenelle avoit nommées par fon teiiament. :3t ■9 Riij i'cit Lettres LETTRE PREMIERE. i?e M. DE FoNTENELLE à MadcmoifelU DE Ra y m o n d de Fa r.c ea u x , depuis Muddnii de Fo rgeville. Premier Décembre 1730. L*Ironie eO: un peu trop forte ^ Mademoifelle, de me propoier de vous faire écrire par un Secrétaire que 3e n'ai point , premièrement ; mai» quand j'en aurois une douzaine , je ne /croîs pas trop bon pour faire moi- même cette fon<5lion -là. Je ne favois point votre adreiïe , & n'avois garde d'écrire : mais en récompenfe nous par- lions fouvent de vous , Madame de Mar- f-J-h' (^) & moi; & vous jugez bien fur quel ton. Nous fommes ravis que vous foyez fi contente du féjour où vous ctes ; ôt j'en ferois mon compliment à vos hôtes , fi j'avois l'honneur d'être connu d'eux 5 car je les crois du moins (o) Fi île de Thomas Corneille, & ainfi cou- 'fine germaine de M. ^(f i^^/;rc•/2t?/^', (Jonc la mers ctojt fœw de Meliieurs Çorneilk. DE M. DE FONTENELLE. I99 aufîi contens que vous ; & c'eft un grand bonheur que d'avoir dans une campagne aflez (olitaire , fur -tout en hiver , tous les agrémens de votre fo- ciété. Nous n'tffpérons pas de vous re- voir fi -tôt ; & nous n'ofons nous en plaindre , tant nous fommes fages de difcrets. Madame de Marfilly Tefl: au point de ne pas vouloir condamner tout -à -faic fon ami fur Ton procédé ; elle préfume que ce qu'il a fait ne vous regardoic point. Mais vous n'étiez pas feule , &: il pouvait avoir des mefures à garder. Elle fe tient sûre de fon cœur à votre égard. Les procédés fi difîérens de ce- lui-là, qu'on a ailleurs pour vous, font pour vous, & il n'y a pas grande mer- veille. Ma vie efl: toujours la même, fort (im- pie, fort uniforme , fort exempte d'évé- nemens , à moins que l'on ne compte mon déménagement pour un (/?;. Il a (p) M. de Tontenellc , qui avoit long-temps logé au PuUis Royal, l'avoit quitté pour venic demeurer avec M. Kicher d'Aube , fon neveu à la mode de Breugnc. M. d'Aube , P.îaîtie des Requêtes Honoraire , avoit été Intendan: de Soijfons & de Caen. Riv aOO ïi E T T R E s effedlivement penfé me faire tourner la tête, quoique j'aye été bien fecouru; &: vous jugerez par - là que ladite tête n'eft pas forte. Je me flatte que vous favez tout ce que j'aurois de plus à vous dire ; & je ne vous demande , Mademoifelle , que de n'en pas perdre de fouvenir, LETTRE II. A LA M Ê M E. 17 Octobre 173 s. JE fuis bien fâché, mais non pas fur- pris , Madame , de la léfine qu'on vous a faite; fur-tout je fuis très-édifié de la manière dont vous le prenez. Il n'y a rien de plus à y faire; & (î j'avois pu imaginer quelque autre choie , je vous l'aurois écrit fur l'heure ; car je ne me permets pas d'être parefieux lorf- ^u'il s'agit de quelque affaire . & fur-tout de ce qui vous regarderoit. Mettez - moi à l'épreuve fur cela , & vous verrez. Je n'ai rien à répondre à une plainte que vous me faites, finon que je vous DE M. DE FONTENELLE. 201 en remercie de tout mon cœur , quoi- que je la croye injufte. Elle m'a em- pêché û'ofer montrer votre Lettre à Madame de Marjilly , qui me l'a de- mandée; elle n'auroit pas manqué de glofer. Adieu , Madame; je fuis ravi de vous voir aufîî contente que vous l'êtes. Vous le méritez bien par votre façon de pen- fer très-faine, & en vérité rare. Je puis vous aflfurer que votre bonheur fait une partie du mien. LETTRE III. A LA MÊME, zç} Mars 173^. JE fuis étonné , Madame , que vous ne me parliez point du tout d'une Let- tre que j'ai eu l'honneur de vous écrire vers le commencemfjnt de cette année. Elle ctoit remarquable , n*eût - elle eu que fa longueur, accident auquel je ne fuis pas fujet. Je ne puis pas avoir de fcrupule fur l'adrefle qui étoit comme iera celle-ci, car je n'en fais pas d'autre. ÎÎ02 Lettres Pourquoi donc ne m'en avez -vous pas dit un mot? Des nouvelles , s'il vous plaît , de vos affaires avec Meilleurs vos frères» Vous êtes à lieu de trouver de bons confeils ; mais je fuis fort de votre avis. Ne plaidez point pour ce qui ne fera pre'cifément que jufte. Il faut un cer- tain excès de juflice pour s*engageï dans les horreurs d'un procès. J'ai eu occalGon de voir des gens de Bureau , à qui j'ai confulté très-à-fond le cas où vous ferez dans quelque temps. Il faut fe préfenter très - hardiment , fans aucune explication. Il faut que ce foit quelque bon Militaire de vos amis qui fe préiente , accoutumé au manège & au détail des Bureaux , à qui l'on foit accoutumé aufli , & qui vous expédie le tout vivement & promp- tement : après cela , la fuite ira toute feule. Ce n'eft pas la peine de vous parler de mon hiver. J'ai toujours été enrhu- mé, quelquefois aflez joliment ; mais j'ai toujours forti , & mené ma vie or- dinaire , à quelques petites mignonne- ries près qu'on m'a fait obferver , en quoi je ne fai fi j'ai bien ou mal fait. DE M. DE FONTENELLE. ^6^ 'iA^àzme Je Marfdly SQ^ bien foutenue , hormis un peu de rhume fort court. 11 n'en a pas été de même de fa voifîne y qui ne fort point, & efl encore fur le grabat, quoique feulement par précau- tion 5 mais précaution nccefl'aire. Je Cens très - vivement l'obligation que je vous ai de vouloir bien vous intéreffer à cela à caufe de moi. J'en ai beaucoup à M. de Brcvedent , de fe fouvenir de moi , & de me don- ner quelque part à vos entretiens. V^ous trouverez bon que je l'en remercie ici. Je vous exhorte tous' deux à vouloir bien continuer quand vous n'aurez rien de mieux à dire (q). Voilà une Lettre encore aufli lon- gue que la précédente ; ceci ne laifle pas d'avoir fa (ingularité. Adieu , Ma- dame ; car je retranche tout le céré- monial pour vous aflurer plus fincere- {cj) M. de Brevedent, vivant encore, étoit un des meilleurs amis de M. de FontcnclLe. Il de- meure ordinairement à Rouen ^ où Madame de ForgcvUlc étoit allée faire un petit voyage. JVl. de Brevedent éf'it aufll fott lié avec M. de Li Jllone. On trouvera ci-après une Lettre de lui à Madame de Forgevlllc , écrite après la mort de M. du Fgnundls* il04 Lettres ment que je fuis tout à vous , & de tout mon cœur. LETTRE IV. A L A MÊME. 23 Janvier 1740. JE VOUS réponds dans le moment , _ Madame , pour vous détromper le plutôt qu'il m'eft poflibîe à^s penfées in- jures que vous avez. Je ne parlai point de vous à mon frère (r) dans ma fé- conde Lettre , parce que je voulois ré- pondre à celle que j'avois reçue de vous, & vous furprendre en vous défobéif- fant ; car j'étois véritablement charmé & de la Lettre & de la défenfe, enfin de tout. Il me furvint quelques menus tracas d'Académie qui m'occupèrent , & m'occupent même encore , &: puis le troid qui me rendit parefleux ; & je différai de jour en jour l'exécution de mon deffein que j'avois toujours en {r) Clianoine de Rouen. Il étoic cadet de M, de Fonxnëi^e, DE M. DE FONTENELLE. 2Ôf tête. C'eft dans ce délai trop long que confifte tout mon tort ; & je vous en demande pardon de tout mon cœur. Je ne me fuis point vanté de votre pre- mière Lettre à Madame de MarfiUy , parce que je fus que vous ne lui aviez point écrit , & qu'il auroit fallu la lui montrer. En cela je crois avoir très-bien fait; par cjnféquent je ne me vanterai pas non plus de la Lettre d'hier. Ain(î je vous avertis de traiter avec elle fur ce pied-là. Apprenez -moi, s'il vous plaît, des nouvelles de vos affaires avec Meilleurs vos frères , comment tout cela va; & {i vous voulez, j'en inllruirai Madame de MarjQlly , & lui montrerai alors vos Lettres. Je vous fuis très obligé de vous fou- venir de moi avec M. de Brevedent. C'efl: un des hommes du monde qui naturel- lement me plaît le plus; & comme j'ai cru fentir qu'il penfoit obligeamment fur mon compte , je fuis bien aifj d'ê- tre entre vos mains à tous deux. Vous voyez bien, Madame, que je n'aurois pas la hardielfe de compter ii sûrement fur vos bontés , fi je ne croyois les mé- riter un peu par mes fentiraens : ils font îso5 Lettres trop bien fondés fur la connoifTancô que j'ai de vous , pour pouvoir jamais fe démentir. Voiià , fans reproche , une des plus longues Lettres que j'aye écrites depuis long-temps. ■ Ilhll iHI i I LETTRE V. A LA MÊME. a 9 Mai 1740. JE fongeois à vous écrire inceffam- ment, Madame , & j'avois une véri- table envie de favoir de vos nouvelles , & en particulier lur vos affaires , lorf- que M. de. Marioite (5) vint chez moi de votre part , & me Ht très- grand plaifir; premièrement , parce qu'il venoit de vo- tre part : c'eft une attention très - flat- teufe que vous aviez pour moi, & que je fens julqu'au tond du cœur ; en fé- cond lieu, parce qu'il m'apprit que votre accommodement généreux avec Mef- (îeurs vos frères étoit fait, 3t que vous (s) De r Académie des Jeux floraux. DE M. DE FoNTENELLE. IO7 en étiez fort contente. Cet article- là me touche encore beaucoup. Je vous en fais le plus (încere compliment du monde, &: a peine pourrez -vous en avoir plus de joie que moi. Il y a encore plus, du moins pour moi ; vous revenez, à ce que ma dit M. de Munotte , & en effet cela eft néceffaire pour l'affaire qui vous refte ici. Si elle fe pafle comme je crois qu'elle fe pafïera & qu'elle le doit , je vous déclare que je ferai parfaitement content fur tout ce qui vous regarde. Venez donc, & finifTonscela; j'eu ai une vraie impatience. Ce M. de M.irioite , qui me dit tant de bonnes nouvelles, je vous dirai que je le goûte fort. Je ne fais fi c'eft à caufe de cela ; je ne le crois pourtant pas tout-à-faiti. Je lui fens d'ailleurs bien de l'efprit , & un fond d'efprit de ré- flexion qui me plaît naturellement. Madame de MarfllLy fe porte toujours bien. Juvotte (^) eft toujours bien gran- de; il me femble que l'efprit Jui vient, quoique ce ne foit pas encore comme W vient aux filles. Mais ne voilà - 1 - il pas que je vais dire des fottifes, fi je ne (r) MademoifeJle du Marjïlly , arriere-pente? ^lle de T. CçrnùLU. 208 L E T T R ES coupe court ! Adieu donc , Madame ; vous favez avec quels fentimens je fuis à vous , ou bien vous auriez un tort inexcufable. LETTRE VI. A LA M É M E. 23 Janvier i74T» JE vous demande pardon , Madame, de n'avoir pas eu Thonneur de ré- pondre plutôt à la plus obligeante &: à la plus aimable Lettre du monde. Elle n'e'toit pas arrivée ici , que vous avez du favoir à Vcrnon combien notre dé- luge, quoique fort étendu , avoit été innocent, du moins à Tégard des per- fonnes. On en parloit beaucoup ; il fourniflbit à la converfation , mais on étoit en sûreté. Je me trouvai dans ma maifon à^ plaifanct (w) le foir du jour de Noël. Les eaux croifToient à cha- que moment. Je ne pouvois rentrer chez moi qu'en paHant fur des planches («) Chez Madame de Tcncin% alTez D E M. D E F O N T E N E L L E. 209 afîez dcfagréables pendant la nuit. On envoya d'aïuorité chercher ma robe de chambre & mon bonnet de nuit , & je couchai- là. Je n'en fortis point jufqu'au premier jour de l'an , que les eaux me rendi- rent ma liberté, dont je me paflois fort bien. Madame de Marfdly , que je ne voyois point pendant ce temps -là, fe tira aflez bien d'aflaire avec la Dame du premier, mais non fans quelques inquié- tudes pour moi , qui pouvoient n'être pas abfoîument néceflaires. Voilà toute mon hiftoire. Excufez-en la longueur ; mais le plaifir de vous entretenir m'a emporté. Parlez-moi, s'il vous plaît, de votrs retour d'auiTi loin que vous pourrez le prévoir; cela me tera toujours une per(- pedive agréable. Adieu , Madame. Je me flatte que vous n'ignorez pas combien je vous fuis' Cncerement èc tendrement attaché. ^ Tom6 Xli 210 Lettres. LETTRE VIL A LA MÊME. 3 I Novembre 1741.' A D A M E de Tencln , Madame , eft fort en liaifon avec M. le Car- dinal de Rohan , & je n'ai rien de mieux auprès de lui. Je me fuis adreflé à elle, votre Lettre à la main , que je me dou- tois bien qui leroit un bon pafleport. Elle la en effet trouvée fort jolie ; & il ne tiendra pas à cela que notre af- faire ne réullifie. Mais Madame de Tcncïn la favoit déjà par cœur ; elle en avoit entendu parler au Cardinal , qui n'eft pas lui-même bien perfuadé de la bonté de fon droit, & ne veut point , lui qui eft Evéque , attaquer le droit des Evé- ques fans beaucoup de raifon. On croit qu'il ne fe trouve point de Bulles de Papes pour l'exemption que vous pré- tendez. Cependant on envoie à Savcrm votre Lettre au Cardinal , bien appuyée. C'efl fon affaire auflî - bien que la vô- tre ; & s'il ne fuit pas fon proprç inté- I DE M. DE FONTENELLE. 211 rét, on ne peut guère fe plaindre de lui. Je vous ferai Tavoir fa réponfe dès que je l'aurai. Vous favez peut-être déjà, Madame, la mort de mon irere , arrivée il y a précitément huit jours. Elle fut très- imprévue & très-douce , vraie mort de prédefliné. Je ne doute point que vous ne preniez part à mon affliction , car je me flatte de votre amitié; & c'eft un bien que je tâcherai toujours de méri- ter & de conferver. Mes refpects , s'il vous plaît , Mada- me , à Meilleurs vos frères. Je ne vous dis rien de Madame a'e Marjilly ^ parce que je ne l'ai pas vue depuis que j'ai reçu votre Lettre : mais elle fe porte bien, & Javottc encore mieux; elle en- graifle à vue d'ceil , & il me femble qu'elle recevroit un bon mari avec af- fez de réfignation. Vous devriez bien lui en trouver un dans vos cantons, où feront fes domaines. ^2^ S ï] 211 Lettre s LETTRE VII L A LA M Ê M £. 3 Décembre 1741. 'Al VU M. l'Abbé BarhUr (x), Ma- dame , l'ai entretenu à fond de votre affaire , & lui ai laiffé votre grand Mé- moire. 11 efl; parfaitement infbruit de tout, & mieux qUe vous , fans vous of- fenfer j il y efl: même intérefie par une foeur qu'il a dans votre Abbaye ou Hô- pital , & il honore extrêmement Ma- dame l'Abbeffe , dont il m'a dit mille biens. L'affaire eft en négociation entre les deux Prélats , qui tous deux font honnêtes gens , Dieu merci , & enten- dront raifon. Il n'y a rien à faire pour VjOus à tout cela. Tous les titres paroî- tront en perfonne, au lieu que vous ne faites que les alléguer, comme il plaît à Dieu , dans des Mémoires qui n'ont nulle autorité. Tout fera examiné de difcuté, Repofons - nous en attendant j Çk) Secrétaire de M. le Cardinal de Roha/u fjE m. deFoî^tenelle. it| mais ne laifTez pas de cultiver toujours M. l'Abbé Barbier^ ou par vous-même , ou par Madame fa fœur. Je ne verrai point fur cela M. le Cardinal d& Rohan^ ni ne lui ferai parler; cela feroit parfai- tement inutile & mal à-propos. Pairerez-vous votre hiver. Madame y hors de ce pays-ci ? Il me femble que vous en prenez le train. Vous-atiendez peut-être à voir quel tour prendront les affaires générales , d'où dépendent affez celles des particuliers. Je ne con- damnerois pas trop cette conduite ; mais je ferois bien fâché d'être fi long- temps fans revoir le coin de votre teu. Adieu , Madame; je me flatte de n'avoir pas be- foin de finir avec vous^ ni par le céré- monial ordinaire , ni par des tours agréa- bles & recherchés. LETTRE IX.  LA MÊME, zz Juillet 174J. J'Étois déjà , Madame , extrêmement touché du foin que vous preniez den- voyer favoir de mes nouvelles de tem|>s Î2I4 Lettres en temps, & de ne vous en pas lafîer, par recevoir toujours la même réponfe , que je me porte à merveille. Il étoit im- pollible que je n'eufle toute la recon- noiiïance imaginable d'une attention fi flatteufe ; & pour y mettre le comble , je reçois de vous au commencement de ce mois la plus obligeante Lettre du monde, à laquelle vous me difpenfez même de répondre , pour en ufer plus poliment avec ma maudite parefie. Mais, Madame, il s'en faut bien qu'elle n'aille jufques-là; & fi elle étoit capable d'une fi noire ingratitude, je ne fais ce que je ne ferois pas pour la punir. Je crois. Dieu me pardonne , que j'écrirois au- tant qu'un brave Commandant d'un ar- rière - ban de Province , qui écrivoit tous les premier? jours de Tan à tous ceux dont il favoit feulement le nom , du nombre defquels j'étois , pour mes péchés. J'ai été fort frappé d*un trait de vo- tre Lettre , que la raifon éclaire , mais quelle ne conduit pas. Je ne le donnerois pas pour un des plus fins de la Roche- foucauld ; & fi je travaillois encore pour le Public, & que vous eufliez la géné- loûté de me le donner en pur don , je DE M. DE FONTENELLE. 2IÇ feroîs ravi de pouvoir m'en parer en quelque occafion qui en fût digne. Avez -vous donné de vos nouvelles tout auprès de moi (y) ? J'ai peur que non , & je n'ofe trop le demander. Je ferois fâché de non , par plufieurs rai- fons. Un petit mot d'éclaircifTement , s'il vous plaît, autant que cela fe pourra ; je me flatte que vous connoifTez ma dif- crétion. Je me flatte aufli , Madame , que vous favez combien je vous fuis ilncere- ment attaché , & que je ne manquerai jamais les occafions de vous en donner de nouvelles preuves. (jK ) A Madame d<; jMarJiLby. LETTRE X. A LA MÊME, 17 Juillet 3745'. IL y a déjà quelque temps. Madame, que vous avez reçu une réponfe fur l'affaire à laquelle vous aviez la bonté de vous intéreffer. Il n'eft donc plus quef- tion d'en parler j & il ne me reflie qu'à fil 6 Lettres vous remercier en mon particulier de toutes vos bontés pour moi , mais auffi vivement qu'elles le méritent. Je puis bien vous alTurer que j'en (ens tout le prix, & le fentirai toujours; mais je ne l'écrirai peut-être pas auili fouvent que je devrois, & vous avez même la bonté de me promettre de l'indulgence fur cet article. Cefl: tout ce qu'on peut faire de plus touchant pour un détell:able paref- feux , endurci dans fon vice par une très- longue fuite d'années. J'éprouve encore par d'autres endroits ces inconvéniens oe ladite fuite , & les tolère le mieux que je puis ; mais à la fin je ne ferai pas le plus fort : ce fot difcours-là même que je vous tiens en eft un effet , & je vous en demande pardon; du moins eft-il bien sûr que les fentimens que je vous dois ne s'en aifoiblifTent pas , & que per- fonne ne vous eft plus acquis que moi. C^^ LETTRE DE M. DE Font EN EL LE. Il'j LETTRE XL A LA M É M E, 15» Juillet I74f. VOus voyez, Madame, qu'il ns faut pas avoir trop de bonté pour moi, & que je fais bien en abu- fer. En vérité, il eft honter.x que je vous aie obéi fi exaclement fur la dé-. fenfe que vous me failiez de vous écrire. Il eft vrai que cela avoit i'ain de vous obéir , 6c par conféquent très- bon air de ce côté-là ; m,ais ne voyois- je pas bien que c'étoit une ironie pi- quante fur ma maudite pareue , & ne devois-je pas m'en reirtntir, 2c repouf- fer l'ironie en vous écrivant bien vite ? C'étoit bien là aufli mon premier d^ï- fein ; l'exécution en auroit dû être promptes mais de jour en jour il s'y eft toujours préienté quelque obfta- cle, qui n'en auroit pas été un pour un honnête homme, mais qui furafoic pour un infâme pareffeux. Ce qui me juftifie un peu, c'eft que sM étoit qucf; Tom& XI, T Si8 Lettres tion de la moindre affaire qui vous re- gardât , oh! non-feulement j'écrirois , mais j'agirois, j'irois , je viendrois ; on n'a pas un vice dans toute fa perfe(5lion , non plus qu'une vertu. Je vous fuis très férieufement & très- tendrement obligé, Madame, de Tin- térét que vous voulez bien prendre à ma fanté. Elle eft toujours à peu près la même, & je ne baiOe jufqu'à préfent que par degrés aflez peu fenfibles. J« ferois un ingrat, fi je me pîaignois de la nature à cet égard. On me prêche de tous côtés la lobriété, que je pratique peu ; mais la gourmandife eft encore pour moi un vice incurable aufîî-bien que la parefTe. Ces deux là mifes en- femble font un joli caraélere; c'efl dom- mage que vous les ayez oubliées dans ce portrait qui a tant fait d'honneur à Ma- demoifelle U Couvreur ( •{ ). Il m'eft arrivé une J avoue fecon- <^e C^/), qui en vérité efl jolie auffi ; elle fent un peu Saint-Cyr : mais cela (r) Célèbre Aftrice de la Comédie Françoife. On le lai avoic attiibué. (.i) Mademoiltlle de JlIarvnvLlîà , fœur de MaJenioifelle de Marjïll/. Elle iortoit de Suint" Çyr. CE M. DE FONTENELLE. 2Ï<) ne fe pouvoit pas autrement ; & je fuis bien trompé , fi ces apparences-là ne cachent quelque chofe de fort aima- ble. Je ne ferai point content qu'il ne coure par-tout Paris Thiftoire fcanda- leufe & incroyable de deux fœurs , jeu - nés & jolies, qui fe feront décoiffées pour moi. On m'a dit qu'il falLoit toujours vous écrire chez Mefiicurs vos frères , quand même vous n'y feriez pas. Si cette Lettre-ci vous y trouve, je vous prie do me permettre de les afl'urer ici de mes refpeds. Pour vous. Madame, je me flatte que vous êtes bien fùre de mon tendre & inviolable attachement. ^■' ^ LETTRE XI î. J LA M Ê M E. 1 Janvier I74<:î'. Uelque infâme parefîeux que je fois en fait de Lettres , je ne puis rédfier. Madame , à celle que je reçois de vous , & j'y réponds dans le moment. Malgré mon endurciffement Tij 220 Lettres dans le péché , je me reprochois déjà depuis afiez long- temps l'abus que je faifois de votre excès de bonté. Il eft vrai que je favois de vos nouvelles , & <]ueje ne manquois jamais de m'en in- former à ceux qui pouvoient m'en ap- prendre; mais cela fullifoit-il? Oh que non:& quel tort n'avois-je pas encore? Je vous demande donc pardon , Mada- me, & à deux genoux ; ce (eront-là vos étrennes , quoique peu dignes de vous. Je fuis un malheureux, indigne de vi- vre , mais qui ne puis pas me pafler de votre amitié^ que j'efpere pouvoir mé- riter d'ailleurs. Vous m'en avez fiat(é, & c'eft un bien qui me fera toujours très-, précieux. »aitjj.iitj^Jwurtiiiiiij» Tina Jjajuwfc'ui ILgf.l»W!WliaBBaf^ LETTRE XIII. A LA MÊME, i<) S"eptembre 174^. 'Al aflez fait. Madame, mon per- fonnage de parefl'eux. J'ai voulu par politique le faire même à votre égard, afin que perfonne ne fe crut plus en DE M. DE FONTENFLLE. 2211 droit de fe plaindre. Mais enfin il eft temps que cela finid'e , Se que je répon- de à la plus obligeante Lettre du mon- de que j'ai reçue de vous. Je vous prie de ne pas douter un moment que je ne la fente comme je dois; & en tout cas, je vous en convaincrois tôt ou tard. Je n'ai point de nouvelles à vous donner fur ma fanté ; c'eft toujours la même chofe, & je fuis feulement étonné que ce foit (i long-temps la même chofe; car il faut pourtant, &:c. mais je ne veux pas indftcr là dcfTijs. Mes filles (/;) font, comme vous fa- vez , hors de chez elles, fur une bran- che qui s'efl: trouvée-lù par hazard pour les recevoir, mais parfaitemeHt libres, & peut-être trop ; peut-être fentent- elles déjà les inconvéniens de ce qu'el- les 0!;t tant fouhaité. Pour vous , Ma- dame, je vous confeille, mais très-fé- rieufement, d'achever joyeufement vo- tre automne, comme vous lavez corn- rr'encée; & quand vous jugerez à propos de revenir ici, comptez que vousy ferez reçue dans la grande perî'edion. (i) Mefdemoirelles de Marf.lly. Leur aïeule, Madame ds Marf-Uy ^ venoit cls mourir. T iij &2.1 Po RTRAIT PORTRAIT DE iM. DE FONTENELLE^ Par feu Madame DE Forgeville , en 1716, LE s perfonnes ignorées font trop peu d'honneur à celles dont elles parlent, pour que fofe mettre au grand îour ce que je penfe de M. de. Fontcnclle ; mais je ne puis me refuf^ir en fecret le plaifir de le peindre icf tel qu'il me pa- loît. Saphyfîonomîe annonce d'abord Ton crprir;un air du monde répandu dans toute fa personne , le rend aimable dans toutes fes adionr. Les agrémens de refprlt en excluent fouvent les parties eflentielles. M. d& Tonunelle rafïemble tout ce qui fait ai- mer & refpedier. La probité, la droi- ture, Tcquité compofent Ton caradere ; une imagination vive, brillante, des tours fins , délicats , des exprellions nouvelles , & toujours heureufes , ea DE I\I. DE FoNTENELLn. 2^5 font l'ornement. Son cœur efl: pur. Tes procédés font nets, fa conduite unifor- me , & par-tout des principes. Exigeant peu , juftifiant ou excufant tout; aidfi'ant toujours le bon. Si aban- donnant fi fort le mauvais , que Ton pourroit douter s'il l'a apperçu ; difficile a acquérir , mnis plus difficile à perdre; exad: en amitié, fcrupuleux en amour, l'honnête homme n'eft négligé nulle part : propre aux commerces les plus délicats, quoique les délices des Savans; modefte dans fes difcours , (impie dans fes adions; la ruoériorité de ion mé- rite fe montre, mais il ne la tait jamais fentir. De pareilles difpoliîions perfuadent aifément le calme dans fon ame; aulli la poflede-t-il fi fort en paix, que toute la malignité de l'envie n'a point eu en- core le pouvoir de l'altérer. Enfin l'on pourroit dire de lui ce qui a déjà été dit d'un autre grand homme (c), qu'il honore l'humanité. (<) M. i/e Ta renne. Tiv 224 Lettre de M. de Brevedent LETTRE Ve M. DE Brevedent à Madame DE FORGEVILLE , qui lui nvû'u de- m~indé de. la van de il/. rAhlc Trublet, s'il n^avoit point qudqins La a es de M, de Fontenelle {d). II Mars i7îS. E ne vous al point cru en l'autre monde. Madame; j'ai fu au eon- tr^àre par tout ce qui a parlé de vous > combien voljs rainez d'honneur à ce- îui-ci. J'ai feulement penfé qu'aulîi tou- che'e que vous l'avez été de la plus grande àzs. pertes, il vous reQoit peu de rt-nfibilité pour tout ce qui étoit in- capable de'la réparer. Vous jugez bien, par ce fentiment , que l'apparence de [d) J'ai cru pouvoir placer cette Lettre à la fuite de celles de I\l. de Fontenelle à Madame deFor^c-ville ^ parce qu'elle m'a paru propre à juùifier ce qu'on y a lu fur M. de Brevedent^ Quoique je le faffe fans Uii eu avoir demandé h permiflion , je me flatte qu'il ne le trouvera poiat mauvais. A Madame de Forgeville. :22^ votre oubli m'a bien plus engagé à vous plaindre, que porté à me plain- dre de vous. Je fuis bien plus flatté qu'il ne me feroit poflible de l'expri-* mer, du fouvenir que la vue de M. de Brou (c) vous a rappelé. Je vois que je n'ai rien perdu de cette bonté dont vous m'honoriez, & qui, en vérité, eft & fera toute ma vie un E FONTENELLE. 2.2^^ iévénemens de forte qu'il en rélulte de certains effets furprenans, je vous avoue que je fuis beaucoup plus touché de voir régner dans un Roman une cer- taine fcience du cœur , telle qu'elle eft 5 par exemple, dans fa PrincclJe ds Cki'es. Le merveilleux des incidens me frappe une fois ou deux, & puis me te* bute; au lieu que les peintures fidelles de la nature, & fur-tout celles de cer- tains mouvemens du cœur prefque im- perceptibles, à caufe de leur délica- teflCjOnt un droit déplaire qu'elles ne perdent jamais. On ne fent , dans les aventures, que l'tifort de l'imagination -de l'Auteur; & dans les choies de paf- fion, ce n'eft que la nature feule qui fe fait fentir, quoiqu'il en ait coûté à l'Auteur un effort d'efprit que je crois plus grand. Vous trouverez dans Eiéo- 7iore cTTyrée beaucoup de beautés de cette dernière efpece, & des beautés fort touchantes. EUonon ^ le Duc de Mifn'u & MatUdc y font dans une fit ja- tion douloureufe , qui vous remplit le cœur d'une compafîion fort tendre, 8c prefqu'égaie pour ces trois perfonnes , parce qu'aucune des trois n'a tort, 8c û'a fait que ce qu'elle a dû faire. Le 230 Lettres ftyle du Livre eft fort précis; les paro- les y font épargnées, & le fens ne l'eft pas. Un feul trait vous porte dans l'ef- prit une idée vive , qui , entre les mains d'un Auteur médiocre , auroit fourni à beaucoup de phrafes, fi cependant un Auteur médiocre étoit capable d'attra- per une pareille idée. Les converlations font bien éloignées d'avoir de la lan- gueur; elles necondftent que dans ces fortes de traitsqui vous mettent d'abord, pour ainfi dire , dans le vif de la chofe , &: rafiTembîent en fort peu d'efpace tout ce qui étoit fait pour aller au cœur. En- fin, on voit bien que la perfonne quia fait ce Roman -là , a plus fongé à faire un bon Ouvrage, qu'un Livre; car, comme on le propofe d'ordinaire, pour un Livre ,une certaine étendue , & même un certain volume, on n'a pas accou- tumé d'être plus avare de paroles, que de penlées. Je ne vous en dirai pas da- vantage , Madame ; aufîi bien vous ne croirez de tout ceci que ce que votre cœur en fentira : mais pour cette fois j'efpere bien être d'accord avec lui. © DE M. DE FONTENELLE. 2^ t AVIS SUR LE MORCEAU SUIVANT. 7/ fut lu par M. de Fontenelle dans rA[fctnbUe. publique de C AcacUmie des Sciences d'après Pâques 1735", ^ ^^/^ trouve pourtant point dans iHifloire d& cette Compagnie : ceji ce qui a engagé à le placer ici, L 'Académie croit que le Public fera bien ai(e d'apprendre qu'a- près qu'elle a fait la defcription ac- tuelle de la méridienne de Paris dans toute l'étendue du Royaume , depuis fon exirémité feptentrionale jufqu'à fa méridionale , & enluite la defcrip- tion de la perpendiculaire à cette mé- ridienne pareillement dans toute l'é- tendue du Royaume, de l'orienta l'oc- cident , deux travaux pénibles & im- portans , elle vient d'entreprendre un nouveau travail du même genre, fans comparaifon plus pénible, & (i impor- tant , qu'on ne peut s'en paflTer , (i l'on veut rendre les deux autres autiî par- ^^1 Lettres faiiement utiles qu'ils !e peuvent être î c'eft la defcription aduelle de quel- ques degrés terreftres pris fous Téqua- teur, ou, (i les difficultés font invin- cibles ; celle d'une portion de méri- dienne qui parte de l'équateur , ou de quelque lieu fort proche. Par- là on connoîtra avec plus de certitude Tiné- galité des degrés terreflres, fi elle efl croififante ou décroidante de l'équateur vers les pôles. La célèbre queftion de la figure de la terre, célèbre du moins parmi les Savans, fera plus immédiate- ment décidée; &, ce qui regarde toute la fociété des hommes les cartes géo- graphiques deviendront plus exaétes, & la navigation plus fure. Il y a quelques jours que Meilleurs Godin , Bouguer èc de La Condaminc , ac- compagnés de toute la fuite qui leur efl: lîéceiTaire, font partis pour aller exé- cuter ce grand deflein dans le Pérou, dans de valies pays prefque inhabi- tés, où ils ne trouveront ni les corn.- modités que demandent les voyages, ni mcme afl'ez d'objets qui donnent prife à leurs opérations géométriques: ils les feront dans des terres qui n'y lont, pour ainfi dire, nulleraent préparées, ©E M. DE FONTENELLE. ^23 5 &: qui, à cet égard, autant qu'à aucun autre, font encore fauvages. M. de Jufjku^ frère de deux de nos Académiciens , habile Botaniile , & favant dans PHiftoire naturel'e , s'cft joint aux Géomètres ou Aftronomes; aufîî rien ne lera négligé de tout ce qui s'offrira dans le cours du travail principal, & l'on acquerra en chcmia ^Q^ connoiifances de (urcroit. Toute la Troupe eft honorée des ordres & des bienfaits du Roi , & de ceux du Roi é'Efpagne ; mais malgré la proteélion & les faveurs des deux Monarques, combien de fatigues , & de fatigues effrayantes , inséparables d'une telle entreprife ! Combien de périls impré- vus, & quelle gloire n'en doit-il pas revenir aux nouveaux Argonautes 1 l'orne XI, V 2^4 L E T T R ES, 5CC. £}jns le. rtmcr ciment à. Mcfjiciirs di VAca^ demie Françoife, prononcé par M, Linant h 2^ Août 1744 ' ^^ f^J^^ ^^ trois Prix di Pcéjîc qu'il avait remportés , on trouve les vers fuivansfur M. de Fontenelle. ^ U R tous les Arts , par Minerve infpirç , Un Sage que les Jeux entourent , Y montre le favoir de mille fleurs paré. Les Grâces , les Plaifirs à fes leçons accourent^ Ravis que Fontenelle , à leurs charmes livré, Soi: encore le flambeau de ce fiecle éclairé. Apres que M. Linant eut achevé fon remtr- ciment ^ M. de Fontenelle , Directeur de l'Académie , lui dit : Tout le monde fait combien le droit des trois Enfans étoit honorable & pré- cieux chez les anciens Romains ; vous avez ici pareillement , Mondeur , le droit des trois Enfans, tous couron- nés. Je vous en dirois davantage, files louannjes excefiives dont il vous a plu de m*honorer , ne me rendoient afïez légitimement fufpeâ;, HUIT LETTRES P £/ CHE VALIER D'HER, (PAR M. DE FONTENELLE; Supprimées dans les dernières Editions (g). LETTRE PREMIERE. yi Mademoîfcllc deJ..,.. en lui envoyant des Pdtés d'un Sanglier qui l'avait pcnjl bUjfcr à la chajje, C'eft la onzième de la première partie dans là première Edition. 'Al couru un grand péril , Mademoifelle ; mais enfin, mon ennemi eft défait, & je vous l'envoie en pare. Je l'ai fait bien faler & épicer, pour conferver Jâ mémoire de mon triomphe, en mon- (g) Vqyei ravertifTemenc de la féconde Edi- Ûon. Ott l'a léiiîiprimé dan* le Tome X de»- Q.^6 Lettres îrant ce cadavre. Si j'avois eu le fecret des anciens Egyptiens, je l'eufle em- baumé , & i'eufle fait de mon Sanglier une Momie ; cela eût duré une infinité de fiècles. Mais, par malheur, nous autres Modernes, nous n'avons point d'autre fecret que la pâtilTerie. Figurez- vous , Mademoi(elle, que, comme j'étois à la chafiTe avec M. le Baron de lani- mal que vous voyez, ne trouva pas bon q\ie je le tuaffe. Il fuyoit, & tout d'un coup il retourna vers moi avec fureur, Là-delfus je m'arrêtai pour dé- libérer. Je ne favois s'il n'étoit point envoyé de votre part contre moi; car tout ce qui me paroïc bien redoutable, je crois aullî-tôt qu'il me vient de vous. Je favois bien qu'en ce cas-là , mon de- voir de parfait amant étoit de me laif^ fer manger. Mais quand j'eus bien exa- miné le Sanglier, je ne trouvai pas qu'il eût l'air (i aimable, que l'ont vos ligueurs & vos cruautés. Il refloit en- core une grande difficulté; favoir , fî je ne devois pas mourir , pour finir Iqs Œuvres de M. de Fontenc/le , première fvartie, pai^e So. La première Edition des Lettres du Chevalier d'Her** eft de 1683. Elles parurent iiiimédiatcmeut après les DUIo^uqs des Mons^ Galantes; i-^j triftes deftinées que vous me faîtes ; mais ce fentlment me parut trop inté- refle pour le iuivre; & je crus qu'il y alloit de votre honneur, qu'un Amant qui vousefl auOî fidelle que moi , vécut, quoiqu'il n'y trouvât pas fon compte. Le zèle que j'ai pour votre gloire , coûta donc la vie au pauvre Sanglier, qui ne croyoit pas avoir aff^îire à ua homme animé par un morif fi puilfant. Je le perçai d'un coup de moufqueton, & je ne crois pas qu'une autre fois des Sangliers ofent fe jouer à ceux qui confervent leur vie pour v ;us. Je ferai trop heureux, Mademoifelle , fî vous mangez de celui-c avec quelque fen- îiment de vengeance , fur ce qu'il m'a ofé mettre en péril, & fi cela vous en leleve le goùc. 33^ Lettres LETTRE II. 'A M. C . . . fur U tremblement de terri qui arriva à Paris en i582. Treizième de la première partie. IL faut avoir recours aux Philofo- phes dans les occafions. On (e mo- que d'eux, quand on efl: en fureté; mais quand la terre tremble , on les refpede. Nous croirons. Madame de B &: moi , qu'il n'y a point de teints , & que les bétes font des ma- chines , 8c tout ce qu'il vous plaira, pourvu que vous nous difiez quel re- mède on peut trouver à un tremble- ment de terre. Nous penfions que le plancher de Paris fût fort bon , mais il n'eft pas fi ferme que nous l'avions cru. On nous dit qu'il y a des pétards & des façons de mines qui le foulevent ; franchement cela n'eft point agréable. Nous ne voudi ions pour rien loger fur des mines. Ces tremblemens de terre font des renverfemens terribles ; As piettent des rivières où i^ n'y en a \^z Galantes. 23^ maïs eu: Us en engloutiflent quclqp.e- fois ; ils font paroître de nouvelles montagnes , & cilparoître les ancien- nes. Pour nous , nous trouvons les chofes fort bien comme elles font, & nous ferions fâchés qu'il y eût rien dâ changé. Nous regretterions la plus pe- tite rivière & la plus petite montagne des environs de Paris. Ce qui m-i raiTure un peu , c'efl: que je ne crois pas que la terre ofât entreprendre d'avaler une fi grande ville: mais il j'étois dans la petite bicoque où vous êtes , j'auroisi grand'peur ; la terre ne fauroit fi peu bâiller , qu'elle ne TengloutinTe. Elle ne vient d'avoir qu'un petit frif- fon qui lui a couru entre cuir 5«: chair; mais Dieu la préferve d'une fièvre vio- lente. Apprenez-nous un peu ce qu& dit la Philofophie de tout cela , & fi elle demeure les bras croifés fans y mettre ordre. Pour moi , depuis que j'ai fenti mon lit aller & venir, fehauf- fer & fe bailTer , je ne crois plus qu'il y ait rien de fur dans le moade. IB40 Lettres LETTRE III. A Mademoifdk de V.. , , , fur un cheveu blanc quelle avoit. La cinquante-quatrième de la féconde partie. E vis hier , Mademoifelle , un homme qui avoit .ilfifté à un des plus agréa-" blés fpedacles du monde. Vous étiez à votre toilette , & il dit que dès que vous eûtes ôté un petit bonnet , & lâché quelques cordons , il vit tout d'un coup le plancher couvert d'une forêt de cheveux noirs. Il ne fa- voit d'abord d'où tant de cheveux pou- voient venir; il voulut remonter juf- qu'à leur origine; & après qu'il eut fait des yeux un afl'ez long chemin , il remarqua qu'ils venoient tous de votre tête. 11 n'eût pas cru que de votre tête il eût pu rien partir qui tût arrivé ju(^ qu'au |:lancher. Mais ce, qui le furprit encore davantage , c'efi: que parmi tous ces cheveux, il en apperçut un d^une blancheur très- éclatante, l'eut-ctre dans cette eliTO)'able quantité que vous en avez. Galantes. 241 avez, il faut qu'il s'en trouve de toutes les façons: que fait- on fi, en cherchant bien , on n'en découvriroit pas de rou- ges ^ deverds? Dans un fi grand nom- bre, rien n'eft impolîible. Cependant: je croîrois plus volontiers que ce che- veu blanc auroit quelque caufe parti- culière, & quil faudroit l'attribuer à quelques foucis qu'on vous auroit don- ne's. Et quels foucis? Je vous demande pardon , mais franchement je n'en con- nois que d'une efpece qui puifle faire blanchir les cheveux d'une fi belle brune 11 y a quelqu'un caché dans hi foule de vos adorareurs, à qui vous vou' lez plus de bien que vous ne dites. Ah î trois & quatre fois heureux l'auteuc de ce cheveu blanc ! Je mourrois fatif- fait, fi j'en avois fait autant en toute jna, vie. Cependant je doute fort que j'y puiiTe réuiîir , quand même vous prendriez en moi tout l'intérct polli- oie. Je ferois fi fournis , fi ailîdu , (î fidelle , que mon proce'dé ne vous pourroit jamais donner aflez d'inquié- tude pour blanchir un feul de vos cheveux ; & s'il ne tenoit qu'à cela, vous les auriez encore avec moi à l'âge de quatre-vingts ans aulii bruns Tome XI, X 242 Lettres que vous les avez. Aimez-moi , Made- moifelle, fi vous m'en croyez, pour la confervation de leur belle couleur; ou, fi ce parti ne vous plaît pas , du moins aimez avec un peu plus de mo- dération celui que vous aimez. Ne fau- riez-vous avoir un peu de paiVion , fans blanchir aufli-tôt f Tâchez de vous y prendre un peu moins violemmeiit. L'amour eft fait pour mettre im nou- veau brillant dans vos yeux , pour, peindre vos joues d'un nouvel incar- nat, mais non pas pour répandre des neiges fijr votre tête. Son devoir eft: de vous embelûr; ce feroit grand'pi- tié qu'il vous vieillit, lui qui rjjeunit tout le monde. Arrachez de votre tète ce chev-^u blanc , & en même temps arrachez en la racine qui eft: dans vo- tre cœar,& prenez des affed ions plus gaies. f^j^ Gal antes. 2^y' LETTRE IV. Al^ MÊME, SUR LE MÊME SUJETS La cinquante-cinquième. NE VOUS plaignez point , Mademoî- __ fclle, que ce cheveu blanc, qui devoit naturellenient, dites vous, paf- fer pour une marque de fagefle , n'ait paflé chez moi que pour une marque d'amour , c'ed-à-dire , de fo!ie, fc-lori votre interpre'tation. Telle eft la con- dition des jeunes & jolies perfcnnes ; elles peuvent par quelque grand halard être fages , mais on n'eR pas obligé de .le croire. Qu'elles en donnent tant de preuves qu'il leur plaira y il y a tou- jours des incrédules. Vous vous êtes peut-être blanchi ce cheveu à méditée protondément iur la vanté des chofes de ce monde, fur la brièveté de la vie, fur l'inutilité de tout ce qui nous oc- cupe; mais ne ptnfez pas , s'il vous plaît, vous faire honneur d'avoir élevé vos penfées h haut Vos cheveux en fuITent-iis devenus plus blancs que, X ij 244 Lettres ceux de Madame qui n'a pour-^ tanr jamais eu de ces fortes depenfées, cela ne ferviroit de rien à votre ré- putation. Renoncez à la morale, Ma- demoifelle, ou renoncez à Taimable fi- gure que vous avez: ce font deux cho- £cs incompatibles ; on ne vous les per- mettra point toutes deux enfemble; & quand il s'agira de deviner la caufe de votre cheveu blanc , on l'attribuera plutôt aune infidélité qu'on vous aura faite, qu'à la fagcfTe de vos réflexions. Ce feroit pourtant une chofe incroya- ble qu'on vous fit une infidélité, mais il le (croit encore davantage que vous filîiez des réflexions. LETTRE V. A MademoifdU de F. .... fur ce qiidk alloit apprendre à chanter» La cinquante-fixieme. JE rentre au logis , Mademoifelle l après avoir couru toute la matmée pour trouver lia eu delà peine à jiiie promettre trois viûtjs par iemaine. Galantes; 24J pour vous; &)e ne fais, quoique Je les aie obtenues , li je l'ai preflé avec toute la chaleur poflible de me les accorder. Je ne contribue pas trop volontiers à vous faire avoir de nouveaux char- mes; vous n'en avez déjà que trop, & s'il ne tenoit qu'à moi , je retrancherois plutôt que d'ajouter. Je tremble, quand je fonge que vous faurez chanter , & qu'aflurément vous chanterez bien, car vous le voudrez. Votre bouche , qui n'efl: encore que je ne fais quoi d'incar- nat & de façonné, fait déjà me trou- bler quand je la regarde; & que fera- ce, quand il fortira de-là des fons ten- dres & doux? Je vous avouerai pour- tant que ce feroit toute autre choie , fî ces fons tendres & doux n'étoient point notés , Ci vous les preniez dans votre cœur, & non fur un papier, &c fi c'étoit un maître à aimer, plutôt qu'un maître à chanter, qui vous les eût appris. Xiij û^6 Lettres LETTRE VL A M. DE B Jlécii a une querelle qu'il avait , pour avoir prejcrl les perfonms maigres à cdlcs qui étaient, grajfes, La einquante-fèptieme. CR Q 1 R T E z- VOUS bien que j'ai une querelle fur les bras , moi qui n'en ai point encore eue depuis que je fuis dans le Service ? J'avois dîné l'autre jour bien tranquillement dans mon au- berge, & au fortir de table , je me pro- menois dans la cour avec quatre ou cinq Cavaliers. Les nouvelles avoient été épuiiées pendant le dinsr ; de quoi s'entretenir après les nouvelles 't II ne reiloit plus que les Dames. Une con- verfation d'auberge ne pouvoit pas rouler fur des matières de galanterie auOi fines & aufii délicates que les con- verfations de Clélie. On ne paria point des différences de l'amour & de l'ami- tié, ni de l'art de démêler le procédé Galantes. 247 de refprlt d'avec celui du cœur; il fut feulement queftion de favoir lefquelles font les plus belles des grofles perfon- nes ou des maigres. Puifqu'il faiîoit choiur une extrémité-, je me déclarai pour les maigres. Il y avoit là un Ca- pitaine réformé , qui commença à fou- tenir le contraire avec chaleur. Il fal- lut que j'élevafle mon ton naturel pour répondre au /len. Je tournai en ridi- cule la majefléqu'i' attribuoit aux grof- fes perfonnes , & je le fis fi heureufe- ment , que les rieurs fe mirent de mon coté. Quand il voulut fe moquer des maigres , on ne rit point : voilà jnon homme au dé(cfpoir. j'avoue que le triomphe des m.aigres m'enfla le cœur, oc que je pris un air viétorieux. Il voulut s'en venger par quelques pa- roles qui s'adrefierent perfonneîlement à moi; mais ces autres Aîeiïieurs cru- rent qu'il étoit de leur devoir de faire finir la converfation. Ils mi'ont dit que ce qui Tavoit mis dans les intérêts de l'embonpoinr , eil: une trcs-grofle per- fcnne qu'il adore: mais ils eulTent dû me faire quelque fgne , pour m'ea avertir; &. comme je ne fuis amoureux d'aucune perlbnne qui foit maigre , Xiv p.^S Lettres j'eufTe cédé aufli-tôt. Il y a peut-être quinze jours que cela s'eft pailé. J'ai fait des avances à M. le Capitaine, pour lui faire oublier notre difpute; mais il ne me paroît pas difpofé à en- tend: e parler d'accommodement. Je crois qu il veut avoir ce mérite-là au- prèL- de fa Maîtreire, ik que dans les tendres proteflations qu'il lui fait , il y mêle des ferm.ens de ne pardonner jamais aux ennemis de l'embonpoint. Hier, je vouîois aller à une certaine heureprécife chez une aflez jolie femme: le temps me preflbit; on n'avoit pas trouvé mes porteurs; j'y allcis à pied ik fort vke. Je pouflai un peu quel- qu'un en paflant dans une rue; juf- îemcnt c'etoit le Capitaine, qui me dit fièrement: Morbleu , Monfieur , pre~ re^ garde à ce que vous fd'ita. Comme je n'avois pas un moment à perdre , je lui répondis d'un air chagrin , & fans re- garder: Je nal pas le loifir de me battre contre vous , j\ii entre chnfe à faire ; & je paflai outre. îl eût été ravi d'avoir une occal'on de ferrailler ; mais franche- ment, je n'eus pas aflez d'honneur dans ce temps là pour lui tenir tête. Je ne iais ce qui arrivera de tout ceci ; il Gala ntes. 24^ feroît plaifant que la quedion de la grofleurou de la maigreur des Dames, nous envo) ât devant Mefiieurs les Ma- réchaux de France. Je remarque que mon ennemi va par les maifons, ani- mant & foulevant toutes le? grofies perfonnes contre moi; & depuis quel- ques jours je trouve qu'elles me regar- dent de mauvais œil. Que ferai-je , mon pauvre ami , dans un péril fi preflant? Je crois n'avoir pas d'autres redburces , que d'armer toutes les maigre;] pour ma défenfe. •» -- . ■ LETTRE VII. A Mademo'ifdk dcJ. fur le chagrin qu'il a di la quitter , pour alUr favn' ^n lUndrèS, , La cinquante-Iuiicieme. E demande pardon au Roi & à ma Pairie, du regret que j'ai de partir pour les Pays-Bas, & d'aller trouver mon Régiment; mais en vérité, Ma- demoifelie, vous êtes bien aimable, & je vous laiflTe avec un Rival. Dès que. j2|o Lettres vous ne me verrez plus , vous oublie- rez combien je vous aimée , & vous croirez que mon Rival vous aime af- fez; mais prenez _, je vous prie, un état de mon amour, pour le pouvoir tou- jours comparer au fien. Hélas , il va jepréfenter fur votre coeur tout ce que Tious allons faire dans les Pays-Bas, aiïauts, embufcades, furpriles. (Xc. Que fera-ce, s il réufîit , com.me nous réuf- l]rons , fans doute? Quand nous aurons bien pris des villes, j'y fuis peut-être pour la vingt millième partie de la gloire; mais quand à mon retour, je trouverai votre cœur pris , j'y fuis pour tout. Je tâcherai à mériter que la Gazette parle de moi, pour vous faire fouvenir de mon nom : miais le mal- heur eft que je ne pourrai pas faire mettre mes foupirs dans la Gazette; Se mon nom fans miCS foupirs, c'efl; bien peu de cbofe. Il me femble qu'il y a lin fort mauvais ordre pour les Amans qui vont à la guerre. Le Roi donne à ceux qui ont des affaires & des dettes , de certaines Lettres d'Etat , par les- quelles les poui fuites que leurs créan- ciers feroient contr'eux , font arrê- |:ées 3 tandis qu'ils font en campagne Galantes. 2<^t pour le fervice de Sa Majefté ; autre' ment il feroit bien cruel qu'ils trou- vaflent à leur retour , qu'on (e feroit fervi de leur abfence pour renverfer tout chez eux. Ne devroit-il pas y avoir aufti pour les Amans des Lettres d'E- tat, qui empêcheroient , pendant qu'ils font à l'armée , qu'on ne profitât de leur éloignement pour leur enlever le cœur de leurs Mc.itreiïes ? On revient chez foi , après avoir expofé fa vie pour fon Priiice ; on trouve une in- iidelle de la façon d'un hom.me de Kobe , ou d'un Citadin. C'efl: là un grand défagrément dans le Service; &c quand Meflîeurs les Minières y auront .penfé, je crois qu'ils y remédieront. II n'y aura que les belles qui voudront peut-être s'y oppcfer , à caufe de la trop grande fidélité qu'on exigeroit d'elles , ou de linutilité de vie où elles feroient réduites pendant toutes les campagnes; mais il n'imiporte : le bien public le doit emporter fur tout ; le Roi feroit afTu rément mieux fervi. Je vais tâcher d'infpirer cette penfée à ceux qui approchent les Puifiances ; & fi je puis , je vous obligerai bien à m'être fidelle , en vertu d'une Déda- Ê ^2 Lettres, Sec. ration du Roi, puifque vous ne voulez pas l'être naturellement. LETTRE VIII. ^ Madame en lui envoyant du vermillon pour une de Jes amies. La cinquante-neuvième. \rOus m'honorez beaucoup, Ma- dame, de m'avoir choifi pour me confier les befoins du teint d'une de vos amies. Je vous envoie le meilleur verm.ilion de Paris. Je fouhaite que la Dame pour qui vous me l'avez deman- dé, & que je crois deviner, en foit con- tente , & que M. le Comte de. ... . y foit trompé: mais je crains que fou vermillon ne lui foit allez inutile, li Ton vous voit toujours toutes deux enfemble , comme à l'ordinaire. Votre teint enlaidit plus le fien , que mon rouge ne pourra l'embellir. Si vous vouliez être amie généreufe , vous prendriez un peu de ce que je vous envoie , pour avoir le teint moins beau , & n efiacer pas celui de Madame Avertissement. 2^f de. avec tout le (ecours qu'il pourra avoir Peut être même le de- vriez-vous faire par votre propre in- térêt; car, parce que vous aurez un incarnat plus vif que Madame de on croira qu'il lera emprunté , & que le (ïen fera naturel. Au refte , Madame, foyez fàre du fecret que vous ms de- mandez. J'ai une égale difcrétion pour Jes cœurs de pour 1-s teints qui ont de la confiance en moi ; & vous verrez que, quand je rencontrerai votre amie, je ferai le premier à admirer ce que j'ai acheté. AVERTISSEMENT De la première Edition des Lettres du Chevalier d'Her * *j en i 5 8 3 , Le Libraire au Lecteur. J E ne fais fi ces Lettres pafTeroiènt aifément pour être d'un Grammairien fort exaâ: dans la Langue ; mais- on. reconnoîtra qu'elles font d'un homme du monde, qui parle agréablement, 6c ^14 Avertissement. c^ui écrit comme il parle. On dit que ce doit être là le caractère des Lettres. On n'a rien voulu changer en celles- ci; & à la réferve de quelques endroits qu'on a retranchés , parce que c'étoit quelque chofe de trop particulier qu'on n'auroit pas afl'ez entendu , on les donne telles qu'elles ont été envoyées dans les divers temps que TAuteur les a écrites. Ceux à qui elles s'adrefl'ent, rendront témoignage de cette vérité. Ce font gens très-connus pour la plu- part , & qui ont beaucoup d'eftime pour le Cavalier qui a commercé avec eux. m U'a 't C: .V» _-a. <$.^;P.x>Kî*' ''-,•■ Z) / r E RS E S DE MONSIEUR DE FONTENELLE. *J[li''ics pour la plupart des anciens Mejvures, LE ROSSIGNOL , LA FAUVETTE ET LE MOINEAU, FABLE. ^1^^^'^ E tendre Ro/îïgiiol & le galant Moi- '■r-;^^?ijî neau , ii'f^ijlji L'un & l'aiure amoureux de la jeune. Fauvette , Sur les blanches d'un j -une ormeau Lui pailjjent un jour d'amourette. j2^6 Poésies Le petit Chantre allé , par des airs douce* reux , S'eiforçoic d'amollir le coeur de cette belle. Je ferai , lui dit-il , toujours tendre & fidelle , Si vous voulez me rendre heureux. De mes douces chanfons vous favez l'harmo» nie, Elles ont mérité le fufFrage des Dieux. Déformais je les facrifîc A chanter vos beautés ; votre nom en tous? lieux ; Les Echos de ces bois le rediront uns ceffe ; Et j'aurai tant de foin de le rendre écla-? tant , Que votre cœur enfin fera content De voir l'excès de ma tendrefTe. Er moi , dit le Moineau , je vous baiferaî tant A ces mots , le procès fut jugé dans l'inftanc En faveur de l'oifeau qui porte gorge noire. On renvoya l'Oifeau chantant, Voili la fin de mon hifl^oire. En voici la morale , Se qu'il faut retenir. Beautés, qui tous les jours voyez dans vos ruelles Un tas d'Amans tranfis ne vous entretenir Que de leurs vains foupirs , de leurs peines cruelles, Et d'autres fades bagatelles , Sonnet Diverses. Sj'y Songez à préférer le folide au brillant. On fe pafTe fort bien de vers , de chanfonnette j Le raient du Moineau , c'eft là le vrai talent. Je fais mainte Cioris du goût de la P'auvette , A moins qu'il ne Ce trouve un tiers Oifcau don- nant : Alors il n'eft pas étonnant Que ce dernier gagne fur l'étiquette. L'AMOUR NOYÉ (h). P '^7 7- Hilis plongeoit l'Amour dans Teau , L'Amour fe fauvoic à la nagej Il revenoit fur le rivage , Philis le plongeoit de nouveau. Cruelle , difoit-il , vous qui m'avez fait naître,'' Hélas ! pourquoi me noyez-vous ? Eft-ce que vous voulez m'empêcher de pa« roître ? Prenez-en un moyen plus doux, {h) On avoir joué au jeu At noyer, où de deux per- fonnes propcléesàune troiiieme^ celle-ci en noyé une. L'Auteur avoit été noyé douze fois par une jolie peC" fonne qu'il aimoic. jV'o.V de l' /tutiur. Tome XI, Y 2^8 Poésies Je ne paroîtral point, c'e.'r une affaire faite ; Je ne vous ferois pas pourtant de déshon- neur : Au lieu de me noyer , donnez-moi pour re- traité Un petit coin de votre cœur. Je vous reponds qu'il feroit impofTible Ce trouver un endroit plus propre à me cS" cher : Comme on fait qu'il me fut toujours hiaccer- lible , On ne viendra pas m'y chercher. Philis ne l'en voulut pas croire ; Ce n'eft pas qu'après tout l'avis ne fût fore bon j Pour réponfe elle le fit boire. Mais boire plus que de raifon. Tel qu'un petit barbet qu'à l'eau Ton maître ea^ voie. Et qui de ce péril , "lès qu'il eft échappé , Revient à fon maître avec joie , Tout dégouttant & tout uempé; ^Tel l'Amour s'expofant à des ligueurs noU'^ velles , A peine forci du danger , Diverses. ^yp Kevenoit vers Pliilis en fecouan: (es aîles. Quoiqu'il fut que PKilis alloit le replonger. JLes forces cependant à la fin s'épuiferent j Il étoit las de faire le plongeon : 11 fe rendit, & les bras lui manquèrent. Il fallut qu'il coulât i fond. I,e croira t-on? Philis en fut ravie ; Car elle le noyoit pour la douzième fois. Elle hérita de l'arc , des traits & du carquois. Dont elle s'cft fort bien fervie. Pour le petit Amour , je ne puis concevoir Qu'à la na^e onze fois il foit forti d'affaire : Sans beaucorp de vigueur , cela ne fe peut faire } Le pauvre enfant n'en devoit guère .avoir. Il fut toujours mal nourri par fa mère. Quoique l'efpoir ne foit qu'une viande légère,' A peine fut-il né , qu'on le fevra d'efpoir. Si Philis un peu moins injufte, L'eiit traité comme il faut, en lui donnant le jour, C'eût bien été l'Amour le plus robufie Que l'on eût vu de mémoire d'Amour. ti:5o Poésies tPITAPHE DE VAMOUK. Ci gît l'Amour ; , Philis a voulu fon trépas , L'a noyé de fes mains \ on n'en fait pas la caufe. Quoique fous ce tombeau fon petit corps re- pofe, Q l'il fût mort tout-à-fait , fe n'en répondrois pas. Souvent il n'efl: pas more, bien qil'il paroifTe l'être. Quand on n'y penfe plus , il fort de fon cer- cueil; Il ne lui laut que deux mots , un coup d'œil, Quelquefois rien , pour le faire renaître. wm^* I ,— — — »--i.- -■■■■I ■ ■■■ .. . ■L..-I , ■■■■—■i^ SONNET A une de fes amies , qui l^ avoit. prie de lui apprendre r LjpagnoU 16-7 y. A Arec que î'Efpagnol eft une Langue fiere , Je vous le dois apprendre ? Hé bien , foit , coi'ïï'^ mençons ; Mais ce que je demande à ma belle Ecoliere, C'eft de ne fe jamais fervir de mes leçons. Déjà fi fièrement votre ameindifférente Oppofe à mon amour, qu'il ne faut point aimer t Que même en Efpagnol , y furtîez-vous favante , Vous auriez de la peine à vous mieux exprimer. Croyez-moi , le François vaut bien qu'on le pré- fere A la rude fierté d'une Langue érrangere. De ce qu'il a de libre , empruntons le fecours. Mais que de fon côré , I'Efpagnol fe confole ; Car ne pouvons nous pas mêler dans nos amours^ Et liberté françoife, &: conilance efpagnole \ ^62 Poésies ÉLOGE D E MA R Q U È S, Petit Chien Aragonois. OAveZ'VOus avec qui,Philis, ce petit chiea Peut avoir de la reflemblance ? Çà devinez , fongez-y bien ; La chofe eft affez d'importance. Pour percer le myftere & vous y faire four , Examinez Marques, fon humeur , fa figure; Mais eiiiin cette énigme ert-elle trop obfcure? Vous rendez-vous? il relfemble à l'Amour. A l'Amour ? direz-vous ! la comparaifon cloche , Si jamais on a vu comparaifon clocher. Eft-ce que de l'Amour un chien peut appro- cher ? Oji-dà , Philis , il en approche. . Mrtis en approcher ce n'eft rien ; Je dirai davantage , & j'augmenterai bien Diverses. 263 La furprife que je vous caufè. Votre chien & TAmour , l'Amour & votre chien j Ceft jus vert, vert jus , même choie. Marques fur vos genoux a mille privautés , Entre vos bras, il fe loge à toute heurej Et c'eir Li que l'Amour établit fa demeure , Lorsqu'il eft bien reçu de vous autres beautés. On voit Marques fe mettre aifément en colère/ Et s'appaiftr fort aifément, ConnoifTez-vou': l'Amour? Voilà fon caraéletej Il fe fâche & s'appaife en un même moment. Afin que votre chien ait la tùlle mieux faite, Vous le traitez aiïez frugalement; Et le pauvre Alarquès , qui fait toujours diète, Subfi/te je ne fais comment. L'Amour ne peut trouver chez vous de fub/îA tance , Vous ne lui fervez pas un fêul mets nourriflantj Et s'il ne vivoit d'efpérance, Je crois qu'il mourroit en naiffant. Avec ce petit chien vous folâtrez fans ceffe En folâtrant ce petit chien vous mord : On joue avec l'Amour; il badine d'abord, Mais en badinant il vous bkfîe. 2.6^ Poésies Loin de punir ce petit anima] , Ne rit-on pas de fes moifures ? Encor que c'e l'Amour on fente les bleflures,' A TAmoiir qii les fait, on ne veut point de mal. On veut qu'ur cliien fo"t tel que quand il vient de naître j Et de peur qir'ii n-^ croifTe , on y prend mille foins. Il nt; faut pas en j rendre moins , Pour empêcher ''Amour de croître. iVous careflez Marqué^ , parce qu'il eft petit; S'il devenoit trop grand , il n'auroit rien d'aima* ble. Un petit Amour divertit j S'il devient trop grand , il accable. jyiais j'entends que Marques fe plaint du mau- vais tour Que lui fait ma Mufe indifcrete. 'Ali 1 vous me ruinez , vous gâtez tout , Poète , Dit-il , en me faifmt reflembler à l'Amour. L'Amour n'cft pas trop bien auprès de ma Maî« trcfîe ; Si vous ne le favez , elle l'a toujours fui ; Etc'eft affcz pour perdre (a tendrefîe, Que d'avoir par malheur du rapport avec lui. E4 Diverses. ûSf En mon état de chien , j'ai Tame afTez contente , Je fuis heureux par cent bonnes raifons. J'ai bien affaire , moi , que vos comparaifonîf Viennent troubler ma fortune préfente. Et fi, pour reffembler aux Dieux, I\Ia MaîtrefTe me difgracie, A votre avis , m'en trouverai-je mieux ? Non , non , c'eft trop d'honneur , je vous en re- mercie. Ah ! mon pauvre Marques , ce feroit grand'pitié « Qu'après avoir quitté pour elle père & mère , La patrie aux grands cœurs toujours aimable & chère , Tu te vifTes difgracie Pour une caufe fi légère. Non , cela ne fe peut. Fais valoir tes appas : Cher Marques , ta MaitrcfFe aime que tu la flat-f tes; Carefle-la , tiens- toi fans ceiïe entre fès bras , En aboyant, en lui donnant tes pattes , Explique-toi le mieux que tu pourras. Et loin qu'elle te foit cruelle , Parce qu'avec l'Amour on te voit du lappoit.' Fais que l'Amour trouve grâce auprès d'elle, Puifqu'il te reflemble ii fort. Tom& XU lU j 5<5(5 Poésies L'INDIFFÉRENCE A IRIS. 16-^8. ^ Ans doute , belle Iris, je vous ai bien fervie; Vous avez jufqu'ici vécu tranquillement ; JVIais depuis peu , dans votre train de vie, J'apperçois quelque changement. Cet heureux temps n'eft plus , ce temps (\ favo- rable Pour un règne comme le mien , Où vous ne laviez pas que vous fulTiez aimable , Où l'on ne vous en difoit rien. Vous fouffrez maintenant des gens qui vous le difent: Sur ce que vous valez, ils vous ouvrent les yeux j Et depuis qu'ils vous en inftruifent , Voui en valez mêmeencor mieux. Vous voyez chaque jour voue méirite croître j Pourquoi faut-il qu'on vous l'ait découvert ? Vous voudrez éprouver peut-être ^ quoi tant de mérite fert. Diverses. 26'/ Vous voudrez voir fi !a t-ndreffè Ne le fauroit pas mieux mettre en œuvre que moi; Car ii eft , entre nous , d'une certaine efpecc Aflez propre à ce doux emploL Cultiver les talens d'une jeune perfonne , Animer fa beauté , façonner fon efprit , Ce n'eft pas un métier à quoi je fois trop bounc; L'Amour , dit-on , y réuflît. Dirai-je tout ce que je penfe ? Vous avez un Tircis , Iris , qui me déplaît , Qui , toujours en votre préfènce , Quoique vous duffiez bien prendre mon intérêt. Dit du mal derindiftérence. Il dit que je ne fuis propre qu'à vous gâter. Qu'il efl: raille plaifirs que vous pourriez goiîter. Que je vous fais perdre votre bel âge : Je fuis lafFe de tout cela j Et fi vous le voulez écouter davantage, De bonne foi , je vous quitterai -là. Auffi bien, fi fon amour dure, { Er franchement j'en ai grand'peur ) La victoire pour moi n'eft pas chofe trop fûre; Tant de foins , de refpeds , font de mauvais an* Zij ^6S Poésies Et m'annoncent toujours qu'il faut fortir d un cœur. Encor fî j'avois efpérance Que de votre froideur on dût fe rebuter. Je ne voudrois pas vous quitter. Et du moins j'aurois patience. Mais Tircis n'eft pas fi-tôt las : Il a de votre cœur entrepris la conquête. Puifqii'il s'eft mis ce deflein dans la tête , Je le connois , il n'en démordra pas. Jufqu'à ce qu'à fon point il vous ait amenée j Vous obféder fera fon feu! emploi j C'eft une humeur tellement obftinée , ^ Qu'il faut qu'on l'aime, ou qu'on dife pour- quoi. Ainfi donc, j'aime mieux céder de bonne grâce. Que de me voir obligée à céder; Votre cœur eft de plus une efpece de place , Que, fans beaucoup de peine, on ne fauroit garder. Je prévois qu'il faudroit le défendre fans cefTe, Tout le monde l'attaquera. Il eft plus à propos qu'enfin je vous le laiflê, Vous en ferez tout ce qu'il vous plaira. DiVE RSES. 25p Quand je m'en ferai retirée , J'en veux chercher quelqu'auue où je demeure en paix. Il en ell, & pluiieurs, où je fuis afTurée Qu'on ne m'attaquera jamais. REPONSE D'IRIS A L'INDIFFÉRENCE. QUoi ! vous m'abandonnez , hélas ! ma chère hôtefTe , Vous me dites adieu dans mon plus grand be- foin : A quoi bon démon cœur avoir pris tant de foin,' Pour fuir , quand on en veut furprendre la tcn- drefTe î Mais que! fujet encor vous force à me quitter ? .Tircis médit de vous ; voyez la belle affaire ! Quoi ! pour des mots faut-il fe rebuter î Vraiment vous ne réfiftez guère j Il ne faut rien pour vous épouvanter. Ziij i-jo Poésies Montrez-lui ce que c'eft que cette indifférence Qui régna fi long-temps dans mon cœur eiî« durci ; Vous voyez qu'il fe fie en fa perfëvérance j Hé bien, perfévérez auiîi. Plus l'ennemi vous parcit redoutable , Et plus vous trouverez de gloire à mériter : - C'eft jnftemenr parce qu'il eft aimable , Qu'à de plas grands efForts il faut vous exciter; De plus, quand vous m'aurez laifTe'e, îi Tircis me laiiToit, à pa'lcr franchement. Je ferois bien embarrafTée, De n'avoir plus ni vous ni me n Amant» Donnez moi donc le temps d'éprouver fa cons- tance , Atant qu'à vous q:itter )z puifle confentlr^ Après cela, fi vous voulez partir. Il faudra prendre patience. Souvent les Amans font trompeurs , El malgré tous leurs foins & tomes leurs dou- ceurs , Il eft bon que l'on fe défende : Cardes qu'ils font les maîtres de nos cœurs", On remarque combien la différence efl: grande. De ces Amans fournis à des Amans vainqueurs. Diverses. 27Ï iWais enfin, fi de moi vous vous trouvez trop lafle , Quand Tircis m'aura fait croire ce qu'il me dit,' Alors moi-même je vous chafTe j Ce Tircis dans mon cœur remplira votre place. Je l'aimerai pour vous faire dépit. A P O L L O A IR 1 s (i). V. Os vers , aimable Iris , ont fait du bruit ici. On vous nomme au ParnafTe une petite Mufe, Puifque votre débutai! bien réullî, Vous irez loin , ou je m'abufe. Nos Poètes galans l'ont beaucoup admiré ; Les femmes bcaux-efprits , telles que fut la Suze, Pour dire tout, l'ont un peu cenfuré. Je fuis ravi que vous foyez des nôtres. Etre le Dieu des Vers feroit un fort bien dour, Si parmi les /. uteursil n'en étoit point d'autres. Que des Auteurs faits comme vous. (i) Cetce Epître &; la fuivante font partie d'une pièce imprimée dans le Mercure de Décembre 1677 , & irtitL'Jée : Nouielle a Madame de par l'Auteur du Mercure. Elles font l'une & l'autre de M. de Fort' jmdhf mçàs la ]>louvelle n'en eft pas. Z iv 'ù.'jl Poésies J'ai fur les beaux efprits une puiflance en-i tiere } fis reconnoiffent tous ma Jurifdiftion. A vous dire le vrai , c'eft une nation Dont je fuis dégoûté d'une étrange manière.' Ct même quelquefois dans mes brufques tranf- ports , Peu s'en faut qu'à jamais je ne les aban- donne; JVIais fi les beaux efprits étoient de jolis corps jj Je me plairoisà l'emploi qu'on me donne. Dès que vous me ferez l'honneur de m'invo** quer , Fiez-vous-en à moi, je ne tarderai guère ; Et lorfque mon fecours vous fera nécefTaireï Aflurez-vous qu'il ne vous peut manquer. Je vous dirai pourtant un point qui m'embar-» raffe. Un certain petit Dieu fripon , Je ne fais feulement fi vous favez fon nom, Jl s'appelle l'Amour, a pouffé fon audace Jufqu'à me foutenir en face, Que vos vers font de ma façon ; Ft pour vous, m'a-r-il dit , confolez-vous , de grâce , Ce n'e^ pas vous dont elle a piis leçon. Diverses. 275 Quoiqu'il fe pare en vain de ce faux avantage. Il a quelque fujet de dire ce qu'il die: Vous parlez dans vos vers un alTez doux lan- gage. Et peut-être après tout l'Amant dont il s'agit, Jugeroit que du cœur ces vers feroieu: l'ou- vrage , Si par malheur pour lui vous n'aviez trop d'eC^ prit. N'allez pas de l'Amour devenir l'écoliere, Ce maître dangereux conduit tout de travers j Vous ne feriez jamais de pièce régulière , Si ce petit brouillon vous infpiroit vos vers. Adieu , charmante Iris ; j'aur;-.! foin que la rime } Quand vous compoferez , ne vous refufe rien : ■ IWais que ce foit moi feul au moins qui vous anime , Autrement tour n'iroit pas bien. H^^ 274 Poésies rjSSÎJW«^=X^«?'SBSBS« A IRIS. i 6- y 8. AVcz-vous lu mon nom , fans changer Je couleur? Votre (î.irpiife , Iris , n'eft-el!e pas extrême ? RafTurez-vous : mon nom fait toujours plus de peut Que je n'en auiois fait moi-même. Votre Ouvrage galant , début affez heureux , Entre Apollon & moi met de la jalourie. Il s'agit de l'avoir lequel cft de nous deux Votre Maître de Poefie. Franchement , Apollon n'eft pas d'un grand fecours ; En maticre de vers je ne le craindrois guère , Et je le dc'Hrois de faire , D'auili bons écoliers que j'en fais tous les jours. Quels travaux alTîdus pour former un Poète, Et quel temps ne lui faut-il pas ? On efi quitte avec moi de tout cet embarras ; Qti'on aime un peu , l'affaire cil faite. t) I V ï: R s E s. 27^ Cherchez vous â vous épargner Cent préceptes de l'art qu'il feroit long d'ap- prendre ? Une rêverie un peu tendre En un moment vous va tout enfeigncrc. J'inftruis d'une manière aflez courte & facile y Commencer par refprit, c'eft un foin inutile , Fort long du moins , quand même il réuffir. Je vais tout droit au cœur , & fais plus deprofît; Car quand le cœur ert une fois docile , On fait ce qu'on veut de l'efprir. Quand vous Etes vos vers , dites- le moi fans feinte , Les fentiez-vous couler de fource & fans con» trainte ? Je vous les infpirois , Iris , n'en doutez pas. Si, forçant lentement, & d'une froide veine, Sillabe après (illabe , ils marchoient avec peine ^ C'étoic Apollon en ce cas. Lequel avouez- vous , Iris , pour votre maître? Je m'inquiète peu pour qui vous prononciez j Car enfin je le pourrois être Sans que vous-même le fuflîez. Je ne penferois pas avoir perdu ma caufe , 4^uand vous décideriez en faveur d'un rival ^ 27<5 Poésies Et même incognito fî j'avoîs fait la diofe , Mes affaires chez vous n'en 'noient pas plus mal. Mais quand je n'aurois point d'autie part à l'ou- vrage , Sans conteftation J'ai donné le fujet : ^ C'eft toujours un grand avantage ^ Belle Iris , j'en fuis fuis fait. T I R C I S A IRIS. IL y a aujourd'hui un peu plus d'un an que je vous ai vue pour la pre- mière fois , & par conféquent que je vous aime. C'eft une journée trop re- marquable, & qui a eu de trop gran- des fuites, pour l'oublier. Le pourrez- vous croire ? Les Amours Tonc iolem- nifée; & comme cette fcte vous regar- de , vous auriez fujet de vous plaindre, fi je vous en laiflbis ignorer les particu- larités. Le premier jour de Mai 1678 , on Diverses. 277 porta un billet chez tous les Amours : ils y trouvèrent ces quatre vers : Les Amours font demain priés d'un grand dîné Chez l'Amour, fils d'Iris , autrement la* * ** Comme c'efl: le four qu'il eft né , Il fe met en frais & les traite. Il y vint donc un très-grand nombre d'Amours chez celui qui les avoit con- viés j & aulli-tôt qu'il les vit: Chers Amours , leur dit-il , avec un doux fouris , Nous célébrons une grande journée. C'efl: aujourd'hui que je (yis né d'Iris , Aujourd'hui , je compte une année. Qjdoï ! vous n'auriez qu'un an , s'écria-t-ou ? Abus. Vous paroiflez trop grand & trop fort pour vo= tre âge. De bonne foi, dit il, je n'ai pas davantage,! Mais aufli je ne croîtrai plus. A peine venois-je de naître, Que j'étois déjà grand Amour, ïris , qui me voyoit croître comme le jour , S'imaginoit que j'allois toujours croître ; JVlais quand on croît û vîte , il eft un certaifli point Où l'on s'arrête de bonne heure : 17^ Poésies Ainfî qu'Iris ne s'en étonne point. Me voilà tel qu'il faut que je demeure. Après ce peu de paroles qui furent dites en arrivant, les Amours fe mirent à table , & chacun ayant pris place fé- lon fon rang. Le Maître du feftin leur en fît l'ouverture Par deux grands plats que l'on fervit. Dans l'un étoient des viandes en peinture , Dans l'autre des billets qu'il difoit pleins d'ef- prit. La plupart des Amours fe mirent eu colère. Quoi ! s'écrièrent -ils , vous moquez-vous de nous ? Viandes creufes & billets doux , Ert-ce là le repas que vous voulez nous faire ? Eh quoi , reprit leur Hôte , eft-ce que œes billets Ne feront pas pour vous une cliere complette ? Iris ne me nourrit que de femblables metsj Je vous traite comme on me traite. Je ne fais pas comment il faut vous recevoir. Si vous n'êtes content de ce qu'on vous pré- fente j Car moi , fans vanité , qui crois bien vous va- loir , Il faut bien que je m'en contente. Diverses. 279 Prefque tous les Amours l'avoient déjà qiiitcé , En peftaiu contie le régale. Il étoit feulement refté Quelques petits Amours de vie aiïez frugale , Lorfqu'il dit aux premiers : Revenez fur vos pas, Je vous ferai fervir des viandes moins légères; Pour moi , vous fouSrircz que je n'y touche pas, Il faut que je m'en tienne à mes mets ordi- naires. Il parut aulÏÏ • tôt un fervice dont tous les Amours furent fort fatistaits. Comme leur Hôte mangea fort peu , il s'appliqua à les divertir par Ion en- tretien. Il leur apprit que fa naiflance avoit été précédée de quelques prodi- ges ; car ce n'étoit pas un Amour du commun. Ces prodiges étoient que, quelque temps avant qu'il naquît, le feu avoit pris à tous les Livres de morale qu'avoit fon père , nommé Tircis , jeune homme qui faifoit fort le Philofophe; & que le Mercure galant étant apparu une nuit en fonge à fa mère Iris , lui avoit dit ces mots : Aime, & js i'immor^ talifi. La converfation tourna enfuite fur Tircis & fur Iris mêmes j on de ^ 29o Poésies manda au maître du feilin comment ils étoient enfemble, ou s'il l'aimoit mieux , comment Tircis étoit dans Tef- prit d'Iris. Voici fa réponfe. Ce Tircis qui lui rend mille hommages conf- tans, 'Aux dépens de fon cœur veut qu'elle les achette^ Iris , qui ne fauroir défavouer la dette , Pour le payer lui demande du temps. Cependant, s'il reçoit une œillade flatteufè, Er quelques mots douteux qu''il entend commf il veut , Il croit que fa fortune eft encor trop heureufe 3 Car d'une méchante payeufe On tire toujours ce qu'on peut. Quand il lui dit qu'il faut qu'elle s'acquitte. Qu'elle ne fait que s'endetter, Elle dit que la detce eft encore trop petite. Pour fe prefler de l'acquitter j Que quand elle fera pjus grande , Elle paîra les foins qui fe trouveront dûs; Et que c'eft ce qu'elle demande, Que de s'endetter encore plus. Peut-être que depuis le temps qu'elle diffère ,"" Sa promeiïe eft un peu fujette à caution ; Peut-être tout d'un coup fera-t-elle l'affaire: Qu'en croyez-vous , Amours r Voilà la quef- fion, Là-deffus Diverses. 281. Là-deflusles avis furent partagés. Il y en eut qui dirent que vous m'aimiez, & ce fut là le plus petit nombre. Tout le refle prétendit que je n'étois point aimé, & leur opinion l'emporta pac la pluralité des voix. Cette diverlîîé d'avis vint de deux différens carac- tères d'Amours qui étoient îà. Les uns étoient de ces Amours délicats qui raf- finent fur les moindres chofes , & qui fe croient heureux fur la foi des Inter- prêtes muets. Les autres fe moquoient de cette délicatefle , & ne fe fiattoient de la conquête des cœurs, qu'à bonnes enfeignes. Iris aime déjà , difoient les délicat? , Puirqu'elle fent quil fauc un jour qu'elle, aime. De Ton cœur ébranlé vous voyez l'embarras I Cet embarras , c'efl: l'Amour même. Quand d'un cœur, par furpLife , il s'efi: fait re» ce voir, Il ne veut pas d'abord s'en déclarer le maître; Jufqu'à ce qu'il ai: mieux établi fcn pouvoir. Il Ce ménage trop pour ofer y paroître. A la plus foible marque il faut le reconnoî* tre, Et l'on ne fait que l'enu'evoir. Tome XL A a 282 Poésies Qu'il eft doux à Tircis , dont les yeux uns re- lâche Cherchent du cœur d'Iris tous les replis fêcrers , D'y démêler enfin un Amour qui fe cache, Et fe trahit pourtant par de petits effets ! Petit être quand Iris avoueroit fa tendreiïe , En entendre l'aveu feroit plaifir moins grand, Que de la découvrir par cette heureufe adrellè , Qui l'épie & qui la furprend. De ces raffinemens, ta méthode efl fubtile , Répliquoient les Amours de l'avis oppofé : Mais fi fur ces garant? Tircis s'eft repofé, Tircis n'eft pas trop difficile. Puifqu'il ne faut, pour contenter (es vœux. Qu'un peu d'elpërance incertaine , Sans doute ce n'eft pas la peine Qu'Iris en faffeun Amant malheiireux. Quelquefois exiger trop de reconnoifTance, C'eft le moyen de n'être pas content. Il fe peut qu'en ce cas la Belle fe difpenfe De payer comme on le prétend : Et vous voilà fans récompenie. Mais quand heureufement un efprit fe repaît De ces chimères délicates Qui vous font dans un cœur voir tout ce qui vous plaît , On ne fauroit trouver d'ingrates. Pauvres Amours , connoiflez votre erreur j Laiffei là, lailTez là vos fines conjectures. Diverses 283 î'oor croire qu'en a fait la conquête d'un cœur , Il faut des preuves bien plus liîres. Quand la Belle a dit â l'Amant , Je partage avec vous l'amour que je vous donne, La preuve eft bonne affurément, Et cependant elle n'eft pas trop bonne. On pourroic fouhaiter quelque chofe de mieux > Sans fouhaiter rien de trop tendre. JVIais enfin un aveu fi doux , fi glorieux , Quoiqu'il n'ait point de fuite, eft toujours bon à prendre. Si ce n'eft être heureux , c'elt du moins être- aimé, C'eft de quoi fatisfaire un efprit raifonnable. Quant au bonheur que Tircis s'eft formé , C'eft un bonheur d'Amant très-miférable. Cette conteilation aigrit les efprits, & les Amours ne dirputcrent pas long- temps fans venir jufqu'aux reproches. Les délicats difoient aux autres, qu'ils ctoient trop groffiers pour goûter ces fins plaifirs de voir les progrès qu'on fait peu à peu dans un cœur qui fe défend, & dont la réfiftance eft pouf- fée à bout. Ceux qu'ils accufoient de grofîiereté, repouflbient l'injure, en difant qu'avec tous leurs raffinemensds délicatelfe, ils avoient tellement quin- Aa ij 284 Poésies teflencié l'amour, qu'on ne favoît pîu^ ce que c'étoit qu'être aimé. JEt comme les Amours ont le fang un peu chaud. Et que la moindre bagatelle, Un rien même, eft tout ce qu'il faut Pour faire entr'eux une grofTe querelle , Ils mettoient tous déjà la main à leurs carquois j Déjà pour le combat ils préparoient leurs armes , Etremplifloient les airs de leurs confules voix j Ce n'étoit plus que troubles & qu'alarmes. Déjà petits Amours contre petits Amours Commençoient fièrement une guerre civile , Si l'Hôte n'eût tâché , par fes fages difcours^ D'appaifer promptement leur bile. Il leur fit concevoir combien leur queftioa Etoit pour eux de légère importance j Et leur dit que chacun tînt Ton opinion , En at:endant la fin de votre indifférence , Qui donneroit bientôt une décifion. Cet avis fit cefTer leur ardeur belliqueufe ; Et quand la paix fut faite , ils tombèrent d'ac- cord Que c'étoit vous qui feule aviez eu tort De laifler fi long- temps la queftion douteufè. Voilà, belle Iris, ce qui fepaiTa dans ce feftin. Vous devez penfer à vous, car j'oubliois à vous dire que tous les Diverses. zBf Amours jurèrent qu'ils vous feroient un méchant parti, fi vous ne décidiez pas promptement cette queftion qui avoit caufé un fi grand défordre. LES ZÉPHIRS (k). i f8 a. \_^ E fut entre les lieux où faifoient leur féjour \ L'un de l'autre éloignés, Tircis & fa Bergère ^ Que deux Zéphirs , députés par l'Araout Pour exercer un tendre miniftere , Se rencontrèrent l'autre jour. L'un portoit à Tircis les foupirs que la Belle Envoyoit au trifte Berger: L'autre s'étoit voulu charger Des foupirs du Berger pour elle. Car l'Amour a toujours mille & mille Zépliirs T Qui , rangés à l'envi fous fon obéiffance , Portent en tous lieux les foupirs Que les cœurs amoureux pouffent peudant l'ab- fence. Vers les objets de leurs défirs. (J:) Il y a 'une autre pièce avec le même titre âC fur le même fujet , parmi les Poëlies de l'ALiceur, Xomç lY i mais ces deux morceaux lont dirTéreus. 28(5 P O E s T E s Nos deux Zéphirs d'abord fe reconnurent, Et voici l'entretien qu'ils eurent. ZÉPHIR DE TIRCIS. J e ne demande point , cher Zéphir , où tu vas ; Sans doute l'on t'envoie aux lieux que j'abaa- donne. Ton ambaiïade eft-elle bonne? Et portes- tu bien de tendres hélas ? ZÉPHIR D'IRÎS. Pas trop , & franchement j'en voulois davan- tage; Car le peu de foupirs qu'on me donne à porter. Ne me femblepas mériter Qu'un Zéphir entreprenne un affez long voyage : Mais dis-moi vite , es-tu bien chargé, toi? ZÉPHIR DE TIRCIS. Ah ! vraiment fe ne puis fuffire A tout ce que Tircis me veut donner d'em- ploi. Porter tous fes foupirs ! cela de bonne foi Paffe les forces d'un Zéphire. Quoique faye aflez voyagé Pour les Amans éloignés de leurs Belles , Depuis qu'à ce métier on exerce mes ailes , Jamais je ne fus fi charge. Diverses, 28^ ZÉPHIR D'IRIS. A ce compte , Tircis , grâce à l'inquiécLide, Ec grâce aux peines qu'il refTenc , Fait les devoirs d'Amant abfent Dans la dernière exaftitude. ZÉPHIR DE TIRCIS. Sans doute on n'a point vu dans l'empire amoa- reux , De pafllon plus exemplaire. 11 ne reflemble point aux Amans du vulgaire , ^Qui , dans l'éloignemenc , chagrins en dépit d'eux , Peftant contre un Amour fâcheux , SeroJent ravis de s'en pouvoir défaire. Tircis , quoique plongé dans un cruel ennui. Ne l'accufe jamais de trop de violence: Les maux que lui caufe l'abfence, Puifqu'ils viennent d'Iiis , ont des charmes pour lui. ïiis feule l'occupe; & quand il la regrette, J! goûte la douceur fecretre D'en faire fon feul entretien. Puifqu'il ne voit point ce qu'il aime , - Il fe fait un p!aif>r extrême De ne prendre plaifir à rien. Je ne fais pas , pour moi , comment on o{e De cinq ou lix foupirs, payer un tel Amant j '&BS Poésies Et je ne fais non plus comment Tu lui pourras offrir fi peu de chofè,'' ZÉPHIR D'IRIS. fl fera trop content , va , fen fuis afTuré : Mais vois-tu ? je me perfuade [Qu'Iris pourroit avoir un peu plus foupiré Qu'il n'eft die dans mon ambaflade. Iris eft un terrible efprit; Epargner les aveux ,c'eft fa grande maxime. Elle envoie à Tircis , qui loin d'elle languit, Quelques légers regrets par manière d'acquit : Pour les foupirs trop doux , la Belle les fupprime. Quand , à ce pauvre Amant inquiet , éloigné, Elle peut dérober une bonne partie De la peine qu'elle a fentie , Elle croit avoir bien gaené. ZÉPHIR DE TIRCIS. AufTi j'ai remarqué que d'une étrange forte L'Amour eil: déliant fur le compte d'Iiis : Il ne peut croire cncor fon cœur affez bien pris. Témoin les ordres que je porte. ZÉPHIR D'IRIS. Quels ordres portes-tu? ZÉPHIR DE TIRCIS. Telle eft exprefTémeni Dans Diverses. 2?p Dans le féjour d'Iris , la loi qu'Amour impofe , Que tout d-e fon Berger lui parle à tout mo- Kient ; Car on craint que fon cœur n'en parle rarement. Si fur fon cœur on s'en repofe. Si la belle Iris rê\e à fon tendre Berger , L'Amour veut qu'à l'envi tout flatte la Bergère^ Il veut que d'une aîle légère Les Zéphirs autour d'elle aient foin de voltiger ; Il veut que les oi féaux , en chantant leurs amours , Entretiennent fes rêveries (/) : Mais dès qu'elle ofera goûter d'autres plaifîrs Que ceux de s'occuper d'u-n Berger fi fîdelle , Il veut que les oifeaux , les ruiffeaux , les Zé- phir. , Tous à l'envi fè déclarent contr'ellc. 2ÉPHIR D'IRIS. Si l'Amour fe défie , il eft firr d'autre parc Qu'Iris n'eil pas fans défiance. Si tu favois combien de prévoyance Elle a fait voir à mon départ! Elle m'a dit cent fois : Ecoute j. Quand tu feras parti , Zéphir , arrête-toi , Si tu ne trouves fur la route \Jn zéphir envoyé vers moi : (Z) Il manque deux vers pour rimer aux deux préccdeiiSt Tome XL Bb 2pO P O E S T E S Après l'avoir trouvé fur ton chemin, avance j S'il tardoit trop, reviens plutôt ici : N'y manque pas , cher Zéphire; ceci Eft de la dernière importance. ZÉPHIR DE TIRCIS. Pour moi , quani j'aurois dû ne te pas rcncon- tier , J 'avois ordre d'aller de la même vîtefle. Mais grâce aux longs difcouis où nous venons 'd'entrer , Tu ne te Touviens plus combien le temps nous prciïe. Vas vite l'acquitter de ta commillion : Tircis languit dans cette attente ; Vole au gré de fa pafTion. Je puis aller , jfe crois , d'une aile un peu plus lente , Iris eft moins impatiente. ZÉPHIR D'IRIS. Là, là, c'eft une queftion. À Diverses. 291 LE RU ISSEAU. AMANT DE LA PRAIRIE. 'Ai fiiit pour vous trouver un aflèz long voy-.ge, Mon ainable Prairie j enfin je yiens à vous j Recevez un Ruifleau , donc le fort le plus doux Sera de voir Tes eaux couler pour votre ufage. C'eft dans ce feul efpoir que, fans aucun repos. Depuis que j'ai quitté ma fource , J'ai toujL'Jurs jufqu'ici continué ma courfè, Toujours roulé mes petits flots. D'un cours précipité j'ai paffé des Prairies, Ovi tout autre ruiffeau s'aniufe avec plaifir ; Je n'ai point ferpenté dans leurs routes fleuries ^ Je n'en avois pas le loifir. Tel que vous me voyez , fâchez , ce vous dé- plaife , ( Car il eft bon de fe faire valoir ) Que plus d'une Prairie auroit été bien aifè De me donner paffage & de me recevoir. Bb ij ûp2 Poésies M?.is ce n'étoit pas li mon compte ; J'en fuife arrivé un peu plus tard en ce lieu j Er par une fuite afTez prompte, Gazouillant finement , je leur difois Adieu. Il faut vous dire tout, la feinte eft inutile , J'en tiouvois la plupart dignes de mes refus j Les unes, entre nous, font d'accès fî facile, Que tous Ruiflèaux y font les bien venus. Elles veulent toujours en avoir un grand nom- bre, Et moi dans le grand nombre auflîtôt je me perds ; D'3.utres font dans ces lieux un peu trop décou- verts , Et moi j'aime à couler à l'ombre. J'étois bien infpiré de me garder pour vous , Vous êtes bien mon fait , je fuis afTez le vô- tre ; Mais aufli moi reçu , n'en recevez point d'au- tre, Car je fuis un RuifTeau jaloux. A cela près , qui n'eft pas un grand vice , J'ai d' afTez bonnes qualités. fie craignez pas que jamais je tarifTe , Je puis délier les étés, v Diverses. 2513 Je fais que certaines Prairies D'un Ruifleau comme moi ne s'accommodent pasj Il leur faut ces torrens qui font tantcle fracas j Mais fort fouvent on voie leurs eaux taries. Mon cours en tout temps cil égal ; Je fuis tranquille & doux , ne fais point de ra- vage j De plus , je viens vous fiire hommage D'une eau pure comme criftal. Il eft telle Prairie, & peut-ctre afTez belle, A qui le plus petit Ruifleau , Suivant fa pente naturelle , N'iroit jamais porter deux gouttes d'eau ; A moins que d'itourné par un chemin nou- veau, Elle n'en amenât quelqu'un jufques chez elle. Alais pour vous , fans vous mettre en frais, Sans vous fervir d'un pareil artifice , Vous voyez des Ruiffeaux qui viennent tout ex- près Vous faire offres de Iciir fervice , Et le tout pour vos intérêts. A préfent , je l'avoue , on vous trouve agréable. Vous donnez du plaifïr aux yeux ; Bbiij 294 Poésies Mais avec un Ruifleau, rien n'eft plus véritaMe Que vous en vaudrez beaucoup niicKx. De cenr fieurs qui naîtront, vous vous venez o née ; Je vous enrichirai de ces nouveaux tréforsj Et vous tenant environnée, Avec mes eaux , je munirai vos borJs, Repofez-vcHs fur moi t'u foin de les défendre;. A quoi plus fortement puis-je m'intércfler? Déjà même en deux bras je m'apprête à me fen- dre , Pour tâcher de vous embrafTer. Mes ondes lentement de toutes parts errantes» Ne pourront de ce lieu fe réfcuJre à partir j Et quand j'aurai femé cent routes difFéreiites , Je me perdrai chez vous plutôt que d'en fortir. Je fens, je fens mes eaux qui bouillonnent de joie: De les tant retenir à la fin je fuis las : Elles vont fe répandre & fe faire une voie ; Il n'eft plus temps a vous de ne confentir pas. Diverses. 295 LETTRE À MADEMOISELLE DE **. IL y a long-temps que je m'ennuie de vous appeller Mademoifelle , ôc d'être traité par vous de Monfieur. Je fuis ravi que vous vous foyez au(îi en- nuyée de ces noms, de vous avez été heureufement infpirée de m'en cher- cher un moins férieux. A dire vrai, ce terme de Monfieur tient un peu trop du refped , & vous pouvez le perdre hardiment pour moi, pourvu que vous confentiez à Is remplacer par quelque fenriment plus agréable. Votre embar- ras fur ce changement de nom , venoit de la difficulté de m'en choiiir un qui fût joli , & point trop tendre, C étoit affurément une affaire. Mais enfin tout eft terminé; Je m'en vais vous caufer une furpiife extrê- me. Ebiv 29(5" Poésies Ce nom que v ous cherchiez , i'Amour me l'a donné. - Quoi! l'Amour? Oui, l'Amour lui-même. Qui fe le fut imaginé ! Sans doute on ne s'atcendoit guère Que dans votre Confcil vous duffiez l'appeller. Mais ce fripon fait bien plus d'une affaire. Donc il n'eft pas prié de fe mêler. Je gage que vous vous préparez déjà" à le défavouer de ce qu'il a fait: mais je vous aflure qu'il en a fort bien ufé; & vous favez auflî bien que moi , qu'il a plus d'cgard pour vous, que pour au- cune perfonne du monde. Voici comme cette négociation a été traitée. Quand il fut que vous vouliez bien recevoir un nom ,& m'en donner un, il afifembla tous fes petits frères les Amours , pour délibérer là-defius. U leur propofa d'abord qu'il étpit temps que nous quittaffions les noms de Monfieur & de Mademoifelle. On ap- porta les regiftres de fes conquêtes , & on fe mit à les feuilleter. Les regidres des conquêtes de TAmour , vous vous imaginez bien que ce doivent être force billets galans de toutes les ma- nières. On trouva dans les plus anciens Diverses. 297 les noms de mon Soleil &' chère Ame, Les Amours éclatèrent de rire. Ccpenciant, ne vous en dépraiie, Ces noms furent trouvés fort tendres & fore doux Par quelques Amour? portanrfraife, Dont nos aïeux fentoîent jadis les coups. Ils regrettèrent fort l'antique prud^hoinie, Qui ne paroît plus dans nos ans , Et les mots emmiellés de in'amour , de m'a-- mie , Dont on fe fervoit au vieux temps. On trouva enfuite dans des regiftres plus modernes , mon cher & ma chère ; & là-deflus un gros Amour au teint fleuri > Qui ne connoifToù point de beauté rigoureufè , Qui de folides mets s'étoit toujours nourri, Et qui favoit duper le plus jaloux mari , Et la raere la plus fi'icheufè , Cria tout haut : Mon cher & ma chère font bons , Ils expriment fort bien , ils font du bel ufagej Pourquoi feuilleter davantage? Ordonnez qu'on prendra ces nonîs. 2p8 Poe s i e s Tout beau , lui répondit certain Amour févere i Nos Amans n'en font pas encore où vous penfezi Quoi ! viendroient-ils fi-tôt à mon cher & ma chère ? S'ils y viennent un jour, ce fera bien affez. Vraiment, fi j'en étois le maître, Répliqua le premier , ils douhleroient le pas: Vous diriez qu'ils ne font que de s'entre- con' noûre , Ces Amans là n'avancent pas. Malgré l'avis de cet Amour, on con- tinua à feuilleter; on lut les noms de irion Eergcr & ma Bergère. C'eft dom- mage , dit-on , OjU'ils (oient trop com- muns; car ils font fort jolis. En même temps on entendit la voix d'un petit Amour , qui dit prefque tout bas : Il y a remède à cela. On fé tourna vers lui, &: on le vit qu'il tâclioit à fe perdre dans la foule des Amours, oii il s'étoit toujours tenu caché. Mais on l'en tira , pour lui demander qui il étoit. il n'é- toit connu de perfonne. Sa phyfioncmie ctoit fpirituelle, Le teint fort beau , l'œil languifTant & doux, La taiiie petite, mai. belle, En un moi tout fait comme vous j D I V Tt R s E s. 2p^ Fort timirîe, car de û vie Le pauvre enfant n'avoic paru publiquement. Ilruugit, en voyant fi belle comp:îgnie , Et fa rougeur avoit de Ta^rement. II dit que vous édez fa mère: mais que comme cela étoit fecret, il pnoit fes frères les Amours de n'en rien dire; & que fi on lui laiflbit /e temps de re- pren !re un peu Tes efprits , il nous don- neroit , à vous & à moi s'entend , un nom dont nous aurions fujet d*ètre fa- tisfaits. Si - tôt qu'il fe fut remis , il ajouta qu'il falioit que vous -m'appellaf- fiez mon Berger. A la vérité, pourfui- vit il . le nom eft comniun , comme vous l'avez déjà remarqué ; mais voici le moyen d'empêcher qu'il ne le foit. Il ne l'appellera pas fa Bergère , mais fa Mufetie , & alors mon Berger & ma Mu- fette feront des noms nouveaux. Ma Mu- fette ! s'écrièrent les Amours. Oui, ma JVIufette , reprit il d'un air un peu plu<; afluré; ma mère eft une vraie Mufette. Elle eli toute prête à charmer, Et d'elle-même elle a tout ce cju'il faut doi« p'airi- ; JVIais un Berger eft nécefTaire , Quand il s'agit de l'animer. '^oo Poésies Simon avis , Amours, étoit fuivi du vôtre, Je crois qu'il faudroic obliger Et la Mufettc & le Berger , A certains devoirs l'un vers l'autre» Le Berger ne dira rien d'amoureux , de dour , Si ce n'eft a>ec fa Mufette : Elle diflinguera fon Berger entre tous , Et pour tout autre elle fera muette. De plus , quelque tendre chanfon Que le Berger à fa Mufette infpire , Elle ne pourra fe difpenfer de Li dire. Ni de la prendre fur fon ton. On fut aflez fatisfait de la harangue du petit Amour ; & tous les Amours fe réparèrent , après avoir réfolu qu'on vous propoferoit Is nom de Mufette , & à moi !e nom de Berger. Si vous acceptez le vôtre , fongez, je vous prie , que le B?rger voudroit bien que ù Mulette ne fe ik point em- ployer à des chanfons trifies ni plainti- ves , mais feulement à celles où l'on marque fa reconnoilfance à l'Amour, Diverses. 301 SONGE A IRIS. 1 6-7.8. J Ris , )e revois l'autre jour Que deux petics Amours, envoyés parleur maî- tre, Nous enlevoîent tous deux , pour nous mener paroître Au tribunal du grand Amour. Moi qui fentois ma confcience nette , J'allois gaiement d'un pas délibéré j Pour vous , vous n'aviez pas le vifage aflliré. Et je vous trouvois jnquiette. Sans ccffe vous difiez : Amours , je fuis Iris , J)ont le cœur n'a jamais connu voae puilTancej Il faut que l'on fe foi: mépris : Mais on n'écoutoic point vos cris. De l'Amour en cela la méthode eft fort bonne; Contre fa violence on a beau proterier , Il vous laifTe tout dire , & loin qu'il s'en étonne. Va fon chemin fans s'arrêter. A fon grand tribunal enfin on nous préfènte ; Il n'avoir plus ni l'air fournis & doux, Ni la figure fuppliante Qu'il avoit toujours fait paroître devant vous î, 502 Poésies Mais fièrement affis comme un Juge févere, 11 ne reffembloit point au plus galant des Dîe'ix. Un grand regîue ouvert qu'il parcouroit des yeux, Sembloit exciter fa colère. C'eft U qu'il voit en un moment Les aft'aires de Ton Empire. Chaque périt Amour vient chaque mois écrhe Ce qui fe p.ilTe à Ton gouvernement j Un gouvernement, c'eft-à-dire , Une Belle avec fon Amant. Par exemple , un Amour fujet à rendre compte De tout ce qui dépend de fon petit emploi , Vient éaire : Aujourd'hui Climene , fous (a loi, A Qi ranger, fi vous voulez , Oronte; Et puis un mois après: Climene s'attendrit, Reçoit les vœux d'Oionte, & n'eu reçoit plus d'autres. Le mois fuivant il eft écrit : La Climene eft des nôtres. C'eft ainfi qu'on trouve à la fois L'état de tous les cœurs dans ce vafte mé- moire. • Heureux les Amans dont l'hiftoire Change bcaucorp de mois en mois. Pour !e petit Amour que fon devoir engage A veiller fut nos cœurs tombés dans Ion par- tage, Diverses. 303 Depuis plus de deux ans que j'avance fort peu , Il avoir chaque mois le même compte à rendre; Iris promet un aveu tendre , Iiis promet un tendre aveu : Du courroux de l'Amouj; c'étoit ici la caufè. Qu'efl ceci , difoit-il , & chagrin & (iirpris ? Déjà depuis deux ans fur l'article d'Iris, Je vois toujours lamêmechofè. Toujours l'aveu promis , & rien après cela. Celles qui dès ce temps faifoient même pro- meiïe. Ont mille & mille fois avoué leur tendrefïè ; Vraiment elles n'en font plus là. Ce regître ,, quoiqu'aiïèz ample , Ne me fournit aucun exemple D'une affaire qui faffe aulîi peu de progrès. Alors de mon côté , commençant à me plaindre, Je crus qu'avec l'Amour j'allois être d'accord j Car que votre parti fût extrêmement fort , C'eft ce que je penfois n'avoir pas lieu de crain- dre. Taiftz-vous, me dit-il; vous lui perfuadez Que votre amour n'en feroit pas moins ten- dre ; Quand elle ne devroit jamais vous faire entendre Cet aveu que vous demandez ; C'eft bien là comme il s'y faut prendre. Aimez d'un amour (iconftant Qu'il vous plaira , j'en fuis content, 504 Poésies IVlais faites quelquefois entievoir à la Kelle Qu'en fe défendant trop , elle courroit hafard De ne pas infpirer une flamme éternelle. Suffit il que l'on {bit fidelle ? II faut l'être avec un peu d'art. Je n'entends pourtant pas qu'Iris tire avantage Du peu d'adrefle de l'Amant. Çà doue , Lis , qu'on change de langage ; Qu'on dife , j'aime , en ce même moment. Mais, Amour, efl-il nécefTaire , Lui difiez-vous d'un air allez fournis i Ce tendre aveu dès long temps eft promis j Promettre un aveu , c'eft le faire. Non, en termes erprès ,il faut vous déclarer; Pour la première fois, que ce mot coûte à dire! Vous avez eu deux ans à vous y préparer, Cela ne doit-il pas futfire ? Vous tombiez 3 belle Iris, dans un doux embar- ras 5 JMais l'Amour demandoit la chofe un peu plus claire. Quoi ! vous vous obftinez , reprit-il , à vous taire ? Hé bien , vous allez voir que pour d'autres appas , Tircis négligera tous les foins de vous plaire. La menace en nous deux fit un effet contraire. Vous criâtes : Amour, ah ! ne le fai;es pds. Je répondis: Amour^ vous ne le fauriez faire. EaÔQ Diverses. 50;" Enfin , l'Amour , Iris , fut Ci bien vous preffer , Avec c^tce colère ou véritable ou feinte, Que vous dites : Eh lien , puifque j'y fuis con- trainte , Puifqu'on ne peut s'en difpenfer, Il eft vrai Votre bouche alloit prononcer, J'aime. Votre air, votre langueur, votre fîlence même, Par avance déjà fembloient.Ie prononcer: V^otre tein: fè couvroit d'uue rougeur nouvelle ; Vos timides regards fe détournoient de moi j Pourquoi dans cet inftant, pourquoi Une funefle joie, hélas! m'éveilla-t-elle? Tel eli mon fort ; ce mot fi cher à mes fouhaits , Et que j'ai mérité par un amour fi tendre , Je me verrai toujours Cur le point de l'entendre, Et je ne l'entendrai jamais. Tome Xlt Ce 3o5 Poésies T RADUCT ION DU REFRAIN Du Pervîgilium Vcneris : Cras amet qui nun- quam amarit ; quiqne amavit , cras amet, X-i'ENFANT aîlé , que rUnivers adore, Piefctit à tous cet ordre fouverain. Aimez demain , (î vous n'aimez encore j Si vous aimez , aimez encore demain. FERS D E M A N I L I U s. D -*-^ u M quarimus , œviim Perdimus , i/ nulLo votorum fi/ic beau , ' J^iduros agimus fcnipcr , nec vivimus iinquam. IMITATION. Dans des foins éternels nous perdons nos années. Par l'inquiet defîr de les voir fortunées; Et toujours agités par de nouveaux fouhaits. Nous projetions de vivre , & ne vivons jamais. Diverses. 307 COUPLET Sur les Demoiselles Loyson, V^/ Uatre beaux yeux m'ont fu charmer) Ah ! mon mal ne vient que d'aimer. Deux fœurs , que je n'ofe nommer. Me tournent la cervelle. Ah 1 mon mal ne vient que d'aimer , Mais je ne fais laquelle. SUR LE MARIAGE. Dans les noeuds de l'hymen , à quoi bon m'en- gager ? Je fuis un , cela doit fuffire ; Si j'étois deux , mon état fetoit pire : C'eft bien aficz de moi pour me faire enrager. Sur cette cxpreffion ajfe^ commune : Tuer le Temps. Cefl h temps qui parle. Lorfque pour s'amufer , fans ccfîe ils s'éver- tuent, Ces MelTîeurs les Humains , ils difent qu'ils me tuent : Moi , je ne me vante de rien ; Mais, ma foi, je m'en venge bien. Cci; 3o8 Poésies Diverses. VERS De r Auteur , dans la quaîre-v'mgt dix^ fepùeme année defon âge ^furfon ejlomac, \J U'oN raifonne j/ /loc & ah Aac Sur mon exiftence préfente , Je ne fuis plus qu^un eftomac; C'eft bien peu , mais je m'en contente. A un homme qui allo'u publier un Ouvrage* Dans la lice où tu vas courir, Songe un peu combien tu liafardes. Il faut avec courage également offrir Et ton front aux lauriers, & ton nez aux nafar- des. FIN. T A B L DES PIECES Contenues dans ce Volume. Pièces relatives à M. de Fontenelîe. T7' Loge de M. de Fomenellc , par g j Aï. h Beau , Secrétaire pcrpétuil de V Acadànie des înjcrïpûons & Belles- Lettres , lu dans f AffcmbUe publïqm dt après Pâques l'J'^'J. P^ge j Extrait du Difcours prononcé par M. Se- guier , tun des Avocats Généraux du Parlement de Paris , lorfquilfut reçu à t Académie Françoife le jeudi 3 i Mars IJ^J , à la place de M. de lontenelle» xxvij Extrait de la Féponfe de M. te Duc de Nh'cinois à M, Scguier. xxxvij Extrait du Mercure du mois de Février i68i. Ij Fers de M, Fufelier pour les Blondes , ea 310 TABLE. réponfe à ceux de M. de Fontenelle pour Us Brunes. Iv Vers adreffés à M. de Fontenelle par M. de Créblllon , & prononcés dans L AJfembUe publique de V Académie trançoife y le jour de Saint Louis 2^ Août 1 74 1 , Ivj Lettre de M Maiy , Garde de la Biblio- thèque Britannique , à M. de Fonte- nelle , en lui envoyant le Poème de Vauxhall, lix £legia in obitu D. de Fontenelle , lecla in confejju Acad. Roth. 26 Junuarii Lettres de M. de Fontenelle. Lettre 1. à M, Vieujjens , Médecin de Montpellier , I Lettre II. à M. le Clerc. 3 Lettre ïll. à M. Gottjched , ProfeJJeur à Léippc, 6 Lettie iV. au même lo Extrait de la Galette Littéraire de VEu^ rope. 1 4 Lettre V. au Chevalier Hans Sloane , Pïéfident de la Société Royale de Lon- dres. 17 Lettre VL ^« /72^//7e. 39 Lettre VIL ai^même» 2.Q TABLE. 3ÏI Lettre VIÎL à M. BouUkr. -l i Lettre IX. au même-. 26 Lettre X. au rfîéme. 28 Lettre XI. au méine. 30 Lettte XII. de M. BouUur, 35 Lettres XIII , XIV & XV. ^ M. sGra- vefende , & réponfes. 3 8 Lettre XV^I. des Auteurs du Journal Lit- tcraire , à M. de FontcndU. 47 Lettre XVII. de. M. Lockman. Epîm Dédicatoire à M. de FontemlU , de la Traduiîion Ângloifc de CHiJloire de Pfyché de la Fontaine. 5 o Lettre XVIII. Rcponfe de M. de Fonta- nelle à M. Lockman, ^J Lettre XIX. à M. Vérmt , Profejfeur à Genève. 6 1 Lettre XX. au même. 65 Lettre XXI. au mêmt fur le tutoyement. 70 Lettre XXII au même. 75* Lettre XXIII de M. de Montefquieu ^ fur le n.êmefujet du tutoyement. 'yy Lettre XXIV. à V Académie de Rouen. 80 Lettre XXV. de M. le Cat , Secrétaire perpétuel de C Académie des Sciences de F^ouen , à M. de FoniendU , en lui envoyant L* Eloge du Père Marcajîel ^ s 12 TABLE, Affocié de la même Académie, 82 Lettre XXVL Réponfc de M. de Fonte- ndk, 8 5 Lettre XXVIL à feu Madame la Mar- grave de Bareïth^ fœurdu RoidePruJfe, 84 Lettre XXVIIL Réponfe de Madame la Margrave de Bareith. 8ç Lettre XXIX. à M. Formcy , en réponfe à celle par laquelle il avoit notifié à M. de Fontenelle fon affociation à t Acadé- mie de Prujfe. 66 Lettre XXX de Mademoifclle de Lau- nay , depuis Madame de Staal , à M. de Fontenelle. po Lettre XXXI. Réponfe de M. de Fonte- nelle. P3 Lettre XXXII. de Madame de Staal. 9S Lettre XXXIII. de M. tAhhé de Brage- longne , de V Académie des Sciences, py. Lettre XXXIV. de M, de Pontchar- train, pp Lettre XXXV. de M, l'Abbé Bignon, 100 Lettre XXXVl. du même. 103 Lettre XXXVII. de M. le Comte de Maurepas. Lettre XXXVIII. du même. 104. Lettre TABLE. 315 Lettre XXXIX. du même, lo5 Lettre XL. du même. I07 Lettre XLI. de M, Jacques Serccs. 108 Lettre XLÎL de M. Haufen. 112 Lettre XLIII. de M. CAbbé de la Pil- loniere, 1 1 6 Lettre XLIV. de M. ChauveL'm , Garde. des Sceaux. 120 Lettre XLV. de M. de Fontmelle à M, de Montejquieu. 12 £ Lettre XLVL de M. U Cat à M. de FontenelU. la^ Lettre XLVII. du même au même. I26 Lettre XLVIIL de M. de Bettencourt à M. de Fornenelle. 1 29 Lettre XLIX. ^// 7/z^W. 132 Lettre L. du Pape Benoît XIV {Lam~ henini^ à M. de Fontemlle. 137 Lettre LL de M. de Fontendle au Roi de Pologne^ Duc de Lorraine & de Bar ^ pour le remercier de la place quillui avoit accordée dans la Société des Sciences & Belles-Lettres de Nancy. 13 c) Lettre LU. Réponfe du Roi de Pologne^ I4Q Lettres de M. de FontenelU au Père CafleU 141 Lettres du Père Caftel à M, de Fojitenelle, Tome XI, Dd 3î4 TABLE. Lettres di M. de Fontcmlk au Cardinal dt Fkury, avec les Réponfes. 173 Lettres de M. de Fontenelle à Madcmoi-' felU de Raymond de F arc eaux , depuis Madame de Forgeville. 1^5 Portrait de M. de Fontenelle , par feu Ma- dame de Forgeville. 222 Lettre de M. de Brevedent à Madame de Forgeville. 224- Lettre de M. de Fontenelle fur Eléonore d'Yvrée, o« les malheurs de l'Amour, petit Roman de Mademoifelle Bernard. Q.l'l Huit Lettres du Chevalier d'Her^par M. de Fontenelle) fup primées dans les dernières Editions. 235* Avertiffement de lapremiïre Edition des Let- tres du Chevalier d'Her **e/zi685. 253 Poëfies diverfes de M. de Fontenelle, Le Roffignol , la Fauvette & U Moineau , Fable. 2J^ V Amour noyé, 2J7 Epitaphe de l'Amour, 260 Sonnet à une defes amies qui Cavoit prie de lui apprendre l! Efpagnol. 16 \ Eloge de Marques f petit chien Aragonoi^. 262, AVERTIS'SEMENT ne/ LIBRAIRE. N publiant en lyyS deux nouveaux Tomes des Œuvres de M. de Fonu~ nclU, le neuvième & le dixième, j'en promis un onzième , compofé principa- lement de fes Lettres actives & paflî- ves , & de quelques Poëfies de fa pre- mière jeunefle, inférées dans les anciens Mercurcs. On mi'a fouvent prefle d'ac- quitter ma promefle ; je le fais enfin aujourd'hui. J'ai différé dans l'efpérance de recueillir un plus grand nombre de Lettres ; mais après huit ans d'attente, je ne i'efpère plus. Cefi: iM. l'Abbé Truhkt qui m'a procuré celles qu'on trouvera dans ce onzième Volum.e. Il héfitoit fur la réimpreffion des piè- ces inférées dans les anciens Mercurcs , ou dans les premières éditions des (Eu- yres de l'Auteur , & que M. de Fonte- nelle avoit retranchées des fuivantes. Mais je lui ai repréfenté que fi je ne les redonnois pas , quelque Librairs a iij VJ Av ERTîSSEMENT. étranger les redonneroit , & qu'il étoit de mon intérêt de le prévenir. J'ai voulu donner une hdition du moins à peu près complette; & , encore une lois , il m'a paru qu'on le défiroit. Voilà mon ex- cufe^ fi j'en ai befoin. Pour le refte des Ouvrages de M. d& FontcnelU , contenus dans ce Volume , je renvoie à la Table des articles , à quel- ques avis dont ils font précédés, & à quelques notes dont ils font accompa- gnés. Je dois encore ces avis & ces notes à M. l'Abbé TrubUt. Enfin , ce Tome onzième débute com- me le neuvième, par diverfes pièces re- latives à M. de FonundU. La première eft Ton Eloge par M. le Beau^ Secrétaire perpétuel de l'Académie des Infcriptions & Belles - Lettres. La Table indiquera les autres. Sur l'emploi de Contrôleur Général des Finances, morceau extrait du Dif- cours prononcé par M. U Huguais^ Avo- cat Général de la Cour des Aides, à la préfentation des Lettres de M. le Chan- celier de Pontckartrain, & compofé par M. de Fontenelle Ca), (a) Voyez dans l'Eloge de M. de FontendU Avertissement. vij Aux yeux du vulgaire , il ( le Con- trôleur Général des Finances ) paroît parfaitement heureux. Semblable à ces Dieux que l'Antiquité imaginoit à la fource des grands fleuves , il eft appuyé fur l'urne d'où coulent les tréfors ; il en règle le cours à Ton gré, & il en ar- rofe les campagnes qu'il lui plaît de fa- vorifer. Ce qui efl plus nécefTaire aux divers befoins des hommes , ce qui l'eft encore davantage à leur avidité, eft unique- ment entre Tes mains. Auffi quelle foule de fupplians autour de lui I Le moment de fon élévation lui donne un monde d'efclaves attachés à lui par les indifl'olubles chaînes de l'in- térêt. Les plus fuperbes n'auroient pas de quoi foutenir leur orgueil , s'ils ne fe profternoient à fes pieds ; & il devient le centre où abouiiflent tous les refpeéts que produit la plus générale de toutes les pallions. par M. /(? Beau , la note qui fè trouve page xxij. On peut voir encore les 3Iémoires de M, VAbbé Trublct fur M. de FonteneLU , page 141 & fuiv. ^iij Avertissement. Honoré de la plus intime confiance du Prince, il en tire encore un nouvel éclat. Cette Majeflé prefque inacceffiblé aux autres, léparée des plus Grands de TEtat par un prodigieux intervalle, fe laifTe voir à lui, & plus fouvent, & de plus près. Il jouit de la précieufe facilité d'approcher d'elle , & elle fouffre qu'il foit préfent , & quelquefois même qu'il preniae part à la naiflance de ces defleins îecrets d'où dépendent les deilinées des hommes. Vaine &trompeure félicité, dont tout l'enchantement difparoît au premier re- gard de la rai Ton ! Tous les befoins d'un grand Royau- me pefent fur celui qui prédde aux Fi- nances. Toutes les maladies de l'Etat ont droit d'aller troubler fon repos , ou , pour mieux dire , elles fe font toutes fentir à lui. Sans cefîe de nouveaux maux lui de- mandent de nouveaux remèdes ; fou- vent de ces remèdes mêmes il renaît des maux qu'il faut encore guérir : & cet emploi fi brillant & fi défirable en ap- parence , n'eft au fond que le fupplice de cet homme condamné par les Dieux à rouler toujours jufqu'au haut d'une TABLE. 31; Vlndiference à Iris, 2.66 Réponfc d'Iris à f Indifférence, 2.6^ Apollon à Iris. 27 1 V Amour à Iris» ^74 Tircis à Iris. 2.j6 Les Zéphirs. 28 J Le Ruiffeau amant de la Prairie. z^ l Lettre à Mademoifelle de * *. 2p Ç Songe à Iris. 301 Traduclion du refrain ^/^Pervigîlium Ve- neris. 306 Imitation de quelques Vers de Manilius, ibid. Couplet fur les Demoifelles Loyfon. -^oj Sur le Mariage. ibid. Sur cette expreffïon ajje:^ commune: Tuer le temps. ibid. Vers de f Auteur fur fon ejlomac. 308 Vers à un homme qui allait publier un Ou^ nage. ibid. Fin de la Table, IMG LIST SEP 1 1947 P3 1797 F7 1766 1. 11 Fontenelle, Bernard Le Bovier de Oeuvres Nouv, éd. PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY NOT WANTED IN RBSC PÏU: DATE. .Ii!;i.;iî|iiiililiiiiil!l«!i